L'imagination n'est-elle que maîtresse d'erreur et de fausseté ?
Extrait du document
«
L'imagination déforme la réalité
L'imagination est la plus grande puissance d'erreur qui se puisse trouver en l'homme, et dont il ne peut se défaire.
Si
elle était toujours fausse, il suffirait d'en prendre le contre-pied pour trouver la vérité, mais nous ne savons jamais si
ce qu'elle nous représente est réel ou irréel.
N'étant pas la règle infaillible du mensonge, elle ne peut l'être de la
vérité.
Elle représente le vrai et le faux avec la même indifférence.
Sa puissance de persuasion est infinie, même
auprès des hommes les plus sages et les plus raisonnables.
Elle emporte l'assentiment par surprise et sans difficulté.
Les plus beaux discours de la rhétorique ne sont pas ceux qui parlent à notre raison mais à notre coeur.
La raison
calcule, soupèse, compare, mesure, établit des rapports, mais elle est incapable de "mettre le prix aux choses".
C'est l'imagination qui nous fait estimer, blâmer, aimer ou détester, et non pas la raison dont elle se joue sans
efforts.
L'imagination a produit en l'homme une seconde nature : "Elle remplit ses hôtes d'une satisfaction bien
autrement pleine et entière que la raison."
«Imagination.
— C'est cette partie décevante dans l'homme, cette maîtresse
d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours,
car elle serait règle infaillible de vérité si elle l'était infaillible du mensonge.
Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa
qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux».
(Pensées, II, 81)
Parmi les facultés de l'homme [voir notion «la conscience»], la raison permet
en principe la connaissance objective, mais les hommes cèdent le plus
souvent à leur imagination.
Celle-ci est d'autant plus redoutable qu'elle ne se
laisse pas reconnaître comme telle.
Pour échapper à l'imagination, il faudrait
raisonner, mais comment puis-je distinguer si je raisonne véritablement ou si
j'imagine que je raisonne? Manière de dire que les hommes — y compris ceux
qui se croient les plus rationnels — s'entretiennent en permanence dans des
illusions qu'ils créent eux-mêmes.
Dans la lignée de Montaigne, Pascal met
donc en évidence la faiblesse de nos facultés de connaître, ce qui explique
que pour lui, l'issue soit dans la foi et non dans la raison.
Le texte de Pascal est une bonne référence pour mettre en question les
pouvoirs de la raison [voir aussi Sextus Empiricus].
Contre l'optimisme de
Descartes, confiant dans les progrès à venir de la science, Pascal déclare
«Descartes, inutile et incertain ».
C'est un texte qui dit bien la finitude de
l'homme, son absence de ressource intérieure puisque ce sont ses propres facultés qui l'induisent en erreur.
C'est ce
que Pascal appelle la «misère de l'homme sans Dieu».
L'imagination corrompt nos perceptions
Mettez, dit Montaigne, un philosophe dans «une cage de menus fils de fer clairsemés», suspendez-le «au haut des
tours de Notre-Dame de Paris».
Bien qu'étant assuré de ne pas tomber, son imagination lui fera craindre la chute.
En
effet, il «ne se saurait garder (s'il n'a accoutumé le métier de recouvreur) que la vue de cette hauteur extrême
l'épouvante et ne le transisse» (Essais).
L'imagination est la «folle du logis»
Pour Descartes, l'imagination est la faculté passive de se représenter des images, au contraire de la raison, qui est
active et créatrice..
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