L'INCONSCIENT (cours de philosophie)
Extrait du document
«
W.
James a dit que la découverte de l'inconscient était la plus grande découverte psychologique du XIXe siècle.
Mais il
s'agit précisément de savoir si cette découverte est vraiment d'ordre psychologique ou, en d'autres termes, s'il existe un
psychisme inconscient.
I.
ANALYSE DE LA NOTION
- A - Origines.
Leibniz remarquait déjà qu'il y a «des perceptions dont on ne s'aperçoit pas», distinguant ainsi la perception (qui peut être
inconsciente) et l'aperception (consciente).
Mais c'est avec Pierre Janet (L'automatisme psychologique, 1885) que l'attention
fut attirée sur des phénomènes qui paraissaient incontestablement de nature psychique et qui échappaient cependant à
la conscience (v.
g., dans la suggestion post-hypnotique, l'obéissance d'un sujet à des consignes reçues pendant
l'hypnose et oubliées).
Vers la même époque, Freud fonde la psychanalyse, à la fois thérapeutique et théorie
psychologique, sur la notion d'inconscient (Introduction à la psychanalyse, 1916).
- B - L'inconscient chez Freud.
La conscience est une lumière qui n'éclaire qu'une petite partie de la vie psychique.
Celle-ci est constituée de pulsions dont
la plupart sont donc inconscientes, qu'elles soient innées ou qu'elles résultent d'un «refoulement» opéré par la «censure».
Celles qui ont été conscientes ou peuvent le devenir appartiennent au «préconscient».
On peut distinguer des « pulsions
de vie » et des « pulsions de mort » (Eros et Thanatos), l'énergie propre aux premières recevant le nom de libido.
Le
caractère fondamentalement sexuel de la libido explique le contenu essentiel de l'inconscient : il s'agit de tendances
sexuelles que la censure refoule, notamment pendant l'enfance, parce que leur expression est difficilement compatible
avec les exigences de la vie sociale, et qui forment dans l'inconscient des systèmes ou « complexes » (complexe d'Œdipe,
complexe de castration).
- C - L'inconscient chez Adler, Jung et Bergson.
Adler se sépare de Freud par ceci que, selon lui, le complexe essentiel qui habite l'inconscient est le «complexe
d'infériorité», par lequel s'expliquent l'agressivité, la volonté de puissance, etc.
- Jung distingue, à côté de l'inconscient
individuel décrit par Freud et plus profond que lui, un « inconscient collectif », constitué « d'archétypes » qui sont des
structures communes à tous les" hommes, inspirant leur conduite et expliquant notamment les productions de leur
imagination.
- Chez Bergson, l'inconscient est constitué par la totalité de nos souvenirs, dont seuls apparaissent à la
conscience ceux qui sont utiles pour l'action présente, les autres n'en existant pas moins à titre de réalité psychique.
II.
PORTÉE DE LA NOTION
- A - Psychologie.
L'existence d'un psychisme inconscient permet évidemment de rendre compte de nombreux phénomènes psychologiques
mais Freud l'a surtout évoquée pour expliquer les actes manques, les rêves et les névroses.
Les premiers (les lapsus v.
g.)
résulteraient de l'intervention de mobiles inconscients dans des actes de la vie quotidienne.
Le rêve, «messager de
l'inconscient», exprime d'une manière symbolique les tendances inconscientes du sujet ; il est lié à un relâchement de la
censure.
Les névroses, enfin, auraient pour origine des pensées et des pulsions inconscientes qui viennent perturber le
comportement de l'individu (notion de «conflit psychique » : conflit entre le désir et la défense, conflit entre des pulsions
contraires, etc .
.
.).
- B - Philosophie.
La notion d'inconscient peut être utilisée aussi pour apporter une solution à certains problèmes philosophiques.
C'est
ainsi, par exemple, que la conscience morale serait une fonction du « sur-moi » constitué par l'intériorisation des exigences
et des intérêts parentaux.
De même, les activités artistiques, religieuses, voire politiques s'expliqueraient par la
«sublimation» des pulsions sexuelles c'est-à-dire par un «transfert» de la libido vers des activités non érotiques
socialement acceptables.
D'une manière plus générale se trouve posé le problème du bonheur et de la civilisation : Freud
voyait dans le refoulement des instincts une condition de la civilisation, alors que «bonheur signifie satisfaction des
instincts»; aussi Marcuse a-t-il cherché à définir les conditions d'une «civilisation non répressive».
- C - Discussion.
L'idée d'un inconscient psychique est liée à une conception de la conscience-lumière que l'on peut discuter (cf.
supra: La
conscience).
C'est une hypothèse qui ne s'impose pas, dans la mesure où l'on peut, avec Descartes, attribuer au corps
«tout ce qui peut être remarqué en nous qui répugne à notre raison».
D n'est pas impossible, par exemple, d'expliquer
certains comportements pathologiques (les phobies, entre autres) par le mécanisme des conditionnements de réflexes et
sans supposer une âme cachée et des pensées inconscientes.
Aussi Alain pense-t-il qu'on peut employer le terme
d'inconscient pour désigner «un abrégé du mécanisme» mais que «si on le grossit, alors commence l'erreur; et bien pis,
c'est une faute».
C'est une faute parce que l'homme doit conduire ses pensées et non chercher quelles pensées se
formeraient en lui sans qu'il y pense.
CONCLUSION
La notion d'un inconscient psychique est liée à une conception dynamiste de l'esprit qui voit dans la pensée une force
existant en elle-même, se développant et agissant indépendamment de la conscience.
Le rationalisme, au contraire,
identifie la pensée et la conscience: être esprit, c'est avoir conscience et il faut renvoyer au corps tout ce qui n'est pas
conscience.
«La conscience, disait Hamelin, est l'acte inhérent à toute pensée de poser un objet pour un sujet»..
»
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