L'illusion vous paraît-elle réductible à l'erreur ?
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L'erreur se présente à la pensée comme un concept relativement lâche, est-ce un acte : « commettre une erreur »
ou bien un état : « être dans l'erreur » ; quel rapport entre l'erreur commise au cours d'un jeu radiophonique et
l'erreur de Le Verrier qui crût découvrir une nouvelle planète en supposant que les irrégularités dans la rotation de
Mercure s'expliquaient par la présence d'une planète (« Vulcain », années 1870) dans son orbite ? La notion d'erreur
est-elle assez large pour subsumer celle d'illusion ? Ne s'agit-il pas dans l'un et l'autre cas d'un jeu entre le vrai et le
faux ? Cependant l'irréductibilité de l'illusion semble assez vite s'imposer à la pensée, n'a-t-elle pas cette dimension
affective étrangère à l'erreur ? Tout notre problème tourne autour de la façon de présenter la nuance qui sépare les
deux notions engagées.
I- L'illusion des sens : un cas particulier d'erreur ?
L'erreur est toujours celle d'un jugement, soit de façon simple : dans le cas d'une erreur de recopiage, ou
plus complexe dans le cas d'une erreur de stratégie militaire.
Soit que la lucidité ait été pris en défaut, et alors
l'erreur peut s'expliquer par une faute d'inattention, soit que l'erreur soit liée à une mauvaise appréciation des
paramètres en jeu, à un mauvais calcul.
Lorsque nos sens produisent sur nous des illusions, (le bâton plongé dans l'eau paraît brisé, la tour ronde
semble, de loin, carrée (Descartes), la lune plus grande au lever (Kant), ou encore les illusions des amputés qui
« sentent » leur bras manquant), n'est-ce pas là qu'un cas d'erreur, une erreur non plus de la raison mais des sens ?
Nos sens sont trompés, mais ils ne nous abusent pas réellement puisque l'amputé sait qu'il n'a plus son bras et dans
le cas de l'illusion d'optique il suffit de varier le point de vue pour chasser l'illusion.
« Avoir une illusion » s'accorde en ce sens très bien avec l'expression « être dans l'erreur » qui marque une
passivité du sujet, plus qu'avec « commettre une erreur », en effet l'illusion a lieu malgré nous, ne tenant pas à une
décision.
II- L'illusion a une dimension sociale.
Or l'illusion ne se réduit pas aux illusions d'optique, il y a des illusions
inhérentes au fonctionnement social.
Selon Pascal l'hypocrisie constante des
rapports sociaux nous maintient dans une illusion permanente en cela que
nous ne savons jamais ce que pensent réellement les autres.
Freud pousse
plus loin l'analyse et soutient que l'illusion est positive, elle n'est pas un vain
jeu de tromperie réciproque, par exemple l'illusion religieuse permet de
reconduire de manière dérivée le désir enfantin de protection (voir L'avenir
d'une illusion).
«[Les idées religieuses] sont des illusions, la réalisation des désirs les plus
anciens, les plus forts, les plus pressants de l'humanité; le secret de leur
force est la force de ces désirs.» Freud, L'Avenir d'une illusion (1927).
• Pour Freud, il ne suffit pas de dire que la religion est une erreur, qui décrit
de manière erronée la réalité et donne aux prêtres un ascendant illégitime sur
les gens assez crédules pour les croire.
La religion a une force propre, celle du
désir.
Elle est, comme l'ensemble des comportements humains, une des
manifestations de la libido.
Pour Freud, la croyance en un Dieu providentiel
est une projection de la figure paternelle, qui permet de se prémunir contre les angoisses rencontrées dans la
réalité.
La religion est une pathologie, une névrose obsessionnelle, qui nous maintient dans un stade infantile et dont
il faut se délivrer pour parvenir à l'âge adulte.
• La critique freudienne est à double tranchant, car elle permet aussi de voir que certaines critiques de la religion
reproduisent, au nom de la science et de la liberté de penser, les mécanismes qu'elles croient critiquer.
Ce qui se
prétend «discours rationnel» n'est souvent pas moins dogmatique et pas moins symptomatique de certains désirs et
angoisses que la religion.
L'erreur ne semble avoir aucune fonction sociale, et comme l'écrit Deleuze dans Différence et répétition elle
est toujours liée à une norme du vrai et du faux, inscrite dans une relation binaire.
Mais l'illusion, à l'inverse ne
témoigne en faveur d'aucune norme, elle devient elle-même norme (la religion par exemple).
L'erreur paraît avoir bien
plus de parenté avec la faute (cf les problèmes juridiques et éthiques : une erreur médicale est-elle une faute
professionnelle ? Ou à l'inverse, la maladie qu'on prenait avant pour une malédiction et qui est devenue une simple
« erreur de recopiage » dans la chaîne Adn, voir Canguilhem « Un nouveau concept en pathologie : l'erreur »).
III-La résistance de l'illusion..
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