« L'humanisme... tend à comprendre et à absorber toutes formes rie vie, à s'expliquer sinon à s'assimiler toutes croyances, même celles qui le repoussent, même celles qui le nient. » D'après ces suggestions d'André Gide (Journal, 14 juin 1926. Pléiade, p
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On est en droit de s'étonner en constatant que la notion d'humanisme ne fut jamais autant repensée aux époques des humanités triomphantes qu'elle l'est depuis qu'il n'y a plus de véritables et complète culture humaniste. Peut-être est-ce précisément le besoin de retrouver l'homme et les fins humaines qui pousse les écrivains de la fin du XIXe siècle et du début du XXe à méditer sur ce concept, au sortir d'une longue période d'enthousiasme scientifique où la primauté de l'homme avait été sérieusement ébranlée (on sait, par exemple, comment la critique « tainienne » réduisait le rôle de l'homme et de ses libres initiatives dans la création littéraire, pour lui substituer une explication de type scientifique et déterministe). Or. pour répondre à cette angoisse de l'homme dans un monde qui se déshumanisait de plus en plus, maintes doctrines surgissent, qui prétendent assigner des fins à l'action humaine. Les premières années du siècle voient se relever le christianisme, sous une forme traditionnelle ou sous une forme rénovée; les théories socialistes proposent à l'homme le but nouveau de la cité harmonieuse, et sans cesse, entre ces deux directions de pensée, éclosent des « systèmes » nouveaux pour résoudre les problèmes essentiels de l'homme : des philosophies notamment ont d'éclatants retentissements, le bergsonisme, plus près de nous l'existentialisme, le personnalisme, etc. En présence de ces solutions diverses, un certain désarroi se fait jour et c'est peut-être ainsi que la notion d'humanisme connaît un regain de faveur : n'y aurait-il pas un point commun, ou du moins la possibilité d'un point de vue commun, qui permette de rendre toutes ces doctrines intéressantes dans une sorte de syncrétisme où l'on ne garderait que ce qu'elles nous révèlent de l'homme? Un esprit particulièrement soucieux de synthèse et de totalité, André Gide, écrivait dans son Journal, un jour de 1926 qu'il réfléchissait sur la solution que la religion propose à notre inquiétude :· « L'humanisme tend à comprendre et à absorber toutes formes dé vie, à s'expliquer sinon à s'assimiler toutes croyances. » Et, allant au bout de sa pensée, il affirmait que l'humanisme a cette supériorité de n'être pas une doctrine entre d'autres et que l'on opposera à d'autres, puisqu'il ne craint pas les croyances « qui le repoussent » même pas « celles qui le nient ». Il est évident qu'une certaine universalité, une certaine volonté de tolérance sont liées à la notion même d'humanisme. Est-ce à dire toutefois que celui-ci ne va rencontrer aucune difficulté du côté de ces doctrines « qui le dépassent ou qui le nient »? Ne prétendront-elles pas opposer à l'humanisme de l'universalité un humanisme de l'approfondissement et ainsi ne risquent-elles pas de vouloir, plutôt que de le nier, le monopoliser à leur profit? Ne serons-nous pas, dans ces conditions, amenés à nous demander s'il ne doit pas être pris d'une façon beaucoup plus modérée, beaucoup plus humble, et si, plus qu'un orgueilleux syncrétisme, il n'est pas une simple conscience des limites et de l'efficacité à court terme des forces humaines?
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Intro:
On est en droit de s'étonner en constatant que la notion d'humanisme ne fut jamais autant repensée aux époques
des humanités triomphantes qu'elle l'est depuis qu'il n'y a plus de véritables et complète culture humaniste.
Peutêtre est-ce précisément le besoin de retrouver l'homme et les fins humaines qui pousse les écrivains de la fin du
XIXe siècle et du début du XXe à méditer sur ce concept, au sortir d'une longue période d'enthousiasme scientifique
où la primauté de l'homme avait été sérieusement ébranlée (on sait, par exemple, comment la critique « tainienne »
réduisait le rôle de l'homme et de ses libres initiatives dans la création littéraire, pour lui substituer une explication
de type scientifique et déterministe).
Or.
pour répondre à cette angoisse de l'homme dans un monde qui se
déshumanisait de plus en plus, maintes doctrines surgissent, qui prétendent assigner des fins à l'action humaine.
Les
premières années du siècle voient se relever le christianisme, sous une forme traditionnelle ou sous une forme
rénovée; les théories socialistes proposent à l'homme le but nouveau de la cité harmonieuse, et sans cesse, entre
ces deux directions de pensée, éclosent des « systèmes » nouveaux pour résoudre les problèmes essentiels de
l'homme : des philosophies notamment ont d'éclatants retentissements, le bergsonisme, plus près de nous
l'existentialisme, le personnalisme, etc.
En présence de ces solutions diverses, un certain désarroi se fait jour et
c'est peut-être ainsi que la notion d'humanisme connaît un regain de faveur : n'y aurait-il pas un point commun, ou
du moins la possibilité d'un point de vue commun, qui permette de rendre toutes ces doctrines intéressantes dans
une sorte de syncrétisme où l'on ne garderait que ce qu'elles nous révèlent de l'homme? Un esprit particulièrement
soucieux de synthèse et de totalité, André Gide, écrivait dans son Journal, un jour de 1926 qu'il réfléchissait sur la
solution que la religion propose à notre inquiétude :· « L'humanisme tend à comprendre et à absorber toutes formes
dé vie, à s'expliquer sinon à s'assimiler toutes croyances.
» Et, allant au bout de sa pensée, il affirmait que
l'humanisme a cette supériorité de n'être pas une doctrine entre d'autres et que l'on opposera à d'autres, puisqu'il
ne craint pas les croyances « qui le repoussent » même pas « celles qui le nient ».
Il est évident qu'une certaine
universalité, une certaine volonté de tolérance sont liées à la notion même d'humanisme.
Est-ce à dire toutefois que
celui-ci ne va rencontrer aucune difficulté du côté de ces doctrines « qui le dépassent ou qui le nient »? Ne
prétendront-elles pas opposer à l'humanisme de l'universalité un humanisme de l'approfondissement et ainsi ne
risquent-elles pas de vouloir, plutôt que de le nier, le monopoliser à leur profit? Ne serons-nous pas, dans ces
conditions, amenés à nous demander s'il ne doit pas être pris d'une façon beaucoup plus modérée, beaucoup plus
humble, et si, plus qu'un orgueilleux syncrétisme, il n'est pas une simple conscience des limites et de l'efficacité à
court terme des forces humaines?
I L'humanisme et l'universalité
La conception de Gide, au moins en première analyse, est la grande conception traditionnelle, notamment celle de
l'humanisme ancien et surtout de l'humanisme de la Renaissance.
1 Volonté de comprendre tout ce qui est de l'homme.
Devant toute manifestation de la vie, devant toute croyance
l'humaniste est moins préoccupé de critiquer que de comprendre en se demandant ce que cette forme de vie, ce
que cette croyance nous révèlent sur l'homme.
C'est ainsi que Montaigne collectionne avec plaisir les mœurs qui
surprennent, les croyances qui déconcertent : certains chapitres sur l'imagination, sur la coutume sont remplis
d'exemples bizarres, parfois cocasses.
L'attitude humaniste est moins de condamner l'étrange que de le rattacher à
l'humain en se demandant quelle faculté humaine il met en jeu, si bien que l'humaniste « s'explique » et même en un
sens « s'assimile toutes croyances » ou toutes formes de vie : Montaigne observe avec curiosité les coutumes des
sauvages (Essais.
I, 31) et se demande si.
sous leur étrangeté apparente, elles ne sont pas riches de leçons sur
l'éternelle nature de l'homme; par exemple, il est singulier de brûler les prêtres quand ils se sont trompés, mais,
après tout, le sauvage qui agit de la sorte ne nous met-il pas en évidence la très grande responsabilité de celui qui
fait métier de transmettre aux hommes les volontés divines? (Essais, ihici.) Le rôle de l'humaniste est précisément de
dévoiler l'humain et de le libérer en soulevant les masques parfois saugrenus qui le revêtent.
2 La culture universelle.
On comprend dès lors qu'une vaste culture est indispensable à la base de l'humanisme, et
notamment une culture embrassant à la fois beaucoup de temps et beaucoup d'espace, de préférence la culture
ancienne, qui offre à la fois l'avantage de nous dépayser dans le temps et dans l'espace, et pourtant de nous livrer
une littérature qui traite de l'homme suivant des habitudes morales ou psychologiques assez proches des nôtres.
Il
est compréhensible en effet que, si l'on veut mener une enquête sur toutes les croyances et toutes les formes de
vie qui apprennent quelque chose de l'homme, il ne faut pas se borner à quelques observations autour de soi, mais
réserver leur place aux croyances anciennes ou lointaines.
D'ailleurs, ce passé n'est pas mort: l'humaniste croit en
sa présence toujours vivante et inversement il croit que, par l'intermédiaire des textes, il peut vivre auprès des
grands hommes disparus : il a souvent plus vécu avec Socrate, Scipion ou Sénèque qu'avec ses contemporains, non
pas par désir de s'évader hors du présent, mais parce qu'il est convaincu qu'un certain recul dans le temps permet
de mieux saisir l'humain, lequel risque de nous échapper dans les passions de la vie quotidienne.
Il est donc
volontiers historien : « Les historiens sont ma droite balle ».
dit Montaigne (I.
10): certes, l'humaniste ne se livre
pas nécessairement à des recherches historiques (il n'est pas toujours un érudit), mais il trouve dans l'histoire une
assez belle collection de documents sur les croyances et les formes de vie de l'homme.
Du reste, il s'attache surtout
à ces historiens qui accumulent des anecdotes ou des récits moraux, comme Plutarque ou certains chroniqueurs..
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