l'imagination est-elle la cause de notre malheur ?
Extrait du document
«
L'imagination corrompt nos perceptions
Mettez, dit Montaigne, un philosophe dans «une cage de menus fils de fer clairsemés», suspendez-le «au haut des
tours de Notre-Dame de Paris».
Bien qu'étant assuré de ne pas tomber, son imagination lui fera craindre la chute.
En
effet, il «ne se saurait garder (s'il n'a accoutumé le métier de recouvreur) que la vue de cette hauteur extrême
l'épouvante et ne le transisse» (Essais).
L'imagination est l'ennemie de la raison
PASCAL: Imagination.
- C'est cette partie dominante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et
d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l'était infaillible du
mensonge.
Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même
caractère le vrai et le faux.
Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages ; et c'est parmi eux que l'imagination a le grand don de persuader
les hommes.
La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses.
Cette superbe puissance, ennemie de la
raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans
l'homme une seconde nature.
Elle a ses heureux, ses malheureux, ses sains, ses malades, ses riches, ses pauvres ;
elle fait croire, douter, nier la raison ; elle suspend les sens, elle les fait sentir ; elle a ses fous et ses sages : et rien
ne nous dépite davantage que de voir qu'elle remplit ses hôtes d'une satisfaction bien autrement pleine et entière
que la raison.
Les habiles par imagination se plaisent tout autrement à eux-mêmes que les prudents ne se peuvent
raisonnablement plaire.
Ils regardent les gens avec empire ; ils disputent avec hardiesse et confiance ; les autres,
avec crainte et défiance, et cette gaieté de visage leur donne souvent l'avantage dans l'opinion des écoutants,
tant les sages imaginaires ont de faveur auprès des juges de même nature.
Elle ne peut rendre sages les fous ; mais
elle les rend heureux, à l'envi de la raison qui ne peut rendre ses amis que misérables, l'une les couvrant de gloire,
l'autre de honte.
Avez-vous compris l'essentiel ?
1 Peut-on dire que l'imagination pervertit l'homme ?
2 Raisonner peut-il nous permettre d'échapper au pouvoir de l'imagination ?
3 L'imagination se contente-t-elle de reproduire les données des sens ?
Réponses:
1 - Oui, dans la mesure où sa nature d'être doué de raison en est affectée.
2 - Non, la raison elle-même est le jouet de l'imagination.
3 - Non, elle a la capacité d'inventer, de produire d'elle-même des sensations.
Analyse thématique
• La nature trompeuse de l'imagination.
Idée essentielle : l'imagination déjoue la conscience critique, en affectant du même caractère le vrai et le faux.
• La « seconde nature » de l'homme, production de l'imagination.
A rebours de la raison, l'imagination engendre ses
propres évaluations, et attache les hommes à celles-ci.
• L'exemple de la « réputation », directement liée à la « faculté imaginante », permet de souligner son efficacité
propre dans les allégeances sociales comme dans les sentiments de respect à l'égard des lois ou des personnes.
Mise en perspective
Perception et imagination
L'image, c'est littéralement ce qui ressemble à, sans être identique (cf.
le mot grec eikon).
Tout à la fois la présence
d'une absence et l'absence elle-même (la photographie de l'être cher me le fait imaginer, mais l'image en moi, sans
ce support sensible de l'image réelle, me le restitue aussi, avec le flou de la nostalgie.
En vain, la terre cache ceux
que nous aimons et qui ne sont plus : le souvenir, qui est imagination, habite à tout jamais l'intime tristesse qui les
évoque).
Le premier objet d'une perception sensible est image, comme est image son évocation à partir d'un mot, d'une
sensation qui lui fut associée (cf.
Proust, À la recherche du temps perdu).
La perception, en ce sens, serait
imagination, mais on a pris l'habitude de réserver ce terme soit à la « reproduction » des images premières, soit à
leur réélaboration plus ou moins voulue, et délibérée dans l'imagination artistique ou la rêverie développée pour ellemême (cf.
Bachelard, La Poétique de la rêverie).
L'imagination peut nous affranchir, en un sens, du temps et de la réalité des situations données.
Elle est
fondamentalement re-présentation, puisqu'elle a pour fonction de me présenter les objets (ou leurs images) en leur
absence.
Elle a de ce fait partie liée à la mémoire, soit qu'elle facilite le travail de la pensée en la dispensant de
s'attacher aux objets réels (la symbolique algébrique parachevant cela en relayant l'imagination elle-même), soit
qu'elle opère les substitutions nécessaires au tourment d'une intériorité que ne satisfait pas la situation du moment
(chez les romantiques, l'invocation lancinante de ce qui n'est plus conjure le désespoir présent par une sorte de.
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