l'ignorant est-il le plus heureux des hommes ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
- trois termes doivent être analysés : l'ignorance, le bonheur et leur relation interrogée, la condition.
Le sujet demande si il est possible
d'être heureux tout en ayant une connaissance.
Ce qui est implicite : n'y a-t-il pas des connaissances déprimantes, qui rendent
malheureux ?
- l'ignorance : l'ignorance absolue n'est pas en question ici.
En effet, pour être heureux il faut au moins avoir conscience que l'on est
heureux, donc, une certaine connaissance de son bonheur.
Ignorer renvoie donc ici à une ignorance relative (par exemple, au malheur
des autres).
- condition : une condition est condition de possibilité soit empirique (de fait) soit de droit (pour pouvoir penser la chose).
Le sujet a
donc deux dimension : concrètement, faut-il ignorer les malheureux pour être heureux ? Théoriquement : la notion de bonheur peutelle inclure la connaissance du mal ?
- le bonheur : on peut l'interpréter à partir du plaisir ou à partir de la sagesse et de la perfection (la vertu).
C'est un état de l'homme
dans lequel celui-ci veut continuer à vivre.
Problématique
Nul ne peut être heureux en voyant le malheur des autres.
De ce constat, on pourrait déduire qu'il faut mieux, pour être heureux,
ignorer ce qui se passe que d'ouvrir les yeux.
La condition du bonheur serait donc l'égocentrisme et l'égoïsme, c'est à dire l'ignorance.
Mais en même temps, tout bonheur se partage : le bonheur des uns fait le bonheur des autres, contrairement à l'adage, car il est
communicatif.
On voit mal un homme heureux sans amis, seul.
En outre, le véritable bonheur, durable, paraît reposer une certaine
sagesse, laquelle suppose une connaissance véritable de la réalité.
D'où le problème : comment le bonheur est-il compatible avec une
connaissance du malheur ? Peut être alors la connaissance est elle aussi bien la condition du malheur que du bonheur.
1.
Le bonheur suppose une certaine ignorance
- Si on détermine le bonheur à partir du plaisir, alors le bonheur suppose une certaine ignorance, celle de ce qui ne fait pas plaisir.
Ainsi, le bonheur doit se fonder sur de l'illusion.
Par exemple : négliger les conséquences de ses actions (fumer, boire...).
Ou encore,
croire en ce qui nous arrange (se doter de qualités imaginaires).
Ici, on montre alors que le bonheur est impossible à concilier avec la
vérité.
Ainsi, Nietzsche peut-il soutenir que nous avons l'art (c'est-à-dire l'illusion, la production des apparences) pour ne pas mourir de
la vérité.
La vérité tragique est trop dure à supporter, ce qui provoque les croyances.
- En outre, tout savoir conduit à l'ennui.
Ainsi, sans nouveauté, la grisaille s'installe.
C'est le "métro, boulot, dodo" de Camus (La
Chute).
Le bonheur, interprété comme plaisir, suppose le toujours nouveau, le divertissement.
La connaissance vraie s'oppose ainsi au
divertissement, qui renvoie plutôt à l'imaginaire.
Ici donc, on voit que le bonheur, relevant de l'imagination, s'oppose au vrai, relevant
de la connaissance.
- Néanmoins, cette approche confond bonheur et plaisir.
Or, on peut être heureux dans la douleur (l'effort physique du sportif) et
malheureux dans le plaisir (Don Juan).
Il n'y a donc pas identité entre les deux termes.
En outre, un bonheur sans connaissance est un
bonheur d'esclave.
En effet, il est dépendant de ce que nous igonrons et peut se rappeler à nous malgré notre mauvaise foi.
Un
bonheur qui ignore l'autre court le risque de voir l'autre se rappeler à lui.
2.
Mais le vrai bonheur est impensable sans savoir.
- Il faut donc repenser le bonheur.
On peut ici l'aborder à partir de la joie telle que l'entend Spinoza (Ethique).
Il y a joie dès lors que
nous expérimentons en nous l'augmentation de notre puissance d'agir (le conatus), il y a tristesse dans le cas contraire.
Or, le savoir
augmente notre puissance, donc notre joie.
L'ignorance est donc bien une limite à notre bonheur.
- En outre, il n'y a pas de plus grand bonheur que d'exercer ce pour quoi nous sommes fait.
Ainsi, le musicien trouve son bonheur dans
le fait de jouer de ses instruments, comme le remarque Aristote (Ethique à NIcomaque).
Or, le propre de l'homme est la pensée (ce
qui le distingue des animaux et des plantes).
Donc, c'est dans l'exercice de la pensée que l'homme peut trouver son bonheur le plus
profond.
Ainsi, la vie contemplative, de savoir et de connaissance, réalise la perfection de l'homme, et est supérieure par sa qualité à
la vie active.
Elle le rend semblable à un dieu.
Aristote peut donc écrire que tous les hommes veulent naturellement savoir car la
connaissance leur procure du bonheur (Métaphysique).
On ne voit donc pas de bonheur humain dans l'ignorance.
- Reste que le malheur a bien sa source dans la connaissance du malheur.
Donc, la connaissance n'est pas une condition suffisante du
bonheur, même si c'en est une condition nécessaire.
3.
Même si le bonheur suppose la connaissance, cette dernière ne le constitue pas.
- Il faut donc faire droit à l'idée que la lucidité peut conduire à être malheureux.
Notre mort et celle de nos proches est une vérité
indiscutable que nul ne pourrait nier sans illusion.
C'est pourquoi, face à cette absurdité, le bonheur paraît impossible.
De ce point de
vue, Camus soulignait que la seule question philosophique était celle du suicide : pourquoi continuer à vivre si le monde est absurde ?
- Néanmoins, cette absurdité ne conduit pas logiquement au malheur : l'homme peut trouver la vie belle et magique malgré son
caractère éphémère.
- Face à ces deux attitude, on voit alors que le bonheur paraît plus avoir sa condition supplémentaire dans la constitution du sujet que
dans la qualité de l'objet considéré.
Conclusion : l'ignorance n'est donc pas une condition du bonheur.
Ce serait confondre bonheur et plaisir.
Au contraire, sans
connaissance il n'y a pas de bonheur possible.
Néanmoins, cette condition n'est pas une condition suffisante.
La connaissance ouvre
aussi bien au bonheur qu'au malheur.
Le pessimisme n'est donc pas la suite logique de la reconnaissance d'une vérité tragique.
Reste
en le mystère de la joie..
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