L'imagination est-elle un obstacle à la connaissance scientifique ?
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«
ANALYSE DU SUJET
Bien saisir :
— d'une part que la réponse à la question va dépendre avant tout de l'appréhension que l'on peut se faire de ce
qu'est imaginer ;
— d'autre part de ce que peut être « une fonction de connaissance ».
(Différencier, par exemple, la fonction comme
ce qui règle de la fonction comme ce qui motive ou ce qui permet certaine attitude vis-à-vis de la réalité, y compris
notre « réalité mentale ».)
Problématique:
Le sens commun oppose l'imagination, privilège des artistes, à l'activité scientifique, où régnerait la méthode et où
l'imagination serait interdite.
C'est ce lieu commun que vous devez discuter.
Distinguez les différents sens des notions en jeu.
L'imagination
s'apparente à une espèce d'activité onirique, plus ou moins en rupture avec le monde réel: en ce sens, elle est ce
que Bachelard appelle un "obstacle épistémologique.
L'imagination peut, en effet, créer en nous des attentes très
fortes et fascinantes, et la fantaisie à l'invention.
Autrement dit, vous pouvez vous demander si l'invention scientifique demande le génie ou bien si elle ne suppose
que la méthode.
Si la méthode ne peut rendre compte de l'invention scientifique et si l'imagination a sa place,
comment peut-elle produire des connaissances ?
1) S'interdire quelque chose n'est pas l'interdire.
Il ne faut pas comprendre que la connaissance nous refuse le droit
d'imaginer, mais qu'elle se refuse à mettre en oeuvre, dans son domaine, l'imagination.
La question est donc de
savoir si la norme par laquelle la connaissance régit ses propres opérations (en vue de ne pas manquer sa fin qui est
de découvrir et de comprendre le réel) comporte une interdiction totale ou seulement partielle de l'imagination.
On a
donc à discuter l'idée que l'exercice de l'imagination est dépourvu de valeur du point de vue de la connaissance,
voire qu'il entrave ou égare la démarche cognitive.
2) On a beaucoup insisté dans le cours sur le rôle de l'imagination dans la connaissance; on s'est efforcé de la
réhabiliter face à un certain nombre de conceptions qui voudraient fonder la connaissance sur la seule observation
des faits et le seul entendement.
On trouvera donc de quoi traiter le sujet au fond: la nature de la connaissance,
comportant l'exercice de l'imagination, il serait absurde qu'une connaissance s'interdise d'y recourir.
On réservera
cependant le fond de la question pour la fin du devoir.
3) Il faut d'abord prendre le problème d'un point de vue plus simple.
Il semble que ce soit surtout dans l'ordre de la
connaissance scientifique que cette norme s'impose.
Selon une conception de la science positive qui fut celle de la
fin du 19 ième et du début du 20 ième, une découverte n'a de valeur que si elle résulte de l'observation sans
prévention des faits et d'hypothèses qui, formulée dans un langage rationnel (celui des mathématiques), autorisent
une vérification effective.
Bachelard fera de l'imagination la principale source des "obstacles épistémologiques".
Mais
comme la notion de connaissance est ici à prendre dans toute sa généralité (l'adjectif "scientifique" est absent du
libellé) on ne réduira pas la question à celle de la science - et encore moins à certaines des caricatures qui en sont
faites.
On envisagera donc tout ce qui peut s'offrir à nous comme connaissance.
Bachelard a contribué à donner à l'épistémologie française ses lettres de noblesse, en
particulier en déclarant dès les premières pages de « La formation de l'esprit scientifique »
(1938) : « C'est en terme d'obstacle qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique.
»
Bachelard s ‘est battu contre deux idées fausses portant sur les sciences, répandues
dans le public.
D'une part, celle qui veut que le savant arrive pour ainsi dire l'esprit « vierge »
devant les phénomènes à étudier, d'autre part celle qui voit le développement des sciences comme
une simple accumulation de connaissance, un progrès linéaire.
En affirmant cette citation, il souhaite montrer les difficultés
inhérentes à l'acte même de connaître.
Les obstacles à une connaissance
scientifique ne viennent pas d'abord de la complexité des phénomènes à
étudier, mais des préjugés, des habitude de savoir, des héritages non
interrogés.
« Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit n'est
jamais jeune.
Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés.
»
La première bataille à livrer pour accéder à la connaissance scientifique est
donc une bataille contre soi-même, contre le sens commun auquel le savant
adhère spontanément.
C'est une bataille contre l'opinion : « L'opinion pense
mal, elle ne pense pas, elle traduit des besoins en connaissance.
» Ainsi les
travaux de Bachelard peuvent-ils être compris comme une « psychanalyse
de la connaissance ».
Mais il va plus loin : « En fait on connaît toujours contre une connaissance antérieure, en détruisant des
connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même fait obstacle à la spiritualisation.
».
»
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