L'interprétation n'est elle qu'une traduction ?
Extrait du document
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Discussion :
On appelle herméneutique, l'art d'interpréter, pour autant qu'il est commandé par la reconnaissance d'un sens caché sous le sens apparent.
L'interprétation, suppose qu'une seule lecture ne suffit pas pour que le sens soit compris et que, précisément, la lecture doit être
redoublée dans une interprétation pour être satisfaisante.
Mais tout dépend pour interpréter de l'investissement de la subjectivité, du
contexte dans lequel se déroule l'acte lui-même.
Ici, l'idée soulevée est que l'interprétation, puisqu'elle n'a pas l'exactitude, la précision
de l'explication, serait toujours marquée par un décalage et donc une forme de trahison.
La restriction en « ne que » a une connotation
négative : une traduction serait donc forcément une perte.
Suggestion de plan :
Première partie : Multiplicité des interprétations
Interpréter, c'est laisser en quelque sorte à l'intelligence sa liberté et son aptitude à saisir de manière intuitive ce qui se donne à
elle.
L'interprétation permet que ce qui est latent devient patent, ce qui est non-manifesté, devient manifesté.
Il n'est pas choquant que
l'un comprenne ceci et l'autre cela.
Nous ne sommes pas sur le terrain d'une explication objective.
« Interpréter consiste toujours à mettre
en équivalence deux textes : celui de l'auteur, celui de l'interprète » explique Tzvetan Todorov dans Symbolisme et interprétation, mettant
ainsi l'accent sur le mouvement de va-et-vient, la transition, donc l'aspect dynamique de l'interprétation.
Ce qui est important par contre,
c'est l'écho que le texte rencontre en nous et la compréhension que chacun développe à partir de cette rencontre.
L'interprétation regarde
le réel comme tissé sur une trame symbolique.
Historiquement, l'herméneutique a porté sur la lecture de la Bible.
Or, dans la tradition
judéo-chrétienne, il est question de plusieurs lectures de la Bible.
Ce qui signifie que le même texte peut se prêter à plusieurs niveaux de
lecture différents.
"Connaître c'est toujours entrer en relation avec quelque chose...
que les choses puissent avoir une nature en soi,
indépendamment de l'interprétation et de la subjectivité, c'est une hypothèse parfaitement oiseuse; elle supposerait que l'interprétation
et la subjectivité de sont pas essentielles, qu'une chose détachée de toutes ses relations est encore une chose...
Le caractère interprétatif
de tous les phénomènes choisis et groupés par un être qui les interprète." Nietzsche (Oeuvres posthumes)
Deuxième partie : Interprétation et trahison
Comme le travail de l'interprétation se déroule sur le terrain de la subjectivité, on peut se demander si ses constructions recèlent une part
d'arbitraire.
La complexité des symboles n'autorise pas pour autant l'arbitraire.
Une interprétation peut être mauvaise, tendancieuse,
forcée, erronée ou aller à contresens de ce qu'elle interprète.
Ou à l'inverse, une interprétation peut aussi aller à droit à l'essentiel, être
profonde, riche, brillante sonner juste et vrai.
Une interprétation est erronée, quand elle est infidèle, quand elle fait dire à un texte, un
poème, une oeuvre, le contraire de ce qu'ils tendent à exprimer.
Il y a une éthique de l'interprétation qui est une éthique de la fidélité.
L'éthique de l'interprétation exige le respect de l'esprit de l'oeuvre, sinon, c'est à une dénaturation complète que se livre l'interprète.
Il
convient de revenir aux choses mêmes, ce qui signifie revenir directement à l'oeuvre au lieu de lui imposer un discours que nous
voudrions par avance lui faire tenir.
Comment éviter les errances de l'interprétation ? Clément Rosset dans La logique du pire ironise sur ce
point : « Il n'y a pas de délire d'interprétation puisque toute interprétation est un délire ».
La pensée rationnelle construit une opposition
souvent difficilement réductible entre la rigueur de l'explication scientifique et la pertinence d'une interprétation, notamment dans les
sciences humaines.
Troisième partie : Créativité de la traduction
Pourquoi employer le même terme d'interprétation s'agissant d'un texte ou d'un morceau de musique joué par un musicien ? Une pièce
musicale s'interprète aussi.
Sur la partition, il y a les notes, la mélodie, au début, le musicien déchiffre, il lit seulement la musique, puis il
répète, jusqu'au moment où les difficultés techniques une fois surmontées, il va pouvoir donner sa propre interprétation.
« Lire c'est toujours
interpréter », écrit Henri Miller.
Il en va de même pour le texte théâtral.
Aristote dans De L'interprétation, mentionne l'interprétation du musicien ou
de l'acteur.
L'interprétation n'est pas un langage second, mais l'actualisation vivante du sens, dans le corps d'un acteur.
Une bonne
interprétation ne consiste pas seulement à rendre un sens « textuel ».
Elle n'est pas une simple traduction.
L'actualisation vivante est un
processus créateur, mais, parce que le sens n'est pas consigné dans une explication définitive, l'actualisation ne parvient jamais à épuiser
entièrement le contenu du texte.
Conclusion :
L'herméneutique porte sur ce qui est oeuvre humaine et d'abord sur des textes, ce qui signifie sur des productions de l'intelligence et de
l'imaginaire, donc sur des matériaux qui n'ont pas le caractère d'un absolu : en ce sens leur lecture est changeante, elle est conditionnée
historiquement, sociologiquement et subjectivement aussi.
Cependant, n'avoir à l'égard des interprétations qu'un point de vue
condescendant se révèle insuffisant, car l'interprétation n'est pas « qu'une » traduction, c'est-à-dire une transposition dans un code
différent et approximatif.
L'interprétation est ce qui confère vie, force et existence à des oeuvres qui ne trouvent leur achèvement ultime
que justement, par, grâce à la diversité des lectures..
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