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L'imitation de la réalité est-elle une condition de la beauté artistique ?

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« Penser que l'imitation est la condition de la beauté artistique, c'est d'emblée ramener tout l'art à l'imitation et négliger l'expression.

L'art précisément n'est pas qu'un reflet de la nature, la beauté artistique est par définition autre que la beauté naturelle, l'art ajoute une beauté à la nature.

L'artiste n'est pas qu'un copieur, un reproducteur de la réalité mais il ajoute sa touche personnelle qui est à la fois spirituelle et culturelle.

Aussi, suivant les artistes, les époques, les courants artistiques, l'imitation a été prise à différents degré comme condition de la beauté artistique et aussi elle a été rejetée par de nombreuses artistes, repoussant par là les canons de l'art classique. L'imitation est-elle indispensable à la beauté artistique ? 1) L'imitation : partie intégrante de l'art ? Dans le livre X de la République, l'art est nettement défini par Platon comme « imitation » : la poésie comme la musique reflètent les actes et les passions des hommes, mais ce qu'imite le poète, ce n'est point l'aspect noble de l'individu ; la poésie dramatique a commerce avec l'élément inférieur de l'âme (passions, émotions, etc.), elle s'adresse au « lion », à cette partie de l'âme que le sage s'efforce de dompter.

Nous dirions volontiers que ce que Platon reproche à la tragédie, c'est d'être d'essence dionysiaque.

Or un État qui doit être régi par des lois sages ne peut certes pas tolérer en son sein ce qui fortifie la partie inférieure de l'âme et ruine, de la sorte, l'élément raisonnable : le poète imitateur introduit un mauvais gouvernement dans l'âme de chaque individu en flattant ce qu'il y a en elle de plus déraisonnable.

Aussi, la seule considération de la parfaite imitation de la réalité ne peut engendre à elle seule un art digne de ce nom. Pour Aristote aussi, l'art sera avant tout imitation ; mais, loin de condamner cette identité, il en fait au contraire un instrument de défense de l'art, car l'imitation est un phénomène spécifiquement humain qui occupe une place déterminante dans notre vie intellectuelle : l'imitation, c'est ce qui inaugure l'ère culturelle de l'humanité ; dès lors, l'imitation poétique a pour objet la vie même et le destin de l'homme ; la tragédie est saisie du sens de l'universelle nécessité qui pèse sur l'humanité, et le héros tragique est en même temps porteur, messager et témoin de ce sens.

Lorsque Platon condamne la tragédie, c'est au nom de l'effet désastreux qu'elle produit sur le spectateur : le public éprouve une certaine sympathie pour le héros qui sous ses yeux se lamente et se frappe la poitrine ; mais que fonde sur nous un malheur domestique, nous mettons notre point d'honneur à rester calmes et courageux car « la conduite que nous applaudissions tout à l'heure ne convient qu'aux femmes » (République., 605 e).

Aussi, du point de vue d'Aristote, l'imitation est un instrument fondamental de la création artistique. 2) L'imitation comme point de départ vers l'idéal ? Winckelmann, qui soutient, dans ses Réflexions sur l'imitation des œuvres grecques dans la sculpture et la peinture (1755), que le seul moyen d'accéder au beau universel est l'imitation des Anciens Diderot répond (Salon de 1765) qu'il faut, comme Chardin, étudier la nature vivante.

Pour le premier, ce que les Grecs ont accompli à partir de la nature qui fut leur modèle, il appartient aux Modernes de l'effectuer au moyen des modèles que leur fournissent précisément les chefs-d'œuvre de la Grèce antique.

Selon le second, dont « l'esthétique sans paradoxe » l'imitation-copie reproduit les apparences du modèle, tandis que l'imitation idéale les dépasse ; car imiter, c'est dévoiler, révéler un modèle idéal.

Reconstruit à partir de la nature, ce modèle s'apparente à un schéma dynamique « qui contient moins les images elles-mêmes que ce qu'il faut faire pour les reconstituer ».

La nature que l'œuvre doit imiter pour émouvoir n'est donc pas donnée ; elle est toujours à découvrir ; et l'artiste qui rompt avec les académies, l'enseignement traditionnel, le schéma statique est appelé à choisir la nature la plus forte.

En associant, comme Diderot le recommande, « la Vérité, la Nature, les Anciens », il aura raison des obstacles qui se dressent sur le chemin de l'imitation idéale.. »

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