L’ignorance des causes et de la constitution originaire du droit, Hobbes (étude de texte)
Publié le 04/06/2023
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Sujet 3 commentaire de texte
Expliquer le texte suivant :
L’ignorance des causes et de la constitution originaire du droit, de l’équité, de la loi et de
la justice conduit les gens à faire de la coutume et de l’exemple la règle de leurs actions,
de telle sorte qu’ils pensent qu’une chose est injuste quand elle est punie par la
coutume, et qu’une chose est juste quand ils peuvent montrer par l’exemple qu’elle n’est
pas punissable et qu’on l’approuve.
[…] Ils sont pareils aux petits enfants qui n’ont
d’autre règle des bonnes et des mauvaises manières que la correction infligée par leurs
parents et par leurs maîtres, à ceci près que les enfants se tiennent constamment à leur
règle, ce que ne font pas les adultes parce que, devenus forts et obstinés, ils en
appellent de la coutume à la raison, et de la raison à la coutume, comme cela les sert,
s’éloignant de la coutume quand leur intérêt le requiert et combattant la raison aussi
souvent qu’elle va contre eux.
C’est pourquoi la doctrine du juste et de l’injuste est
débattue en permanence, à la fois par la plume et par l’épée.
Ce qui n’est pas le cas de
la doctrine des lignes et des figures parce que la vérité en ce domaine n’intéresse pas
les gens, attendu qu’elle ne s’oppose ni à leur ambition, ni à leur profit, ni à leur lubricité.
En effet, en ce qui concerne la doctrine selon laquelle les trois angles d’un triangle sont
égaux à deux angles d’un carré, si elle avait été contraire au droit de dominer de
quelqu’un, ou à l’intérêt de ceux qui dominent, je ne doute pas qu’elle eût été, sinon
débattue, en tout cas éliminée en brûlant tous les livres de géométrie, si cela eût été
possible à celui qui y aurait eu intérêt.
HOBBES, Léviathan
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise.
Il faut et il suffit que
l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il
est question.
1) Une description de la condition humaine.
Hobbes trace dans ce texte un tableau saisissant de la situation de l’homme en société,
caractérisée par l’ignorance et par le manque d’une réflexion systématique sur le droit et
en général sur ce qui concerne la raison pratique.
Autrement dit, l’homme ne répond pas
d’une façon mûre à la question que plus tard Kant formulera ainsi : « Que devons-nous
faire ? ».
Les hommes, comme les enfants, se contentent de la coutume,
s’accommodant à des comportements qui sont récompensés et évitant ceux qui sont
punis.
Il marque néanmoins une différence, que les hommes devenus adultes peuvent
se poser à l’encontre des règles de la coutume, car « forts et obstinés ».
Pour cela ils
peuvent s’appuyer sur la raison, pour objecter des coutumes, ou le contraire, s’opposer à
la raison en arguant la coutume.
L’élément le plus important de cette description apparaît
juste après, c’est le thème de l’intérêt, c’est-à-dire la convenance propre.
Les gens ne
servent pas la coutume ni la raison, ils se servent de l’une ou de l’autre pour ses intérêts.
On voit bien la conception que se fait Hobbes de l’homme en qu’être plutôt orienté vers
ses désirs et non pas d’un être moral et raisonnable, bien que ces dimensions ne soient
pas absentes de la vie humaine.
Pour parler du désir, les termes ne sont nullement
neutres : « ambition », « profit », « lubricité »… Cela pourrait fait penser à une nature
corrompue de l’homme, inspirée de près ou de loin par le christianisme, mais nous
savons que Hobbes la fait remonter plutôt à un « état de nature ».
Mais restons encore
au plus près du texte.
Il n’est pas question ici de « l’homme est un loup pour l’homme »,
trop souvent cité, mais presque : conflit, lutte, que ce soit par la plume ou par l’épée,
domination ; il est question aussi de brûler de livres.
2) Des vérités de la science ?
Néanmoins, il est un domaine où cela n’est pas le cas : Hobbes nous parle de
géométrie, des théorèmes, comme des domaines où, justement on ne brûle pas de livres
et on ne se déchire pas.
Pourquoi cela ? Tout simplement parce que ces questions de «
doctrine de lignes et de figures » – nous aurons pu tout autant parler de « goûts et de
couleurs » – n’engagent pas les intérêts et les ambitions humaines.
Cette allusion estelle moins essentielle que la première partie du texte ? On peut en douter.
Nous
pouvons penser que cet exemple est mis en contrepoint pour montrer que si les hommes
avaient du juste et de l’injuste, de la vertu et du droit une science si précise que le fait de
l’égalité de la somme des angles intérieurs d’un triangle à deux angles droits, bien de
querelles et violences seraient évitées.
Il confirmerait ainsi que c’est l’ignorance du
domaine éthique et juridique qui est à la base des désordres et turpitudes de la
coexistence humaine.
Mais ce serait une hypothèse mineure.
Ce que dit Hobbes est
bien plus fort : ces matières, comme ce théorème tiré des Eléments d’Euclide, bien que
certaines et clairement démontrées, ne seraient pas de poids face aux luttes d’intérêts.
C’est justement parce que la vérité dans ces questions « n’intéresse pas les gens»,
c’est-à-dire elle ne rentre pas dans ce que l’on peut définir comme intérêt.
Si cela n’était
pas le cas, on n’hésiterait pas à se battre de la même façon et même à abolir cette
connaissance.
On pourrait objecter à Hobbes que les questions que les questions
scientifiques n’on pas été toujours dépourvus de conflits ni indifférentes, à l’instar du sort
de Giordano Bruno ou de Galilée.
Mais on peut supposer que Hobbes retournerait
facilement cet argument : justement, ce sont des cas où les intérêts (pouvoir du Vatican
basé sur des dogmes mis en danger) ont su s’imposer sur les puissances de la raison.
3) Quel est donc le problème fondamental évoqué dans ce paragraphe ?
Nous pouvons l’énoncer ainsi : la condition humaine.
C’est elle qui pose problème ! Il ne
s’agit pas seulement d’une question de maturité : passage de l’enfance à l’âge adulte.
Car Hobbes ne conclut pas pour l’adulte à une sorte d’autonomie, comme le fera Kant
plus tard.
Non, la différence est que les adultes sont plus forts et plus têtus et c’est
seulement cela qui leur permet de s’opposer aux lois coutumières et à la dynamique de
l’approbation et du châtiment.
Ce n’est non plus pas le passage du désir naturel à la
raison, qui serait nécessaire, car la raison peut être utilisée pour le seul intérêt rappelons-le : la domination – alternativement à la coutume.
Une doctrine de l’homme
comme un «....
»
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