L'idée d'une liberté totale a-t-elle un sens ?
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Vocabulaire:
IDÉE: Parfois synonyme de représentation mentale, parfois de concept (idée générale et abstraite); dans le
platonisme, et avec un I majuscule, les Idées sont les modèles des choses, existant en soi, que l'âme contemplait
avant son incarnation.
Nous fabriquons les concepts, nous contemplons les Idées.
LIBERTÉ:
Ce mot, en philosophie a trois sens :
1° Libre arbitre.
Pouvoir mystérieux de choisir entre les motifs qui me sollicitent sans être déterminé par aucun
d'eux.
2° Liberté de spontanéité.
S'oppose non plus au déterminisme mais à la contrainte : état de celui qui agit sans être
contraint par une force extérieure.
3° Liberté du sage.
État de celui qui est délivré des passions et agit à la lumière de la raison.
Introduction
Il est vraisemblable que tout homme « normal » désire jouir de la liberté la plus complète qui soit.
Mais il est
incontestable que le quotidien dresse de nombreux obstacles à son exercice.
Faut-il en déduire que l'idée d'une
liberté totale n'aurait aucun sens ? Doit-on plus prudemment admettre l'existence, entre l'idée et l'exercice, d'une
différence telle que la première puisse être absolue et le second seulement relatif ? Si la restriction pratique
détermine une limitation de l'idée, cela révèle que l'idée et le réel se déterminent réciproquement, évoluent au même
rythme.
Si par contre on affirme l'indépendance de la conception intellectuelle relativement aux aléas de la réalité
historique, on peut considérer que l'idée de liberté totale n'a pas seulement du sens : elle est la seule conception
possible de la liberté.
I- Le développement historique de l'idée
A.
Point de vue hégélien
Constat facile : l'homme grec était moins libre que l'homme moderne.
Hegel en déduit que le concept de liberté était
lui-même incomplet.
Conséquence : l'idée de liberté est soumise à une progression, qui la généralise de plus en plus
et lui donne une définition de plus en plus vaste.
Dès lors, c'est à la fin de son histoire que l'idée de liberté totale est possible et prend du sens.
Tant que dure cette
histoire, l'idée ne peut que demeurer inachevée, partielle (la fin de cette histoire coïncide avec sa prise de
conscience, c'est-à-dire avec le système hégélien).
B.
Une histoire de la libération
Marx maintient ce schéma, mais le fait « descendre sur terre » : l'histoire montre les efforts de l'humanité pour se
libérer de toutes les formes successives de l'exploitation.
Mieux vaut parler de libération en cours que de liberté,
dont la conception reste liée aux intérêts de chaque classe dominante.
Puisque la révolution « bourgeoise » (de
1789) a libéré la bourgeoisie et déterminé l'exploitation du prolétariat, ce dernier devra à son tour assurer sa
libération par la révolution prolétarienne, qui sera la fin (dans les deux sens possibles) de l'histoire et permettra de
donner un sens à l'idée de liberté enfin totale.
II - L'affirmation métaphysique
A.
Liberté et moralité
Kant : pour que l'homme soit moral (et puisqu'il se montre capable de l'être), il faut qu'il soit libre (c'est-à-dire non
déterminé par les seules circonstances ou conditions de son existence).
Comme la liberté est une idée « pure », on
ne peut la connaître.
Il faut donc l'affirmer par un « postulat de la raison pratique », et cette affirmation concerne
une liberté nécessairement totale, dont la nature est sans doute énigmatique, mais dont la réalité se confirme dans
le fait qu'elle peut orienter la volonté vers le mal comme vers le bien.
B.
Liberté et responsabilité Si la liberté est totale, l'homme ne peut jamais excuser sa (mauvaise) conduite en
s'abritant derrière des circonstances défavorables : sa responsabilité est entière, car c'est lui qui choisit « en toute
liberté » de tenir compte ou non des circonstances.
Que la liberté soit totale, qu'elle ne puisse être partielle ou
restreinte, ne rend pas l'existence plus facile, loin de là.
III - Le point de vue ontologique
A.
L'existentialisme sartrien
Il confirme, en un sens, Kant, mais d'un point de vue tout autre : c'est parce que l'homme naît sans essence qu'il
est cette fois « condamné » à être libre.
Même constat : cette liberté est absolue et s'accompagne d'une
responsabilité écrasante.
Puisque Dieu n'existe pas, aucune transcendance ne peut m'aider à effectuer mes choix,
et m'abriter derrière un avis extérieur serait trahir ma liberté en même temps que mon humanité : je suis donc
responsable de tout, et de tous.
La liberté totale est un fardeau à assumer..
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