l'idée de finalité doit-elle demeurer étrangère aux sciences biologiques ?
Extrait du document
«
A.
— On sait que les savants formés aux méthodes des sciences positives écartent volontiers l'idée de finalité
comme anti-scientifique.
Postulat mécaniste et principe fondamental de la science expérimentale : recherche des
conditions, du comment des phénomènes, non du pourquoi.
Mot de Bacon : "Les causes finales, comme les vierges
qui se consacrent à Dieu, sont belles, mais stériles." Elles sont : a) belles, c'est-à-dire un produit séduisant de
l'imagination : b) stériles : elles n'ont jamais servi à rien, si ce n'est à engendrer des erreurs et à entretenir des
préjugés.
B.
— On peut accorder : a) qu'on a souvent abusé des causes finales; b) que, dans les sciences physico-chimiques,
elles ne jouent qu'un rôle très secondaire.
— Mais la recherche de la finalité est d'une incontestable utilité dans les
sciences biologiques, qui ont pour objet les fonctions et les organes des animaux et des plantes.
Le montrer :
1° A priori : Qui dit organe (instrument, outil) dit usage, but à atteindre.
Qui dit fonction dit la même chose.
Comment avoir l'explication de ces organes et fonctions sans la considération du but pour lequel ils sont des moyens
? (Cf.
Janet.
Causes finales.)
2° A posteriori : Rappeler que l'histoire des sciences enregistre de grandes découvertes dues à l'idée de finalité
(Cuvier, Harvey).
C.
— Faire remarquer toutefois que les considérations téléologiques sont utiles à la science, non pour la constituer,
mais comme procédé propre à suggérer au savant des hypothèses qui le dirigeront dans ses recherches.
Mais, à
cause des abus toujours possibles, nécessité d'un contrôle sévère et d'une prudente réserve.
Il semble y avoir une contradiction dans les termes quand on rapproche le mot positif qui caractérise habituellement
la science et la notion de finalité qui appartient habituellement à la métaphysique.
La science est positive dans la
mesure où elle se limite aux faits.
Elle établit entre eux des relations de cause à effet qui, lorsqu'elles sont
constantes, prennent le nom de lois.
Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.
La notion de finalité au contraire comporte l'intervention d'une volonté soit humaine, soit divine.
La suite des causes
se trouve en quelque sorte interrompue par un « commencement absolu ».
Un projet précède l'existence de la réalité
et contribue à la rendre réelle.
En conséquence on ne voit pas bien comment la finalité pourrait prendre un sens
positif.
* * *
Ce n'est pas certes que telle finalité ne soit pas intervenue dans la science.
Cette dernière s'est peu à peu dégagée
de la pensée empirique et pratique et elle a dû lutter contre la pensée religieuse pour qui il était impie d'utiliser la
raison et de chercher à connaître le monde.
Les explications théologiques devaient suffire, on se souvient des
obstacles rencontrés par Galilée par exemple, à propos de la théorie de la rotation de la terre.
Le système de
Ptolémée avait l'avantage de s'accorder aux croyances religieuses, de renvoyer aux principes d'autorité, et, par un
biais, de retrouver les principes fondamentaux qui faisaient la force de la société féodale.
Pendant longtemps le
principe de finalité a régenté la science sans même qu'on se donnât la peine de déguiser son sens métaphysique.
Un
lecteur contemporain est toujours étonné quand il ouvre un ouvrage de Descartes par les extraordinaires formules
de soumission aux dogmes ecclésiastiques qui servent de préface à ses traités scientifiques.
Lorsque le progrès de la science a été suffisant pour qu'on révoque en doute ce principe dans plusieurs domaines à
la fois, la pensée métaphysique et religieuse a dû prendre des précautions pour l'introduire dans des explications
scientifiques.
On a essayé de lui donner un sens positif, de concilier la foi et la raison, le dogme et l'expérience.
Par
exemple, en biologie et plus particulièrement dans le domaine de l'évolution.
La position du vitalisme n'est rien
d'autre qu'un essai pour donner une valeur positive au concept de finalité.
Sans doute on ne peut contrarier
indéfiniment le courant expérimental qui se développe avec des praticiens comme A.
Paré ou Descartes, mais toutes
les explications positives devront trouver place dans un ensemble dominé par une entité comme le principe vital.
On
utilise pour convaincre le savant un raisonnement passablement spécieux, qui d'ailleurs se trouve souvent repris par
la suite.
En vain la science progresse et démonte des mécanismes compliqués de la nature.
Ces mécanismes
compliqués, si l'homme peut les connaître, il ne peut certes pas les créer de toutes pièces.
Pour critiquer la science
et la renvoyer à la finalité, on reproche en somme à l'homme de ne pas être Dieu, c'est-à-dire de ne pouvoir
reconstruire ce que déjà il parvient à connaître.
Le vitalisme a été sévèrement critiqué par Claude Bernard qui y voit la négation même de l'esprit scientifique.
Pour
lui la science ne doit point se proposer de rechercher les « causes en soi ».
Le but de la médecine par exemple
c'est, dit-il, dans le ce Préambule » de « l'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale » de « conserver la
santé et de guérir les maladies ».
Mais cette position est celle d'un savant et pendant tout le XIXe siècle et même
jusqu'à nos jours les positions agnostiques et en particulier le vitalisme tendent de se réintroduire dans les sciences
les plus positives.
Un exemple intéressant est fourni par le philosophe E.
Boutroux dans son ouvrage sur « la
contingence des lois de la nature ».
De formation Kantienne, Boutroux prolonge l'influence de la position critique.
Toutefois il ne peut nier les progrès de la science : chacune dans son domaine est parvenue à des résultats positifs
et à dégager des lois rigoureuses.
Partout règne la causalité.
Comment réintroduire la contingence ?
Cette « laxité » des lois de la nature, Boutroux veut la découvrir entre les règnes naturels, c'est-à-dire en passant
du domaine des mathématiques par exemple à celui de la physique, ou de la physique à la biologie.
Une autre tentative plus récente de réintroduire la contingence et.
la finalité, est née du progrès même de la
science physique.
Le microscope électronique d'une part, des phénomènes physiques comme l'effet Compton et le
mouvement brownien d'autre part, ont permis, vers la fin du XIXe siècle de conclure que nos lois physiques ne sont
vraies que grosso modo, dans leur ensemble et pour tout dire sont des lois statistiques.
On en a profité pour.
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