l'idée d'égalité nous vient-elle de la nature ou de la culture ?
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«
Analyse du sujet :
Sujet hautement problématique car deux univers philosophiques s'opposent : l'antiquité et la modernité.
Mais il faut problématiser et
non pas se contenter de faire une histoire des idées philosophiques.
Trois termes sont ici importants : l'égalité qui est de l'ordre du qualitatif à la différence de l'identique qui est sur le mode du
quantitatif.
La nature qui s'oppose dans ce sujet de façon flagrante à la culture.
La nature serait alors ce qui existe et qui croit
indépendamment de l'homme ; au contraire, la culture est le produit et l'ensemble des processus par lequel l'homme agit sur la nature.
Le sens commun paraît ne pas voir dans la nature la moindre égalité ; en effet, pas un caillou ne se ressemble, pas un brin d'herbe
n'est égal à un autre, les animaux sont de force inégale et aux aptitudes inégalement développée, quant aux hommes, l'expérience
nous montre des uns plus intelligents que d'autres quand les différences physiques sont elles aussi plus flagrantes encore.
Mais ne confondons-nous pas ici égalité et identité ? L'idée d'égalité qui semble s'attacher spécifiquement aux hommes, ne renvoie-telle pas à la notion de droit, de dignité, bref de nature humaine ? Ainsi, faudra-t-il réfléchir sur cette idée de nature attachée à
l'homme.
On pourra aussi s'interroger cette inégalité parmi les hommes que l'on rencontre à chaque coin de rue: est-elle le fruit d'une
loi naturelle ou d'une société qui rend finalement les hommes inégaux.
Proposition de plan :
1) Notre expérience, l'observation de la nature nous montre que l'inégalité règne.
Prenons la théorie de l'évolution selon Darwin.
Elle
repose tout d'abord sur le fait qu'il n'existe pas un individu identique à un autre.
A l'intérieur des espèces, des petites différences
physiques (dues au hasard) apparaissent, des différences génétiques qui s'héritent de génération en génération.
Les individus sont
soumis à une lutte permanente (accroissement de la population pour la même quantité de ressources) qui s'aggrave face à une
adaptation au milieu naturel qui se modifie.
Et ce sont ces petites différences entre individus qui vont faire que les uns vont survivre et
les autres disparaître.
Cette théorie (grossièrement résumée) met en exergue que la nature est profondément inégalitaire.
L'idée
d'égalité ne peut donc provenir que de la culture.
L'antiquité grecque prenant modèle sur la Nature, concevait la société inégalitaire.
Une inégalité de classe, voire de caste qui s'appuyait
sur une différence de nature entre les hommes.
Nous avions à faire à une société hiérarchisée car elle s'attachait à reproduire une
Nature divinisée, intelligible et normative.
Aussi, la théorie de l'esclavage naturel chez Aristote montre-t-elle que l'idée d'égalité ne
pouvait être que culturel et totalement absente de la nature.
Dans La Politique du chapitre 3 à 5 du livre I, Aristote montre qu'il existe
des hommes qui par nature sont destinés à obéir et à ne pas commander : « celui qui, par nature, ne s'appartient pas à luimême, tout en étant un homme, mais est la chose d'un autre, celui-là est esclave par nature.
» (Politique, I, 4) On peut
aussi creuser dans la théorie des trois classes d'homme chez Platon dans La République ; théorie qui s'appuie sur la tripartition de
l'âme qui donne lieu, selon que telle partie de l'âme commande aux deux autres, à un type d'homme.
Ces trois classes sont les
philosophes (on est donc philosophe par nature ! ce qui n'implique absolument pas que le naturel philosophe ne doive pas travailler…)
qui doivent gouverner, les guerriers qui doivent défendre la Cité et le peuple qui doit obéissance.
En poussant l'idée d'une inégalité
naturelle, on aboutit à la justice selon Calliclès (qui s'oppose à Socrate).
Elle est celle qui respecte les inégalités naturelles ; il est donc
juste que les plus forts dominent les plus faibles et deviennent les chefs dans une Cité.
Transition : Mais l'idée d'une inégalité de nature n'est-elle pas celle d'une égalité qui se confond avec l'identité ? Cette nature qui ne
comprend pas l'idée d'égalité est celle des bêtes, des animaux, des plus forts physiquement (comme le souligne Calliclès).
L'idée
d'égalité n'est-elle pas le propre de la nature humaine ?
2) En effet, l'idée d'égalité ne peut être pensée indépendamment de l'homme.
Ce serait faire une confusion entre identité et égalité.
Si
pas un caillou n'est identique à un autre, c'est sur le mode du quantitatif ; idem pour les animaux et les végétaux.
Mais dès lors que
l'on parle de l'égalité il faut se placer sur le plan du qualitatif.
C'est ce que semble signifier les Droits de l'Homme : Tous les êtres
humains sont nés libres et égaux en DROIT.
Si les uns sont petits, faibles et stupides cela n'implique nullement une inégalité mais
simplement une différence physique ; la nature est certes inégalitaire mais quantitativement parlant.
L'idée d'égalité serait bien alors
une idée de la culture, œuvre d'une société, d'une justice, d'une législation.
Si l'idée d'égalité est le propre de l'homme il faut alors
réfléchir sur la nature de l'homme pour s'apercevoir que l'idée d'égalité est aussi une idée qui nous vient de la nature.
Telle est la pensée des contractualistes et d'un Hobbes en particulier.
Imaginant l'état de nature
de l'homme, c'est-à-dire l'état dans lequel se trouve l'homme avant de rentrer en société,
Hobbes écrit ceci dans le Léviathan : « La nature a fait les hommes si égaux quant aux
facultés du corps et de l'esprit, que, bien qu'on puisse parfois trouver un homme
manifestement plus fort, corporellement, ou d'un esprit plus prompt qu'un autre,
néanmoins, tout bien considéré, la différence d'un homme à un autre n'est pas si
considérable qu'un homme puisse de ce chef réclamer pour lui-même un avantage
auquel un autre ne puisse prétendre aussi bien que lui.
» (Léviathan, première partie,
chap.
XIII).
Hobbes montre que tous les hommes sont égaux en dignité et en droit.
Il n'y a pas
naturellement des privilèges qui puissent établir une quelconque hiérarchie entre les hommes.
On
peut même dire que c'est l'idée inégalitaire qui vient de la culture !
C'est ce que reprend à son compte Rousseau dans Discours sur l'origine et les fondements de
l'inégalité parmi les hommes.
La propriété et la société sont les causes de l'inégalité car l'égalité
vient de la nature.
L'homme sociabilisé a créé les inégalités puisqu'à l'état de nature l'homme est
un être solitaire, craintif qui n'a nul besoin de ses semblables.
Pour conclure, rappelons que l'état de nature est un état fictif, qui ne décrit aucune réalité
préhistorique.
Ainsi, la nature de l'homme reste de l'ordre de la supposition : l'homme est-il par
nature l'égal de son semblable ou bien la mère Nature nous a-t-elle inégaux comme l'affirmait
Aristote ? La réponse à la question est dépendante des idéologies et semble constituer un
postulat à toute théorie philosophico-politique..
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