L'illusion rend-elle heureux ?
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«
Introduction
Ce qu'on désigne habituellement par le fait de vivre dans l'illusion, c'est de prendre ses désirs pour des réalités.
L'illusion se présente comme un rapport perverti au réel : nous le percevons, non pas tel qu'il est, mais tel que nous
le souhaitons.
L'illusion semble donc être un principe de bonheur : celui qui se berce de douces illusions se croit
heureux.
Pourtant, il ne l'est pas vraiment, puisque les raisons qu'il a d'être heureux n'existent pas vraiment.
Mais au
nom de quoi peut-on distinguer le fait d'être heureux et le fait de le croire ? Le bonheur consiste après tout en un
état, en un sentiment de sécurité, de tranquillité, dans lequel on a l'impression que notre vie et comblée et qu'il ne
nous manque rien.
Or, si l'on a ce sentiment, on est heureux, peu importe qu'on le soit pour de bonnes ou de
mauvaises raisons.
Pourtant, personne ne souhaiterait vivre dans l'illusion, et lorsque l'on prend conscience d'une
illusion passée, le réveil semble plus douloureux encore: la déception est telle qu'on jette un regard rétrospectif très
sévère sur son propre bonheur.
Faut-il distinguer entre le bonheur véritable et l'impression de bonheur ?
I.
Vivre dans l'illusion, c'est se condamner à être en permanence déçu.
A.
Il existe deux types d'illusions : l'illusion des sens et l'illusion intellectuelle ou psychique.
L'illusion des sens
consiste par exemple à voir une tour carré comme une tour ronde si on la regarde de loin.
Cette illusion là ne
concerne pas notre sujet, puisque cette illusion est facilement explicable par les lois de l'optique.
Par contre,
l'illusion psychique, qui consiste à prendre ses désirs pour des réalités rend véritablement problématique la
notion de vie heureuse.
Madame Bovary, le roman le plus célèbre de Flaubert nous livre le récit d'Emma, une
jeune provinciale nourrie de romans d'amour, qui se berce continuellement d'illusions.
La véritable illusion dans
laquelle tombe Emma Bovary, ce n'est pas tant de croire sa vie actuelle plus belle qu'elle ne l'est, mais de se
tromper continuellement sur ce qu'est la vie.
Tout le roman n'est rien d'autre qu'une série d'espoirs avortés
et de désillusions qui s'enchainent.
Emma n'est jamais heureuse qu'au futur, et non au présent, encore moins
au passé : la vie qu'elle mène n'est jamais à la hauteur de ses attentes.
Telle est donc l'illusion qui rend le
bonheur problématique.
B.
On pourrait donc dire que le problème de l'illusion, c'est qu'elle ne dure pas : Emma Bovary nous montre
que la réalité finit toujours par reprendre le dessus.
En effet, celui qui vit dans l'illusion ne perd pas tout
contact avec la réalité.
Freud, dans l'Avenir d'une illusion, au chapitre VI, distingue l'idée délirante et
l'illusion.
L'idée délirante est une véritable hallucination, qui entre en contradiction avec le réel.
L'illusion au
contraire, est compatible avec la réalité.
Par exemple, une jeune fille qui attend le prince charmant vit dans
l'illusion, mais une autre jeune fille, qui croit voire arriver le prince charmant alors qu'il n'y a personne souffre
d'une hallucination.
L'illusion doit donc composer avec la réalité : elle consiste tout au plus à l'interpréter
conformément au désir, mais en aucun cas à nier la réalité.
C.
Or, le bonheur, si l'on en croit son étymologie consiste en un bon heur, où l'heur désigne la fortune, la
chance, c'est-à-dire la configuration favorable des événements, des choses et des personnes.
Ainsi,
rencontrer l'âme sœur au coin d'une rue, ce serait un bonheur, tandis qu'une averse inopinée serait un
malheur.
On peut donc être heureux en vivant dans l'illusion, mais ce bonheur ne sera qu'un bonheur
momentané et conjoncturel.
Celui qui vit dans l'illusion alternera les moments de bonheur et de déception.
Transition : mais cette définition du bonheur peut-elle être suffisante ? Une vie faite de bonheur illusoire et de
déception, est-ce vraiment satisfaisant ?
II.
Vivre dans l'illusion, ce n'est pas vivre heureux.
A.
Aristote, dans le livre VI de L'éthique à Nicomaque explique que ce n'est qu'à la mort d'un homme que l'on
peut dire s'il a été où non heureux.
Le bonheur n'est donc pas une configuration momentanée, mais au
contraire, il doit être durable pour mériter le nom de bonheur.
« Une hirondelle ne fait pas le printemps »,
nous dit Aristote : l'hirondelle, qui est une circonstance particulière, ne peut suffire à constituer un état
stable tel que le printemps.
C'est donc sur la durée que le bonheur peut advenir, et non dans une
conjoncture faite pour passer.
B.
C'est pourquoi Aristote nous dit qu'il ne faut pas placer son bonheur dans les biens matériels ou les amis,
car les uns comme les autres peuvent se perdre.
Un bonheur véritable ne doit pas dépendre de ce qui nous
est extérieur.
Ainsi, seule la contemplation peut apporter le vrai bonheur, car elle ne dépend en rien des
circonstances extérieures.
Non seulement selon Aristote le bonheur illusoire n'est pas un vrai bonheur,
puisque ce n'est pas un simple sentiment, mais véritablement un état constant et durable, mais en plus,
toute forme de bonheur qui est destructible est un bonheur illusoire.
C.
Il est donc possible de se leurrer sur son propre bonheur si l'on vit dans l'illusion, mais cette illusion ne
résiste pas à la confrontation avec une forme de bonheur supérieure et authentique, qui réside dans la
vérité.
Ainsi, dans le livre VII de la République, Platon nous raconte l'allégorie de la caverne : des hommes y
vivent enchainés, ils regardent sur un mur les ombres projetées par un feu situé derrière eux.
Ils pensent que
ces ombres constituent la réalité, et vivent dans l'illusion que c'est là tout ce qu'il y a à connaître.
Ces
hommes pensent être heureux, mais ils ne le sont pas : celui qui est libéré et conduit à la surface découvre
ce qu'est réellement la vie, il voit pour la première fois la lumière du soleil.
Le souvenir de son ancienne
condition lui devient insupportable, et il faudra le forcer à retourner dans la caverne pour sauver les autres.
»
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