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L'idée de nation est-elle incompatible avec celle d'humanité ?

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« INTRODUCTION Distinguer l'idée d'humanité du concept biologique d'espèce humaine : l'humanité renvoie aux dimensions sociales, culturelles et politiques de l'existence humaine (Aristote : l'homme est un animal politique, zoon politikôn). L'idée de nation, elle, s'entend d'abord au sens d'une communauté politique et culturelle (la Grèce hellénique par opposition aux « barbares » qui ne parlent pas le Grec).

Elle peut s'entendre au sens d'Etat-nation, mais ne s'y réduit pas. Quels rapports peuvent donc entretenir une communauté culturelle déterminée (la Grèce, la France) à une communauté culturelle plus large, constituée par l'humanité entière ? Peut-on appartenir simultanément à une nation et à l'humanité entière (cosmopolitisme) ? Ou bien l'idée de nation serait-elle incompatible avec celle d'humanité, au sens où celui qui n'appartiendrait pas à notre nation ne partagerait pas avec nous une humanité commune ? Inversement, faut-il nécessairement rejeter l'idée de nation, au motif qu'elle serait vectrice de xénophobie et de nationalisme fermé, pour pouvoir se dire « citoyen du monde », c'est-à-dire homme avant que d'être citoyen ? Première partie : - Si la Grèce, divisée en cités rivales (Spartes et Athènes), a pu se concevoir comme formant un même ensemble politique et culturel, l'hellénité, elle rejetait en dehors de celui-ci les « barbares ».

Les Grecs réduisent donc l'humanité à l'idée de nation, annihilant par-là même l'idée d'une humanité qui inclurait aussi bien les Grecs que les « barbares » (c'est-à-dire les non-Grecs).

Pour qu'il puisse y avoir compatibilité entre l'idée d'humanité et celle de nation, il faut donc d'abord admettre l'existence d'une différence entre ces deux idées, qui fait qu'une nation distincte puisse faire partie, au même titre que notre nation propre, à une humanité commune. - Il faut donc élaborer une pensée posant une différence entre l'idée de nation et celle d'humanité, tout en réussissant à les penser ensemble de façon complémentaire.

Le cosmopolitisme stoïcien élaboré au sein de l'Empire romain pense ainsi l'homme comme étant constitué de plusieurs cercles concentriques : lui-même, sa famille, ses amis, sa tribu, son peuple, sa nation, et enfin l'humanité entière.

L'éthique du sage stoïcien consiste alors à ramener chaque cercle concentrique à celui qui le précède : il faut donc appeler ses cousins frères, ses oncles et tantes pères et mères, etc. Deuxième partie : - Voltaire reprends cette idée cosmopolitique (« citoyen de l'univers »), qu'il oppose à celle de nation : « Il est triste que souvent, pour être bon patriote, on soit l'ennemi du reste des hommes….

» Mais si les stoïciens réussissaient à conjuguer l'idée de nation à celle d'humanité, peut-on inversement se dire uniquement « citoyen de l'univers » tout en refusant toute appartenance à une communauté nationale ? N'est-ce pas là renverser la position des Grecs, en assimilant cette fois-ci non plus l'humanité à la nation, mais la nation à l'humanité, éradiquant du même coup la différence entre ces deux idées, contraste qui seul peut expliquer leur complémentarité ? - La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 enracine ainsi l'idée d'humanité dans celle de citoyenneté, laquelle ne peut exister qu'au sein d'une nation, communauté politique organisée au sein d'un Etat. Rousseau : « … Ces prétendus cosmopolites, justifiant leur amour pour la patrie par leur amour pour le genre humain, se vantent d'aimer tout le monde, pour avoir le droit de n'aimer personne.

» Rousseau critique ainsi l'uniformisation des Européens, qui ferait disparaître tout caractère national particulier, et par conséquent tout attachement à sa patrie.

Or si le citoyen ne s'attache plus à sa patrie, il se désintéresse de la « chose publique » (res publica) et l'État où il vit bascule alors dans le despotisme. CONCLUSION La citoyenneté (liberté de participation) est donc garantie par le patriotisme.

Or c'est cette liberté qui fonde l'essence de l'homme.

Double péril qui menace de rendre incompatible l'idée de nation et celle d'humanité en niant leur différence et leur complémentarité : d'un côté, le risque du nationalisme fermé et de la xénophobie, de l'autre le risque de la misanthropie.

Dans les deux cas, on assimile nation et humanité, soit qu'on ramène toute l'humanité à notre nation propre, soit qu'on se déclare membre uniquement de l'espèce humaine, niant ainsi toute responsabilité à l'égard d'un groupe particulier. Hannah Arendt affirme ainsi que ce ne sont pas les droits civiques qui découlent des droits de l'homme, mais l'inverse.

Si les juifs ont pu être exterminés par les Nazis, c'est d'abord en les privant de leur droit de citoyenneté : aucun État national ne se portait garant pour eux.

De même aujourd'hui pour les réfugiés ou toute personne privée du droit de citoyenneté : l'homme ne peut révéler son humanité qu'en étant citoyen d'une nation. C'est donc l'appartenance à une nation déterminée et son engagement dans la vie de celle-ci qui révèle notre appartenance à une humanité commune.. »

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