Limites & illusions de la conscience ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
LIMITE (n.
f.) 1.
— Ce qui sépare deux portions d'espace ; par anal., ce qui borne une étendue, un temps, une
fonction.
2.
— Extension extrême d'une étendue, d'une faculté, sans que pour autant on ait à concevoir quelque
chose qui lui serve de borne ; en ce sens, KANT oppose limite à borne.
3.
— (Math.) Un nombre A est la limite d'une
série croissante S, si, quel que soit ∑ aussi petit que l'on veut, il existe toujours un nombre B appartenant à s, tel
que A - B < ∑.
ILLUSION:
1) Toute erreur provenant de l'apparence trompeuse des choses (illusions perceptives).
2) Croyance ou opinion fausse abusant l'esprit par son caractère séduisant et le plus souvent fondée sur la
réalisation d'un désir (Cf.
l'analyse de Freud concernant la religion).
Contrairement à l'erreur, qui peut être corrigée,
l'illusion survit à sa réfutation.
Si c'est dans son rapport à elle-même que la conscience s'éprouve comme une certitude, qu'en est-il du rapport
à l'autre ? Qu'en est-il du rapport entre les consciences ? A m'enfermer dans le cogito, comment puis-je
communiquer avec les autres consciences ? Le seul rapport qu'il me soit permis d'avoir avec autrui c'est l'analogie.
Du fonctionnement de ma conscience, j'induis le fonctionnement de la conscience d'autrui.
C'est à partir de moimême que je comprends l'autre.
Mais dès lors ce qui disparaît c'est la certitude de la vérité.
En effet, dans la
mesure où je n'ai pas accès à l'intériorité d'autrui autrement que sur le mode de l'analogie, je n'ai aucun moyen de
contrôler ce qu'il me dit.
Il peut tout aussi bien dire la vérité que mentir.
Le rapport avec autrui repose donc sur un
acte de foi.
« Et je m'étais ici particulièrement arrêté à faire voir que, s'il y avait de telles machines, qui eussent les organes et
la figure d'un singe, ou de quelque autre animal sans raison, nous n'aurions aucun moyen pour reconnaître qu'elles
ne seraient pas en tout de même nature que ces animaux ; au lieu que, s'il y en avait qui eussent la ressemblance
de nos corps et imitassent autant nos actions que moralement il serait possible, nous aurions toujours deux moyens
très certains pour reconnaître qu'elles ne seraient point pour cela de vrais hommes.
Dont le premier est que jamais
elles ne pourraient user de paroles, ni d'autres signes en les composant, comme nous faisons pour déclarer aux
autres nos pensées.
Car on peut bien concevoir qu'une machine soit tellement faite qu'elle profère des paroles, et
même qu'elle en profère quelques unes à propos des actions corporelles qui causeront quelque changement en ses
organes : comme, si on la touche en quelque endroit, qu'elle demande ce qu'on lui veut dire ; si en un autre, qu'elle
crie qu'on lui fait mal, et choses semblables ; mais non pas qu'elle les arrange diversement, pou répondre au sens de
tout ce qui se dira en sa présence, ainsi que les hommes les plus hébétés peuvent faire.
Et le second est que, bien
qu'elles fissent plusieurs choses aussi bien, ou peut-être mieux qu'aucun de nous, elles manqueraient infailliblement
en quelques autres, par lesquelles on découvrirait qu'elles n'agiraient pas par connaissance, mais seulement par la
disposition de leurs organes.
Car, au lieu que la raison est un instrument universel, qui peut servir en toutes sortes
de rencontres, ces organes ont besoin de quelque particulière disposition pour chaque action particulière ; d'où
vient qu'il est moralement impossible qu'il y en ait assez de divers en une machine pour la faire agir en toutes les
occurrences de la vie, de même façon que notre raison nous fait agir.
»
Descartes, « Discours de la méthode », Vième partie.
La deuxième difficulté que souligne Bergson, c'est « l'écrasement de la conscience » par le langage : « Non
seulement le langage nous fait croire à l'invariabilité de nos sensations mais il nous trompe sur le caractère de la
sensation éprouvée.
Ainsi, par exemple, quand je mange d'un mets réputé exquis, le nom qu'il porte, gros de
l'approbation qu'on lui donne, s'interpose entre ma sensation et ma conscience.
Je pourrai croire que la saveur me
plaît alors qu'un léger effort d'attention me prouverait le contraire.
» (« Essai sur les données immédiate de la
conscience »).
« Ce qu'il faut dire, c'est que toute sensation se modifie en se répétant, et que si elle ne me paraît pas changer du
jour au lendemain, c'est parce que je l'aperçois maintenant à travers l'objet qui est en cause, à travers le mot qui la
traduit.
Cette influence du langage sur la sensation est plus profonde qu'on ne le pense généralement.
Non
seulement le langage nous fait croire à l'invariabilité de nos sensations, mais il nous trompera parfois sur le caractère
de la sensation éprouvée.
Ainsi, quand je mange d'un mets réputé exquis, le nom qu'il porte, gros de l'approbation
qu'on lui donne, s'interpose entre ma sensation et ma conscience ; je pourrai croire que la saveur me plaît, alors
qu'un léger effort d'attention me prouverait le contraire.
Bref, le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui
emmagasine ce qu'il y a de stable, de commun et par conséquent d'impersonnel dans les impressions de l'humanité,
écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle.
Pour lutter
à armes égales, celles-ci devraient s'exprimer par des mots précis ; mais ces mots, à peine formés, se
retourneraient contre la sensation qui leur donna naissance, et inventés pour témoigner que la sensation est
instable, ils lui imposeraient leur propre stabilité.
»
BERGSON.
« Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur
elles.
Cette tendance, issue du besoin, s'est encore accentuée sous l'influence du langage.
Car les mots ( à.
»
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