L'inconscient n'est-il qu'un moindre degré de conscience ?
Extrait du document
«
Le problème de la conscience est au centre des interrogations sur l'homme et plus particulièrement sur les
mécanismes psychiques qui le constituent et qui font de lui un être unique.
Il s'agit, alors de se demander ce qu'est
cette faculté humaine si particulière que l'on nomme conscience.
Littéralement, la conscience désigne la faculté de
percevoir les choses présentes dans le monde dont lui-même, c'est à dire sa propre existence ou ses états
émotionnels.
Des lors, la conscience est, comme le souligne Hegel, d'abord conscience de soi.
On peut donc
considérer que la conscience est, d'une certaine manière, une pensée de soi sur soi.
Mais si la définition de la conscience semble relativement évidente, celle de la notion d'inconscient paraît plus
obscure.
En effet, l'inconscient n'est-il qu'une simple négation de conscience, un manque, un vide engendré par une
conscience défectueuse ? ou encore un déni de conscience, c'est à dire une pensée de soi confuse et enfouie qui
ne parviendrait pas à se révéler, à sortir d'elle-même, littéralement à s' « ex-primer » et de fait à devenir
conscience?
Loin de constituer une sous-catégorie ou un moindre degré de la conscience, l'inconscient pourrait aussi apparaître
comme une réalité supérieure à la conscience elle-même, capable de l'éclairer, de la guider vers la lumière d'une
connaissance plus juste d'elle-même.
I/ Hegel : La conscience est retour sur elle-même de la pensée
Considérons donc la conscience comme la faculté qui caractérise le mieux l'homme.
Hegel, notamment dans
l'Esthétique, distingue les objets de la nature qui existent « en soi » de l'être humain qui est un être « pour soi ».
L'« en soi » caractérise en effet la chose telle qu'elle est, sa nature même par opposition à ce qui est « pour soi »,
c'est à dire ce qui concerne la conscience et de fait, la conscience de soi.
Selon Hegel, toute l'ambiguïté de l'homme vient du fait qu'il est à la fois un être « en soi » et un être « pour soi ».
«
L'homme est un être doué de conscience et qui pense, c'est à dire que, de ce qu'il est, quelle que soit sa façon
d'être, il fait un être pour soi.
» En ce sens, la pensée effectue un retour sur elle-même, capable à la fois de penser
et de se penser.
Car si la conscience de soi est une connaissance plus ou moins claire qu'un sujet possède de ses états et de ses
actes, elle n'en reste pas moins, a priori, le seul moyen par lequel il peut accéder à cette connaissance de lui-même.
Mais peut-on considérer que cette conscience qui peut s'avérer être confuse représente l'intégralité du psychisme ?
II/ Leibniz : Des réalités psychologiques inconscientes agissent sur nous
N'existe-t-il pas en effet des éléments qui semblent présents dans notre esprit tout en étant indicibles ?
Leibniz pose le problème à partir de l'analyse de nos perceptions.
En effet, il considère qu'il y a à tout moment, une
infinité de « petites perceptions » dont nous n'avons pas conscience.
Et c'est précisément cet assemblage de
petites perceptions inconscientes qui nous permettent de percevoir consciemment un mouvement ou une chose
dans son ensemble.
Le mugissement de la mer par exemple constitue un assemblage de petits bruits des vagues.
Ces petites perceptions, « ce sont elles qui forment ce je ne sais quoi, ces goûts, ces images des qualités des sens,
claires dans l'assemblage mais confuses dans les parties […] qui enveloppent l'infini ; » (Nouveaux essais sur
l'entendement humain)
Néanmoins, ce que nous percevons, ce ne sont pas ces petits bruits mais la multitude de ces bruits.
C'est parce
que ces perceptions sont trop nombreuses ou trop confuses que nous ne pouvons en avoir conscience.
En effet, selon Leibniz, nous communiquons avec toutes les choses dans l'univers sans pour autant en avoir une
claire conscience.
Leibniz explore ainsi le monde de l'inconscient, si mal connu au début du XVIIIeme siècle .
Leibniz dans l'Essai sur l'entendement humain lorsqu'il évoque les petites
perceptions.
Il montre ainsi que notre perception consciente est composée
d'une infinité de petites perceptions.
Notre appétit conscient est composé
d'une infinité de petits appétits.
Qu'est-ce qu'il veut dire quand il dit que
notre perception consciente est composée d'une infinité de petites
perceptions, exactement comme la perception du bruit de la mer est
composée de la perception de toutes les gouttes d'eau ? Les passages du
conscient à l'inconscient et de l'inconscient au conscient renvoient à un
inconscient différentiel et pas à un inconscient d'opposition.
Or, c'est
complètement différent de concevoir un inconscient qui exprime des
différentiels de la conscience ou de concevoir un inconscient qui exprime une
force qui s'oppose à la conscience et qui entre en conflit avec elle.
En
d'autres termes, chez Leibniz, il y a un rapport entre la conscience et
l'inconscient, un rapport de différence à différences évanouissantes, chez
Freud il y a un rapport d'opposition de forces.
"D'ailleurs il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une
infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion,
c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous
apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites ou en trop
grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à
part, mais jointes à d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se
faire sentir au moins confusément dans l'assemblage.
C'est ainsi que l'accoutumance fait que nous ne prenons pas
garde au mouvement d'un moulin ou à une chute d'eau, quand nous avons habité tout auprès depuis quelque temps..
»
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