L'inconscient est-il démontrable ?
Extrait du document
- I. Science et connaissance positive de l’inconscient
- II. Preuve et démonstration de l’inconscient
«
Incipit : La notion d'inconscient suppose en partie l'invention de la notion de conscience comme concept
philosophique.
Cette dernière intervient dans l'Essai de Locke (1690).
Mais à vrai dire, les linéaments en sont posés
avec l'invention cartésienne de la subjectivité moderne.
Pour Descartes, il n'y a de pensées que conscientes, ainsi
d'ailleurs se définissent les idées (présence à l'esprit sur le mode de la certitude immédiate).
Et c'est précisément
contre une telle conception de la pensée que s'érige par la suite Leibniz (Nouveaux essais, Monadologie).
Pour
Leibniz en effet, la pensée est une force, un principe dynamique fait de variations d'intensité.
Ces variations
produisent ce qui est perçu comme qualités.
Et les qualités précisément varient dans une mesure infinie (ou
infinitésimale) et imperceptible, afin de restituer la texture nuancée et continue du réel.
C'est dans ce contexte
qu'apparaît le concept moderne d'inconscient : il est la variation d'intensité imperceptible de la pensée – pour
Leibniz, l'imperceptible de la perception est l'inconscient.
Serait-ce donc à dire que l'inconscient est pour autant
démontré ?
Thèmes : Si le sujet, dans la postérité de sa naissance moderne avec le cartésianisme, est conçu comme le support
de la pensée, ce n'est qu'avec Locke qu'intervient pour la première fois à titre de concept la notion de conscience
dans l'histoire de la philosophie.
Les idées sont en effet pour Descartes, la certitude immédiate, évidente et
intuitive, qu'a le sujet pensant de l'existence de ses pensées au moment où il les pense.
Cette certitude épistémique
dans l'accès à sa propre intériorité en tant que sujet de pensée n'est pas autre chose que l'introspection : la
conscience peut en conséquence se définir comme l'acte réflexif d'un sujet pensant qui se saisit lui-même comme
objet de sa propre pensée par introspection.
Dès lors s'introduit au cœur de l'intériorité du sujet un rapport
d'altérité, la connaissance de soi-même comme un autre.
Jamais cependant le sujet n'est défini par Descartes
comme strictement et définitivement réductible à son statut de substance pensante.
Toujours il est ce qui toujours
se soustrait à la possibilité d'une investigation par la pensée, à une réduction objectivisante par l'entendement.
Car
la pensée, dans l'acte de connaître, procède à l'objectivisation du connu, c'est-à-dire à sa réduction au statut de
chose à la disposition de l'inspection de la pensée.
Et le sujet, étant justement sujet, ou en d'autres termes principe
actif et dynamique conditionnant la possibilité de l'activité même de la pensée, jamais ne peut être objet.
Le sujet
est donc l'inconnaissable de la pensée, son point aveugle pour précisément le sujet pensant.
Tout cela revient à
n'affirmer qu'une simple chose : il y a, au principe même de l'existence de la subjectivité, quelque chose d'existant
qui précisément échappe à la possibilité d'être réduit à la pensée par l'acte de la connaissance.
Ce quelque chose
d'inconnu, cette positivité d'existence dont l'accès s'opère sur le mode privatif, est l'inconscient lui-même.
Avec
l'inconscient, l'autre de soi auquel la relation interne d'introspection est censée garantir l'accès s'opacifie.
Il est le
différent de soi au cœur du soi ; l'incompréhensible dont la manifestation positive se soustrait aux schèmes de la
pensée immédiate, évidente, intuitive.
La rupture propre à l'institution freudienne de la psychanalyse consiste à
fonder une science qui prenne l'inconscient pour objet théorique central de l'élaboration de son savoir (tel est le but
déclaré de la Traumdeutung : être science des rêves).
L'inconscient est ainsi analysé comme objet théorique, et
donc structuré.
Il se définit sur le mode privatif comme ce qui n'est pas conscience, ce qui n'est pas conscient, et
précisément se constitue en sous-unité du psychique par son refoulement hors du champ de la conscience (il ne
passe pas au-delà du préconscient).
En conséquence, son mode de donation est privatif sur le plan empirique.
Son
existence n'est pas un fait, mais le négatif de la manifestation empirique réelle, effective et factuelle de la
conscience.
Il constitue en quelque sorte les structures immergées de l'identité d'un moi sujet.
Problème : Se demander si l'inconscient est ou non démontrable peut répondre à deux acceptions caractéristiques
de la notion de démonstration : d'une part, la démonstration peut se concevoir comme preuve à l'appui des faits de
la réalité empirique ; d'autre part, elle peut s'entendre comme processus rationnel de déduction logique (règles
formelles de déduction) à partir de principes ou axiomes définis, ou par l'application des théorèmes.
Dans le premier
cas, la notion implicite est celle d'évidence, tandis que l'autre implique plutôt une certaine conception de la notion
de clarté du raisonnement.
Mais les deux cas concernent en propre la faculté rationnelle de l'esprit en tant que c'est
elle qui est seule susceptible de validité ou d'infirmer une démonstration.
L'inconscient peut-il donc répondre aux
exigences d'un type quelconque de la démonstration ?
*
I.
Science et connaissance positive de l'inconscient
S'il y a, au principe même de l'existence de la subjectivité, quelque chose d'existant qui précisément échappe à la
possibilité d'être réduit à la pensée par l'acte de la connaissance, et que ce quelque chose d'inconnu, cette
positivité d'existence dont l'accès s'opère sur le mode privatif, peut être assimilé au concept d'inconscient, son
existence n'est donc pas négative mais bien positive.
Ses manifestations participent des différents niveaux de
réalité qui constituent la vie active et passive du sujet.
Son mode de donation est donc privatif sur le plan
empirique.
Si la preuve empirique de l'inconscient s'est effectuée sur le mode négatif, cela n'en oblitère pas
définitivement la manifestation.
Son existence n'est pas un fait, mais le négatif de la manifestation empirique réelle,
effective et factuelle de la conscience.
Il constitue en quelque sorte les structures immergées de l'identité d'un moi
sujet.
Il est d'abord une hypothèse théorique, certes.
Mais il peut également, en tant même qu'hypothèse
théorique, se trouver confirmé indirectement par manifestation dans la vie psychique du sujet.
Et l'on conçoit dès
lors que le domaine d'étude privilégié par la psychanalyse à ses commencements soit l'onirique.
Car faire l'hypothèse
de l'inconscient permet l'élaboration d'une herméneutique des rêves, c'est-à-dire la théorisation de leurs modalités
d'interprétation : le contenu manifeste du rêve, celui éprouvé par le sujet, est révélateur de son négatif
inconscient, à savoir, son contenu latent.
Dans le sommeil, par le relâchement de l'intervention sélective du
refoulement, l'inconscient pénètre le contenu du rêve pour s'y manifester sous des formes dites déguisées.
Le rêve.
»
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