L'hypothèse de l'inconscient contredit-elle l'exigence morale ?
Extrait du document
«
La conscience morale désigne la faculté de discerner le bien du mal, donc de choisir entre le bien et le mal.
Ce choix
suppose un sujet conscient, libre de penser tout ce qu'il pense, non déterminé.
Mais Freud a mis l'accent sur
l'importance du déterminisme psychique dans la vie de chacun.
Ce déterminisme ruine-t-il la morale?
1) La dépossession morale de soi
L'inconscient est bien un danger pour le moi puisqu'il le manipule à son insu et rend illusoire le privilège de la
conscience (vérité première, toujours accessible).
« Tu crois savoir tout ce qui se passe dans ton âme, dès que c'est
suffisamment important, parce que ta conscience te l'apprendrait alors.
Et
quand tu restes sans nouvelles d'une chose qui est dans ton âme, tu admets,
avec une parfaite assurance, que cela ne s'y trouve pas.
Tu vas même
jusqu'à tenir « psychique » pour identique à « conscient », c'est-à-dire connu
de toi, et cela malgré les preuves les plus évidentes qu'il doit sans cesse se
passer dans ta vie psychique bien plus de choses qu'il ne peut s'en révéler à
ta conscience.
Tu te comportes comme un monarque absolu qui se contente
des informations que lui donnent les hauts dignitaires de la cour et qui ne
descend pas vers le peuple pour entendre sa voix.
Rentre en toi-même
profondément et apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendras
pourquoi tu vas tomber malade, et peut-être éviteras-tu de le devenir.
C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi.
Mais les deux clartés qu'elle nous apporte : savoir, que la vie instinctive de la
sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus
psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et
subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine,
équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison ».
FREUD, « Essais de psychanalyse appliquée ».
Freud va être amené à concevoir que bon nombre de maladies, mais aussi d'actes quotidiens
s'expliquent si l'on admet l'hypothèse de l'inconscient.
Il y aurait en nous u « réservoir » de forces et de désirs (ou
pulsions) dont nous n'aurions pas conscience, mais qui agiraient sur nous..
Pour le dire brutalement, en ce sens,
l'homme n'agirait pas (ne choisirait pas ses actes e toute connaissance de cause, dans la clarté), mais serait agi
(c'est-à-dire subirait, malgré lui, des forces le contraignant à agir) : il ne serait pas « maître dans sa propre
maison », il ne serait pas maître de lui.
Empruntons à Freud un exemple simple.
Un président de séance, à l'ouverture dit « Je déclare la séance fermée »
au lieu de dire « Je déclare la séance ouverte ».
Personne ne peut se méprendre sur ses sentiments ; il préférerait
ne pas être là.
Mais ce désir (ne pas assister au colloque) ne peut s'exprimer directement, car il heurterait la
politesse, les obligations sociales, professionnelles, morales du sujet.
Notre président subit donc deux forces
contraires : l'une parfaitement en accord avec les obligations conscientes, l'autre qui ne l'est pas et qui ne peut
s'exprimer directement, ouvertement.
Il y a donc conflit, au sein du même homme, entre un désir conscient,
conforme aux normes morales et un autre désir plus « gênant ».
Or, dans notre exemple, ce second désir, malgré la
volonté de politesse du président, parvient à s'exprimer, mais de façon détournée, anodine : on dira que « sa langue
a fourché ».
Ici, l'exemple est simple dans la mesure où le président a sans doute parfaitement conscience qu'il ne veut pas être
là.
Mais dans bon nombre de cas, quand ma langue fourche, je ne sais pas pourquoi, c'est-à-dire que j'ignore moimême ce qui me pousse à dire tel mot plutôt qu'un autre.
Or pour Freud le cas est exactement identique et
s'interprète de même, comme le conflit entre deux désirs dont l'un est gênant et peut être ignoré par le sujet.
Il n'y
a pas d'actes innocents ou anodins.
Tous sont révélateurs d'un affrontement en moi de deux forces.
L'hypothèse Freudienne de l'inconscient revient à dire que bon nombre d'actes « normaux » (oubli, actes manqués,
rêves), mais aussi « maladifs », pathologiques (névroses, psychoses, obsessions) s'expliquent en gros selon le même
schéma.
L'individu subirait un conflit psychique (dans son âme), conflit parfois extrêmement violent entre les normes.
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