L'idée d'une contre-nature se justifie-t-elle ?
Extrait du document
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Problématique:
L'homme est un être de culture.
Dès lors, peut-on encore soutenir que la nature contient les règles auxquelles
l'homme devrait obéir ? Les normes auxquelles l'homme doit se soumettre, celles du bien et du mal, du convenable et
de l'inconvenant, du juste et de l'injuste, sont-elles inscrites en sa nature ou non ? L’idée d’une contre-nature se
justifie-t-elle moralement ? Si ce n'est pas le cas, mais si ces normes sont culturelles, alors il n'y a pas de sens à
condamner certains actes au nom de l'argument qu'ils seraient contre nature.
[Introduction]
Les hommes pensent communément que les comportements normaux sont les comportements naturels.
A l'inverse,
les pratiques moralement proscrites sont déclarées contre nature.
N'a-t-on jamais entendu dire de l'inceste ou de
l'homosexualité qu'ils étaient contre nature ? N'a-t-on jamais entendu cette expression à propos d'un sadique sexuel
ou de parents qui battent leurs enfants ?
Cette manière de parler est-elle fondée ? Y a-t-il un sens à parler d’une contre-nature au sujet de l’homme ? Si la
question se pose, c'est que l'homme est un être de culture.
Par conséquent, on est en droit de se demander si la
nature lui « dicte » en quoi que ce soit son comportement convenable d'homme.
La nature est-elle une norme pour les
hommes ? L'opposition de la vertu et du vice, la différence entre les pratiques licites et interdites reposent-elles sur
l'opposition entre ce qui est conforme à la nature, et ce qui lui serait contraire ?
[Partie I.
L’idée de contre-nature se justifie moralement.]
Dans la pensée des Grecs anciens, l'homme n'est pas pensé comme une « créature » exceptionnelle, mais comme une
partie de la nature, une partie de l'univers (cosmos).
L'homme y est défini par sa nature plus que par sa liberté.
Le principe
d'Aristote « La nature ne fait rien en vain » s'applique d'abord aux hommes.
Us possèdent naturellement le langage : c'est
donc qu'ils sont faits pour vivre dans des Cités, qu'ils sont naturellement des êtres politiques.
De même, il est dans la
nature de l'homme de commander à la femme, à ses enfants, ou encore, dans celle de l'homme libre de donner des
ordres à ceux qui sont par nature esclaves.
La nature est donc une norme que l'on retrouve partout ; elle règle les conduites, mais aussi les rapports sociaux.
Cette
conception ne va pas sans difficulté.
Par exemple, le même Aristote juge
problématique l'idée d'esclavage par nature.
Parfois, la nature dote les hommes
libres de corps robustes, faits pour les tâches laborieuses, bref, de corps
d'esclaves, et donne à certains esclaves des corps d'hommes libres.
Le scandale
est plus grand encore lorsque la nature donne aux hommes libres une âme vile, et
aux esclaves une âme noble.
La nature brouille donc parfois les cartes, si l'on peut
dire.
On admet bien qu'il y a des pratiques conformes ou contraires à la nature,
mais la nature n'est pas toujours une norme évidente.
On pourrait aussi trouver l'idée de conduites contre nature chez les
philosophes stoïciens.
Ceux-ci pensent que, la nature de l'homme étant
raisonnable, toute conduite passionnée (excessive, déraisonnable) est contre
nature.
Au passage, on doit souligner que dans cette conception, l'attitude
naturelle, c'est-à-dire conforme à la raison, n'est pas la plus spontanée.
L'homme est spontanément enclin à se mettre en colère, à envier ce qu'il n'a
pas, à craindre la mort, etc.
La nature n'est pas en ce sens quelque chose de
donné, d'inné ; la vie conforme à la nature est le fruit de la difficile acquisition
de la sagesse.
Le sage vit raisonnablement, conformément à sa nature, et en
harmonie avec l'univers entier ; il sait qu'il est un élément de ce tout qu'est le
cosmos.
[Transition]
L'idée de pratiques contre nature avait donc un sens pour les anciens.
Mais
tous n'ignoraient pas les difficultés qu'il y a à faire reposer les rapports sociaux sur des différences de nature.
De plus,
si la nature est une norme pour les hommes, si l'action convenable est l'action conforme à la nature, celle-ci ne
détermine pas à l'avance nos comportements comme l'instinct peut le faire pour les animaux.
La nature prend la
forme de la raison, non de l'instinct.
Les pratiques humaines sont donc des pratiques ouvertes qui, en tant que telles,
ne sont pas plus naturelles que contre nature.
[Partie II.
Rien n’est contre-nature chez l’homme.]
L'homme n'est que très peu régi par l'instinct.
Celui-ci, au sens strict, désigne un modèle inné de comportement, un
schéma de réaction qui se transmet héréditairement dans une espèce donnée et qui est relatif à la satisfaction d'un
besoin.
D'instinct, par exemple, le nourrisson fait le geste de téter sans qu'on le lui ait jamais appris.
Mais pour le
reste, nos comportements et nos pratiques sont appris et acquis au contact des autres hommes.
Ce sont eux qui nous.
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