L'infini peut-il être source d'angoisse ?
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L'infini peut-il être source d'angoisse ?
L'infini n'étant pas pensable par l'esprit humain (nous ne pouvons concevoir que des choses finies), il
semble absurde qu'il puisse éveiller l'angoisse, pourtant, l'infini est réputé angoissant.
Mais, qu'est-ce, tout
d'abord, que l'infini ? Le subsantif « infini » est issu du latin finitus, qui signifie « limité », auquel on ajoute le
préfixe privatif latin « in » ; en mathématique, l'infini est habituellement noté « ∞ ».
Il s'agit d'un concept qui
s'attache à quelque chose qui n'a pas de limite en nombre ou en taille.
On distingue, depuis l'antiquité grecque,
l'infini potentiel de l'infini actuel.
L'infini consiste en la possibilité de répéter une opération une infinité de
fois, on peut toujours ajouter 1 à un nombre, quel que soit ce nombre, par exemple.
On peut potentiellement
ajuter 1 unte infinité de fois.
L'infini actuel est une conception moderne acceptée depuis la Renaissance.
La
perspective cavalière et par la suite la géométrie projective introduisirent des points de fuite à l'infini.
On
conçut donc un infini réel, actualisé.
L'infini actuel est une réalité réalisée, c'est un infini en acte et non en
puissance.
Mais comment un tel concept peut-il éveiller l'angoisse, et d'abord, qu'est-ce que l'angoisse ? Il
s'agit d'un type particulier d'émotion, un sentiment de peur durable.
Elle est en général irrationnelle,
contrairement à la peur qui a un objet bien déterminé et qui est fondée rationnellement.
On peut définir l'état
d'angoisse comme un sentiment de danger indéfini, indéterminé.
Aujourd'hui, on identifie volontiers l'angoisse et
l'anxiété.
Pourtant, ces deux substantifs ont longtemps été différenciés d'un point de vue sémantique.
Ils
exprimaient différents degrés d'intensité d'un même phénomène ; d'abor venait l'inquiétude, puis l'anxiété et
enfin, l'angoisse.
L'anxiété était également définie comme un sentiment d'insécurité indéfinissable tandis que
l'angoisse se manifestait matériellement par des sensations physiques de constriction, d'oppression.
Sigmund
Freud a tenté de théoriser le phénomène de l'angoisse, cela a donné deux conceptions différents mais
complémentaires.
Tout d'abord, La première conception envisage l'angoisse comme consécutive à un
refoulement, il s'agit du résidu d'un affect artificiellement détaché de sa représentation originelle à cause d'un
refoulement.
La seconde conception fait de l'angoisse un signal devant l'imminence d'un danger ; il s'agirait
donc d'un processus de défense mis en place par le Moi en réaction à un afflux d'excitations
pulsionnelles.
L'angoisse interviendrait donc en préparation d'un refoulement.
L'angoisse se caractérise souvent
par des manifestations physiques, et à ce propos, il est intéressant d'évoquer la signification étymologique du
mot latin angoisse ; il signifiait « resserrement », en effet l'angoisse est une expérience oppressante.
L'infini
peut-il être source d'angoisse ? Peut-on dire que l'infini est une véritable source d'angoisse ? Pourquoi l'infini
serait-il source d'angoisse ?
I.
L'angoisse est une crainte d'un Dieu déguisée, la divinité étant
traditionnellement, dans les religions monothéistes tout du moins, ce qui est infini.
René Descartes,
par exemple, écrit au sujet du Dieu chrétien : « Par le nom de Dieu, j'entends une substance infinie,
éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute puissante, et par laquelle moi-même
et toutes les choses qui sont [...] ont été créées et produites.
»[1] Par conséquent, il ne s'agit par
réellement d'une angoisse, puisqu'il y a un objet de crainte, il s'agit d'une forme de peur, de terreur
religieuse face au divin.
II.
Mais l'infini est angoissant dans la mesure où il réduit à néant
l'importance de l'individu dans le monde lorsque celui-là le prend comme échelle de mesure.
Blaise
Pascal, à ce propos, écrit : « Car enfin, qu'est ce que l'homme dans la nature? - Un néant à l'égard
de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout.
»[2]
III.
Plus généralement, ce qui angoisse, dans l'idée d'infini, est l'absence
de sens qu'elle implique.
L'irrationalité inhérente à l'infini, ou tout du moins son inintelligibilité par
l'esprit humain, est source d'angoisse.
Ainsi, à propos de l'infini, Pascal écrit : « Le silence éternel
de ces espaces infinis m'effraie.
» [3].
[1] Méditations métaphysiques
[2] Pensées
[3] Pensées.
»
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