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Liberté et indépendance ?

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« De la liberté, Valéry écrivait qu'il est « un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens, qui chantent plus qu'ils ne parlent, qui demandent plus qu'ils ne répondent ».

C'est que le mot de liberté est porteur de significations multiples qui, si elles ne sont pas précisées, peuvent conduire à des abus de langage ou des mystifications.

Le mot de liberté est équivoque, parce qu'il ne prend d'abord son sens que par rapport à une privation ou une contrainte.

C'est ainsi qu'être libre, pour le prisonnier, ce sera de pouvoir aller et venir, pour le travailleur, de pouvoir s'arrêter de travailler, pour le chef d'entreprise, de pouvoir licencier.

La définition la plus large, mais aussi la plus vague, qu'on pourrait alors donner de la liberté serait l'absence de toute contrainte, c'est-à-dire l'indépendance. La liberté au la mort Mais la liberté absolue condamnerait l'homme à une absolue solitude, c'est-à-dire à la mort.

Le désir - ou le rêve d'une liberté sans contrainte est un désir mortifère.

Tirant les leçons de la Révolution française et de la Terreur, Hegel a mis en lumière ce lien caché qui unit la liberté à la mort.

Car la liberté, entendue comme indépendance, refus de toute détermination, est une liberté purement négative, simple opposition ou même destruction.

L'homme prend d'abord conscience de sa liberté par la possibilité qu'il a de refuser ce qui est, par le pouvoir de dire non.

Mais ce premier moment de la liberté, par lequel l'homme se pose en s'opposant, n'est en fait que la liberté du vide. Cette mise à distance du réel donné n'est possible que parce que l'homme est conscience de soi.

A travers la conscience de soi, l'homme s'éprouve comme exilé du monde et séparé de lui.

Il n'est plus alors simplement dans le monde, chose parmi les choses, vivant parmi les vivants.

La conscience de soi s'éprouve comme liberté, mais se prouve dans le risque extrême de la mort.

Être capable de risquer sa vie, c'est en effet affirmer que je ne suis pas ce que je parais être : une simple présence sensible.

Prouver à l'autre sa liberté, être reconnu par l'autre comme conscience de soi, indépendante de toute détermination naturelle, tel est l'enjeu de la lutte à mort, qui oppose deux consciences de soi, dans la célèbre dialectique du maître et de l'esclave de Hegel.

A l'issue de ce duel, l'une - parce qu'elle a tenu jusqu'au bout le risque de la mort - prend la figure du maître, tandis que l'autre - qui a préféré la vie prend la figure de l'esclave. Mais, comme Hegel le souligne ensuite, la liberté du maître, parce qu'elle est de pur commandement et n'agit pas, reste une liberté indéterminée.

C'est, pour finir, l'esclave qui, en transformant le monde extérieur, s'en rend le maître et réalise ainsi la liberté. Qu'autrui existe semble être pour la pensée contemporaine une évidence.

Pourtant, l'idée d'un isolement de la conscience a longtemps persisté.

C ‘est, sans doute, parce que l'esprit des philosophes était obsédé par le problème de la recherche de la vérité.

D'où l'opposition entre, d'un côté, le sujet connaissant et, de l'autre, le monde à connaître.

Dans cette confrontation, la présence d'un tiers, à l'exception de Dieu, était exclue. Le thème de l'altérité apparaît chez Kant dans ses considérations sur la moralité, mais surtout chez Hegel dans « La phénoménologie de l'esprit ».

C'est dans cet ouvrage – où Hegel décrit le mouvement dialectique de la conscience, depuis la naïveté première de la « certitude sensible » jusqu'à l'universalité du « savoir absolu », ultime moment où la conscience prend conscience de sa liberté – que se trouve la fameuse dialectique du maître & de l'esclave.

On peut y lire : « La conscience de soi est certaine de soi-même, seulement par la suppression de cet Autre qui se présente à elle comme vie indépendante ; elle est désir.

» La conscience, dans son rapport immédiat avec elle-même, n'est que l'identité vide du Je = Je, une tautologie sans contenu.

Toute conscience rencontre autrui, l'Autre, une autre conscience de soi.

Il n'y a, en fait, de véritable conscience de soi que moyennant le retour à soi à partir de cet « être-autre ».

Autrement dit, la conscience de soi serait impossible dans un monde où autrui n'existerait pas. Si la conscience est mouvement et retour à soi-même à partir de l'être autre, elle ne peut d'abord l'être que par la négation de l'autre.

Autrement dit, la relation à autrui se présente d'emblée comme une affaire de conflit.

Le « moi » de l'enfant, par exemple, ne se forme-t-il pas en s'opposant au non-moi ? N'est-ce pas dans l'opposition à ses parents que l'enfant forge sa personnalité ? Toute conscience est désir de reconnaissance de soi et la satisfaction de ce désir ne peut advenir que moyennant la suppression de l'autre, en tant qu'être indépendant. Le premier mouvement du désir serait de détruire et de consommer l'objet.

mais, dans cette expérience, je découvre que mon désir est conditionné par cet objet et que je suis donc dépendant de cet objet que j'avais, pourtant nié : « Le désir et la certitude de soi atteinte dans la satisfaction du désir sont conditionnés par l'objet ; en effet la satisfaction a lieu par la suppression de cet autre.

Pour que cette suppression soit, cet autre aussi doit être.

» Loin d'atteindre la satisfaction complète et définitive, je découvre que, la satisfaction obtenue, le désir renaît, marquant toujours davantage ma dépendance à l'égard de l'objet, de cet Autre que j'avais annihilé : « La conscience de soi ne peut donc pas supprimer l'objet par son rapport négatif à lui ; par là elle le reproduit plutôt. »

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