L'ignorance est-elle la cause de nos erreurs ?
Extrait du document
«
Explication des termes:
CAUSE / CAUSALITÉ:
1) Ce qui fait qu'une chose est ou qu'un événement se produit.
2) Le rapport de causalité désigne le lien entre le phénomène qui produit (cause) et le phénomène qui est produit
(effet).
3) Le principe de causalité affirme que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
ERREUR :
Affirmation fausse.
A la différence du mensonge, l'erreur implique la bonne foi; l'erreur, dit Platon, est une ignorance
double, c'est-à-dire une ignorance qui ne se sait pas ignorante, une ignorance doublée d'une illusion.
[Introduction]
« Ignorance est mère de tous les maux », disait François Rabelais.
N'est-ce pas en elle que toutes nos erreurs
puisent leur source ? Pourtant l'un des fondateurs de la philosophie antique, Socrate, ne cessait jamais de
revendiquer son ignorance en avouant que la seule chose qu'il savait était précisément qu'il ne savait rien.
L'erreur
trouverait-elle son origine ailleurs que dans l'ignorance ?
Nous rechercherons d'abord quelle est la place de l'ignorance dans la constitution de l'erreur ; puis nous examinerons
ensuite si l'on peut trouver à l'erreur d'autres causes que l'ignorance ; nous nous interrogerons enfin pour savoir si
une certaine forme d'ignorance, loin de favoriser l'erreur, n'est pas tout au contraire l'une des conditions d'accès à
la vérité.
[l.
La principale cause de nos erreurs ne réside-t-elle pas dans la plus grave des ignorances, celle qui
s'ignore elle-même ?]
On pourrait en première analyse définir l'ignorance comme un manque de connaissances, comme la situation
antérieure à la science ; elle serait l'état de celui qui ne sait pas, une sorte de degré zéro de la connaissance.
Il
s'agirait ici de cette ignorance première évoquée par Pascal dans ses Pensées et dont il dit qu'elle est « le vrai siège
de l'homme », c'est-à-dire notre condition naturelle à nous les hommes qui venons au monde dépourvus de la
moindre connaissance.
Mais si l'ignorance n'était rien d'autre que ce simple défaut de connaissance, pourrait-elle
être véritablement considérée comme une source d'erreurs ? Celui qui ne sait pas ne risque, en effet, guère de se
tromper.
Dans un dialogue de Platon, Ménon, on voit Socrate parvenir sans trop de peine à faire découvrir une
propriété mathématique complexe à un esclave précisément choisi parce qu'il était dépourvu de connaissance
mathématique.
Si l'esprit parvenait à la science dépourvu de connaissance à la manière d'un récipient vide qu'on se
proposerait de remplir, cet état d'ignorance naturelle ne saurait être en lui-même un obstacle infranchissable à la
connaissance.
Comme un récipient vide attend d'être rempli, un esprit ignorant s'apprête à être instruit.
Mais cet état d'ignorance naturelle ne se rencontre pas communément.
Un esprit parvient-il vierge à la
connaissance ? « Quand il se présente à la culture scientifique, note Bachelard dans la Formation de l'esprit
scientifique, l'esprit n'est jamais jeune.
Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés.
Accéder à la science,
c'est spirituellement rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé.
» Nous ne sommes
pratiquement jamais en situation d'ignorance naturelle.
La plupart du temps, nous croyons savoir, alors qu'en réalité
nous sommes ignorants.
Platon, dans l'Apologie de Socrate, a montré comment ce dernier avait enquêté dans la cité
d'Athènes auprès de ceux qui se prétendaient savants.
En questionnant l'un deux, il était parvenu à la conclusion
suivante : « Il se peut qu'aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon ; mais lui croit savoir quelque chose,
alors qu'il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plus savoir.
Il me semble donc que je
suis un peu plus sage que lui par le fait même que ce que je ne sais pas, je ne pense pas non plus le savoir.
»
La plus redoutable des ignorances n'est-elle pas celle qui s'ignore elle-même ? Le plus ignorant n'est pas celui qui ne
sait rien mais bien celui qui croit savoir alors qu'il ne sait pas.
Aussi la principale source de nos erreurs est-elle moins
l'état toujours défaillant de nos connaissances que la tentation qui est bien souvent la nôtre de nous prononcer sur
des choses que nous ne connaissons pas bien.
Ainsi que l'observait Platon dans La République, les hommes sont à
l'égard de la connaissance semblables à ces prisonniers enchaînés au fond d'une caverne observant sur le mur qui
leur fait face les ombres de la réalité à laquelle ils tournent le dos.
Persuadés d'être dans le vrai, ils croient pouvoir
porter des jugements définitifs sur une réalité qu'ils ne voient pas.
La principale source de nos erreurs réside dans
cette illusion commune qui nous fait nous croire plus savants que nous ne sommes.
Là se trouve la véritable
ignorance.
[II.
Où nos erreurs prennent-elles leur source ? Quels sont les défauts de nos jugements ?]
Toute erreur est le résultat d'un jugement.
Celui qui s'abstiendrait de juger et douterait toujours ne prendrait en
effet jamais le risque de se tromper.
C'est dès lors que nous posons le contenu d'une proposition comme une vérité
que l'erreur peut prendre naissance.
Aussi l'origine ne nos erreurs ne réside-t-elle pas dans le fait que nous nous
prononçons trop hâtivement sur des choses que nous ne connaissons pas suffisamment bien ?
Descartes, dans Les Méditations métaphysiques, explique que l'origine de l'erreur se trouve dans la disproportion
existant entre deux de nos facultés.
Nous possédons, d'une part, une capacité de connaître que nous nommons.
»
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