L'idée de verite définitive n'est elle qu'une croyance ?
Extrait du document
«
Alors que la croyance apparaît comme quelque chose de personnel et d'impartageable, la vérité semble au contraire être
par définition la caractéristique de ce qui est vrai pour tous.
Par exemple, la foi religieuse semble n'avoir aucune mesure
avec une vérité mathématique.
C'est comme si la vérité était plus forte que la croyance du fait de sa prétendue
universalité.
Paradoxalement, alors que les vérités scientifiques sont perpétuellement mises en question ou réfutées par d'autres, les
croyances d'un individu sont le plus souvent inébranlables.
C'est étrangement ce qui est tenu pour vrai pour soi et sans
aucune preuve matérielle qui semble ici plus fort.
Les considérations courantes sur la vérité et la croyance opposent
radicalement ces deux notions : la vérité se définit par des preuves objectives, elle est donc en principe universelle et
éternelle.
Au contraire, la croyance est basée sur des indices le plus souvent discutables, et nécessite un acte d'adhésion
vécu en première personne.
Mais étrangement, aucune vérité, qu'elle soit scientifique ou métaphysique, n'est définitive.
Seule une croyance peut tenir une proposition pour vraie définitivement (c'est d'ailleurs peut-être là la caractéristique
fondamentale qui la distingue de ce qui mérite l'appellation « vérité »).
La question est donc la suivante : Peut-on tenir quelque chose pour vrai définitivement autrement qu'en le croyant ?
En effet, si ce n'est pas le cas, alors tout « tenu pour vrai définitivement » n'est pas une vérité (dans les dimensions
objective et définitive qu'elle suppose) mais seulement une croyance (subjective et valant pour soi).
De ce même fait,
l'idée même qu'une vérité définitive est possible relèverait aussi d'une croyance.
Cette dernière affirmation nous amènera
à donner une nouvelle définition du concept de vérité.
I.
Vérité définitive et croyance : deux concepts à première vue antagonistes.
De nombreux philosophes ont affirmé que les vérités définitives existaient, qu'elles étaient atteignables par un processus
de connaissance et qu'elles étaient radicalement distinctes des croyances.
PLATON : Il existe des vérités éternelles, les Idées, qui ont un mode d'existence immatériel et que la connaissance
humaine peut atteindre par un processus bien particulier : il s'agit de s'élever au-dessus du réel sensible pour accéder à
ces réalités qui « planent » au-dessus du monde quotidien.
(C'est d'ailleurs là le principal objectif de la démarche
philosophique).
DESCARTES : L'objectif du Discours de le méthode est de trouver les vérités premières (qui sont des vérités éternelles).
Il
affirme que ces-dernières, après un long travail de mise en doute de tout ce que l'esprit tient pour vrai, apparaissent à
l'esprit comme évidentes, claires et distinctes.
Ces deux formes de vérité définitive sont tout sauf des croyances : les reconnaître comme vraies se distingue radicalement
d'un acte de foi.
L'homme qui les possède est dans le vrai non pas relativement mais absolument.
Ce qu'il tient pour vrai
l'est universellement (potentiellement pour tout homme) et éternellement (définitivement).
Ce à quoi on accès avec ces
vérités n'est pas le vrai pour soi mais le vrai pour tout homme et en tout temps.
II.
Qu'y a-t-il dans l'idée de vérité définitive qui rend cette-dernière comparable à une croyance ?
Quand on regarde dans le domaine des sciences (qui est couramment considéré comme le lieu même de la vérité), on est
étonné de voir que c'est ici que l'idée de vérité définitive semble la plus proche de celle de la croyance.
On a par exemple
longtemps tenu pour vérité définitive que la Terre était plate !
Au-delà de ces exemples dont regorge l'histoire des sciences, il faut interroger notre rapport à la vérité.
Quand on est en
présence d'une « idée claire et distincte », l'esprit ne peut qu'admettre son évidence, elle s'impose.
Ainsi, on s'y soumet
comme à une croyance.
L'esprit est totalement passif face à ce qu'il considère comme une vérité définitive de la même
façon qu'il l'est dans un acte de foi.
Enfin, si toute vérité scientifique ne peut être définitivement vraie (du fait du caractère instable du réel qu'elle s'efforce de
décrire), alors une vérité définitive ne peut être que métaphysique.
Or Kant, dans la Critique de la raison pure, explique que
les objets métaphysiques tels que l'existence de Dieu, l'immortalité de l'âme ou encore l'infinité du monde ne sont pas
appréhendables en terme de vérité.
Il nous est impossible de trancher théoriquement sur ces questions, y répondre relève
non pas d'une démarche intellectuelle objective mais d'une prise de position morale.
III.
Si les vérités définitives ne sont que des croyances, quelle définition peut-on alors donner à la vérité ?
Si la vérité est l'adéquation parfaite entre l'idée de l'esprit et la chose, alors se pose un problème : cette adéquation estelle seulement possible ? L'accès par la connaissance à la chose telle qu'elle est semble en effet compromis dans le sens
où l'esprit et les choses du monde semblent de natures différentes.
La vérité, plutôt qu'une perfection, est perfectibilité.
On s'en approche plus qu'on y accède pleinement.
Et c'est avec cette définition de la vérité que l'on peut comprendre
l'histoire des sciences ; la vérité scientifique est historique, elle est le produit d'un contexte culturel, idéologique,
technologique…Elle fait sans cesse l'objet de modifications, de falsifications, d'affinements.
Cela ne signifie pas que nous
sommes constamment dans l'erreur mais que nous sommes toujours en chemin vers du « plus vrai ».
Penser que l'on
possède une vérité définitive (donc immuable) relève donc d'un acte de foi.
Par conséquent, l'idée même que des vérités définitives existent et sont atteignables relève de la croyance : d'une part on
ne pourra jamais y accéder et d'autre part aucune vérité ne peut être considérée comme définitive dans le sens où toue
vérité est par définition perfectible.
Conclusion
-Vérité définitive et croyance semblent s'opposer du fait de la différence radicale qu'il existe entre vérité et croyance.
-Mais l'attribut « définitive » pose problème : une vérité ne l'est jamais (cf.
l'histoire des sciences où l'on sait ce qui est
définitivement faux mais jamais ce qui est définitivement vrai).
-Donc on arrive à une définition de la vérité comme quelque chose d'éternellement perfectible.
Ce que l'on tient pour
définitivement vrai, ce que l'on ne peut remettre en question, ce qui fait en nous le plus autorité est une croyance.
La vérité, contrairement à ce qu'on pourrait croire, n'est ni inébranlable ni définitive.
Elle fait (et doit faire) l'objet d'un
questionnement permanent , ce qui fait là toute sa noblesse et sa force comparée à la croyance..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Philosophie: croyance, certitude et vérité
- Voltaire et l'idée de tolérance
- Freud: L'idée d'inconscient exclut-elle l'idée de liberté ?
- Pascal: La raison peut-elle faire l'économie de la croyance ?
- DESCARTES: «Il n'y a que la seule volonté, que j'expérimente en moi être si grande que je ne conçois pas l'idée d'aucune autre plus ample et plus étendue...»