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« L'imagination, disait Plutarque, est double : elle touche par sa partie supérieure aux plus humbles des fonctions rationnelles, et par sa partie inférieure, elle rejoint les fonctions sensibles les plus élevées ». Commentez cette pensée. ?

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On éprouve une certaine difficulté à définir l'imagination. C'est qu'on désigne de ce nom des fonctions assez diverses. PLUTARQUE l'avait déjà noté « L'imagination, disait-il, est double : elle touche par sa partie supérieure aux plus humbles des fonctions rationnelles, et par sa partie inférieure, elle rejoint les fonctions sensibles les plus élevées. » Commentant cette réflexion, nous passerons en revue les diverses formes de l'imagination depuis les plus élevées jusqu'aux plus modestes. *** Pour le sens commun, c'est l'imagination qui fait le génie. Pourquoi cet ingénieur ou cet ouvrier a-t-il inventé un procédé nouveau ou une machine qui révolutionnera la production ? Il n'était pas plus savant que les autres et on ne le voyait pas plus acharné au travail; il ne faisait pas preuve d'une intelligence hors ligne et, sorti de sa spécialité, il n'avait pas de vues originales. Mais il avait le don de se représenter les choses; il pouvait construire mentalement un mécanisme nouveau, modifier ses rouages, le faire fonctionner en esprit tout comme s'il l'avait devant ses yeux. C'était un imaginatif.

« « L'imagination, disait Plutarque, est double : elle touche par sa partie supérieure aux plus humbles des fonctions rationnelles, et par sa partie inférieure, elle rejoint les fonctions sensibles les plus élevées ».

Commentez cette pensée. On éprouve une certaine difficulté à définir l'imagination.

C'est qu'on désigne de ce nom des fonctions assez diverses.

P L U T ARQ UE l'avait déjà noté « L'imagination, disait-il, est double : elle touche par sa partie supérieure aux plus humbles des fonctions rationnelles, et par sa partie inférieure, elle rejoint les fonctions sensibles les plus élevées.

» C ommentant cette réflexion, nous passerons en revue les diverses formes de l'imagination depuis les plus élevées jusqu'aux plus modestes. *** Pour le sens commun, c'est l'imagination qui fait le génie.

Pourquoi cet ingénieur ou cet ouvrier a-t-il inventé un procédé nouveau ou une machine qui révolutionnera la production ? Il n'était pas plus savant que les autres et on ne le voyait pas plus acharné au travail; il ne faisait pas preuve d'une intelligence hors ligne et, sorti de sa spécialité, il n'avait pas de vues originales.

Mais il avait le don de se représenter les choses; il pouvait construire mentalement un mécanisme nouveau, modifier ses rouages, le faire fonctionner en esprit tout comme s'il l'avait devant ses yeux.

C 'était un imaginatif. Le sens commun exagère.

Ce n'est pas l'imagination qui fait les trouvailles heureuses.

P A S C A L l'a appelée avec assez de raison « la folle du logis ». L'imagination créatrice multiplie les constructions, démolit et rebâtit sans cesse, mais elle est incapable d'arrêter son choix au projet le plus heureux.

Le choix, c'est la raison qui le fait.

C 'est elle qui, laissant tomber les idées folles, examine celles qui paraissent intéressantes et, parmi elles, retient la meilleure. Mais il est des esprits chez qui, par don congénital ou par suite de l'éducation, l'imagination a un sens mystérieux de ce qui est logique et rationnel ou 'beau. Elle évite c e s rapprochements.

bizarres, et c e s constructions incohérentes d'où toute idée est absente.

L'écrivain doué de cette forme supérieure d'imagination n'a guère à raturer ses brouillons : le mot juste et l'image suggestive viennent d'eux-mêmes sous sa plume.

La maîtresse de maison ne s'attarde pas à combiner la disposition des invités autour de la table; elle y songe distraitement et, le moment venu de fixer les places, du premier coup elle fait un plan qui dénote plus de finesse qu'un traité de psychologie : quelques légères corrections, et chacun sera content de ses voisins et de sa place. C e genre d'imagination, l'imagination créatrice, touche aux plus humbles des fonctions rationnelles. L'acte propre de la raison est le raisonnement qui établit un rapport entre une proposition et d'autres propositions, d'où la première découle nécessairement. Mais la perception de n'importe quel rapport est aussi affaire de raison : c'est la raison qui voit la causalité et la succession, le parallélisme et la symétrie... Lorsque, dans mon livre de géométrie, mes yeux s'arrêtent sur ce polygone régulier, c'est la vue qui me fait connaître les lignes qui dessinent la figure, mais c'est la raison qui perçoit la disposition régulière de ces lignes : le polygone régulier est une donnée rationnelle; percevoir la forme des figures est une des plus humbles fonctions de la raison. C 'est à des fonctions de ce genre que touche la partie supérieure de l'imagination.

Elle est capable de présenter à l'esprit un groupement équilibré : au musicien, elle proposera une phrase bien chantante ou un accord harmonieux; au peintre, un mariage de couleurs bien assorties; à l'écrivain, une association de mots particulièrement heureuse. C ependant, si elle touche aux fonctions rationnelles, l'imagination n'est pas une fonction rationnelle.

Elle présente, par une sorte d'instinct mystérieux, des éléments groupés suivant un certain plan et dans un certain rapport; mais ce plan et ce rapport ne sont pas perçus.

O n le reconnaît à ses multiples ratés. Fréquemment vient à l'esprit de l'imaginatif une association bizarre, une image de mauvais goût.

On ne peut jamais s'abandonner totalement à celte inspiratrice : il y a toujours un peu de folie dans ses voiles.

Mais elle a aussi ses moment heureux, qui la feraient prendre pour une fonction rationnelle. *** C hez beaucoup, l'imagination revêt des formes plus humbles.

Elle ne s'élève pas jusqu'à l'invention ou à la création : reproduire le passé, voilà ce qui est en son pouvoir.

Elle peut nous faire revoir avec des couleurs nettes et des sons précis une scène à laquelle nous avons assisté.

Elle est capable de dérouler sous les yeux de notre esprit les mille épisodes d'une longue histoire.

Mais se donner un spectacle qui n'a pas été vu, créer de toutes pièces l'intrigue d'un roman, est au-dessus de son pouvoir. V oilà la partie inférieure de l'imagination, l'imagination reproductrice, celle qui rejoint les fonctions sensibles les plus élevées. Les fonctions sensibles nous font connaître le monde extérieur.

C ette connaissance commence par la sensation qui consiste dans l'impression subjective que les choses font sur nous.

A vec la sensation proprement dite, nous ne connaissons pas encore des choses; nous restons renfermés en nous-même. Représentons-nous un dormeur qu'on secoue pour le réveiller : il éprouve bien des sensations de pression, de contact, de mouvement; mais il ne sait pas qu'on le secoue; il ne sait même pas que c'est son bras ou sa jambe qui remue.

Il devra se réveiller pour prendre conscience de ce qui se passe et percevoir, non seulement qu'on vient le réveiller, mais encore qu'il se réveille et qu'il dormait.

La sensation est la fonction sensible la plus basse; la perception est la fonction sensible la plus élevée. Elle est la fonction sensible la plus élevée, non pas seulement parce qu'elle intervient après la sensation, mais parce qu'elle fait subir au donné sensoriel une élaboration qui le rapproche d'une entité mentale supérieure.

Tandis que, dans la sensation, tout le réel capable d'affecter nos organes sensibles nous est donné, de ce donné la perception ne conserve que certains traits, les traits essentiels.

La perception dessine donc déjà les grands traits de la représentation qui sera plus tard l'idée abstraite, résultat de l'élaboration rationnelle des données de la perception.

A insi, tandis que mes yeux enregistrent, comme une plaque photographique, toutes les particularités de l'ami avec qui je m'entretiens — tous les plis de son veston, toutes les nuances de sa cravate...

—, ma perception se réduit aux traits essentiels de sa physionomie, à ce qui le caractérise et constitue son type. Par sa partie inférieure, l'imagination rejoint les fonctions sensibles.

Comme la sensibilité, elle est liée au réel, qu'elle se contente de reproduire sans pouvoir rien créer. Mais elle ne reproduit pas le réel tel qu'il est donné dans la sensation, avec toutes ses qualités qui affectent les sens; elle le reproduit tel qu'il est perçu. L'image qu'elle conserve et fait revivre n'est pas une réplique rigoureusement exacte des objets et comme leur photographie; semblable à un schéma ou un croquis, elle n'en garde que les grandes lignes.

A ceux qui prétendent avoir des choses des images qui ont toute la richesse de la sensation, A lain demande de se représenter le Panthéon et « de bien vouloir compter les colonnes qui portent le fronton; or, non seulement ils ne peuvent les compter, mais ils ne peuvent même pas l'essayer ».

Ce n'est pas la sensation qui est conservée et que l'imagination fait revivre, mais la perception : on a vu une colonnade, mais sans enregistrer le nombre des colonnes. Enfin, bien que rejoignant les fonctions sensibles, l'imagination n'est pas une fonction sensible.

Peut-être, quand elle est très vive, l'image provoque-t-elle, dans le centre cérébral, des espèces de phénomènes d'induction.

Mais ces phénomènes sont douteux et en tout cas elle n'a aucune influence sur les terminaisons nerveuses.

L'activité de l'imagination est donc indépendante des organes sensoriels : l'imagination rejoint les fonctions sensibles les plus élevées sans se confondre avec elles. *** Suivant pas a pas la pensée de P L U T A RQUE, nous avons vu les formes extrêmes de l'imagination rejoindre les deux pôles de la vie de l'esprit : la sensation et la raison. En réalité, en effet, il n'y a pas, dans l'imagination, des parties et des fonctions distinctes; mais une seule et même imagination peut être inconsciemment informée de raison, et alors ses trouvailles laissent l'impression d'un produit rationnel; ou bien elle s'abandonne au jeu de l'automatisme, et dans ce cas ses constructions n'aboutissent qu'à l'insignifiant ou à l'absurde, son travail de reproduction ayant seul quelque valeur. L'homme est double, mais il ne semble pas qu'on doive multiplier ses facultés : ce qui ne vient pas des sens vient de la raison, et la raison suffit à expliquer tout ce qu'il y a de supérieur en lui.. »

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