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L'individu, quelle importance ?

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« Le terme individu vient du latin individuus, qui signifie indivisible.

L'individu est donc une réalité qui forme une unité indécomposable, c'est-à-dire une réalité qui ne peut être divisée sans être détruite dans son être.

Dès lors, se demander qu'elle importance a l'individu renvoie d'abord à la question de savoir si cette notion est ou non importante pour penser le réel.

Autrement dit, les choses qui existent réellement sont-elles plutôt une réunion de caractéristique abstraite (par exemple être un homme, être blanc, être petit, etc.), ou bien doit on considérer que ce qui existe d'abord c'est la chose à la fois une et concrète (cet homme, qui est blanc, petit, etc.), dont on peut extraire dans un second temps des notions abstraites.

Mais comme le dit Aristote dans la Politique, l'homme est un animal politique, c'est-à-dire un animal qui vit en société, et l'on peut dès lors se demander également si la société a plus de réalité que l'individu, qui ne serait que l'une de ses parties.

Si tel était le cas, l'individu aurait peu d'importance, car il ne tirerait sa réalité que de la société.

Mais on peut aussi inverser cette perspective, et considérer que la société n'a de sens qu'en tant qu'elle permet à l'individu de se réaliser pleinement.

On voit donc que si l'individu en général pose une question métaphysique sur la nature du réel, l'individu humain pose une question politique qui porte sur le fait de savoir si la société doit servir l'individu ou si c'est l'individu qui doit servir la société. I.

Sans l'individu il est impossible de penser le réel Si l'on se demande ce qui fait que les choses sont réellement ce qu'elles sont, on peut envisager deux réponses possibles.

Soit les choses sont formées par un assemblages de propriétés, que l'on peut envisager comme des notions abstraites, soit les choses tiennent d'abord leur réalité de leur individualité, c'est-à-dire du fait qu'elles sont à la fois distinctes de toutes les autres et indivisibles. Dans la Lettre à Arnauld du 30 avril 1687, Leibniz tranche pour la seconde thèse.

En effet selon Leibniz, ce qui n'est pas véritablement un être, n'est pas véritablement un être.

Cela signifie que la réalité d'une chose provient d'abord de son unité.

Or Leibniz distingue entre deux sortes d'unité 1) l'unité par soi 2) l'unité par agrégation.

L'unité par soi est celle qu'un être ne tire que de lui-même.

L'unité par agrégation est celle qu'un autre être voit dans l'être en question.

Un organisme vivant par exemple, est une unité par soi, parce que le fait qu'il forme une totalité vivante où toutes les parties collaborent au tout tient à sa nature même.

Mais un tas de sable est une unité par agrégation, parce qu'il est formé de l'addition de grains de sables distincts, et que c'est seulement la personne qui le regarde qui décide que la réunion de ces grains forme un tout.

Or Leibniz explique que les êtres par agrégation suppose toujours des êtres substantiels, dont l'unité est par soi (pour qu'il y ait un tas de sables, il faut des grains de sable).

On voit donc que l'importance de l'individu consiste dans le fait que sans lui, il est impossible de penser le réel, car ce qui existe véritablement ce ne sont pas des qualités abstraites, mais des substances concrètes, dont les qualités sont abstraites par l'esprit dans un second temps. II.

L'individu humain n'existe que par la totalité dans laquelle il s'insère : la société Si l'on peut accepter l'idée qu'en général l'individu qui est par soi rend possible toutes les autres réalités, en va-t-il de même pour l'individu humain ? En effet l'être humain est un être social, qui n'existe que par et dans la société, dès lors ne doit-on pas considérer que pour l'homme au moins, l'individu est moins essentiel que le tout dont il provient ? En effet force est de constater que l'homme étant un animal démuni par rapport à la plupart des animaux, sans la société il ne pourrait pas même survivre (car il n'est ni très rapide à la course, ni armé de griffes ou de crocs puissants).

C'est ainsi que Platon remarque dans la République, II, que ce qui pousse les hommes à s'assembler en société, c'est leur impuissance à pourvoir à leur besoin.

Si la société peut y parvenir mieux que l'homme individuel, c'est qu'elle est fondée sur une répartition des tâches.

Chaque homme exécutant toujours la même tâche, il travaillera vite et bien.

Les hommes peuvent ensuite s'échanger le produit de leur travail, et parviennent ainsi à obtenir davantage à travers la société qu'ils n'auraient eu individuellement.

Puisque l'homme est lié par un lien vital à la société, on peut donc bien dire qu'il lui appartient exactement comme un organe appartient à un organisme.

En effet, un œil par exemple, a une fonction spécifique dans l'organisme, qui est d'assurer la vision (de même que le boulanger a pour fonction de faire du pain), il rend donc un service à cet organisme, que lui seul peut réaliser.

Mais 1) hors de cet organisme, l'œil ne pourrait survivre 2) l'œil ne vaut pas par lui-même, mais en tant qu'il sert la totalité de l'organisme (en lui permettant par exemple de découvrir de quoi se nourrir).

On peut donc considérer que l'individu humain ne vaut pas par lui-même, mais seulement en tant qu'il sert la société. III.

L'individu a une existence propre : il ne se réduit pas à n'être qu'un élément de la société On peut se demander dans quelle mesure la conception platonicienne du rapport entre société et individu ne repose pas sur un présupposé discutable.

En effet Platon part du fait que l'homme a besoin de la société pour survivre pour conclure que cette dernière est plus importante que les individus qui la composent.

Mais on pourrait rétorquer que ce n'est pas parce que la société est une condition de survie pour l'homme qu'elle est une fin en soi.

Dans le chapitre VII du Traité du gouvernement civil, Locke considère qu'à l'état de nature, les hommes sont libres, et ont le droit de se défendre lorsque l'on attaque leurs biens ou leurs personnes.

Ce qui les pousse à rentrer en société, c'est que la société défend mieux les intérêts des individus, parce qu'elle institue des lois que l'individu peut invoquer, et des juges impartiaux pour les appliquer, et qu'elle dispose en plus de la force pour faire respecter les arrêts des juges.

Donc si l'individu rentre dans la société civile, c'est uniquement parce que cette société va servir chaque individu, en lui garantissant le respect de sa liberté, de sa sécurité, et de ses propriétés.

Ici la société n'est pas une fin en soi, mais ce qui sert l'épanouissement des individus.

On ne doit donc pas considérer que la dimension sociale de l'homme oblige à penser que l'individu n'a aucune importance, mais on peut considérer que la société est constituée d'individus, qui ne servent cette société que pour autant qu'elle les sert.

Cette conception permet de se prémunir contre le risque de tyrannie (situation ou un Etat ne se sent pas tenu de respecter les individus, et les traite comme de purs objets). Conclusion L'individu est une notion importante, car sans elle il est difficile de penser le réel.

En effet si les choses qui existent réellement se réduisaient à n'être qu'un assemblage d'éléments, on n'arriverait pas à penser d'où viendraient ces éléments eux-mêmes.

Or puisqu'il faut des éléments premiers dont sont constituées les choses, il faut des individus.

Mais l'homme n'est pas un individu comme les autres, car il n'existe qu'au sein d'une société.

Pourtant le fait que la société soit pour l'homme une condition de survie n'implique par nécessairement qu'il n'existe que pour elle.

En effet c'est l'individu qui décide de rentrer en société, et pour éviter que cette société ne devienne tyrannique, il faut reconnaître à l'individu le droit de poursuivre son propre intérêt personnel.. »

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