L'homme peut-il se contenter de travailler en vue du seul gain ?
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«
Pour démarrer
Le travail est-il, pour l'individu, un élément quasi externe à sa personnalité ou bien une forme constitutive de cette
dernière ? Tel est le problème soulevé par cet intitulé, qui nous questionne sur le sens d'un travail lié à la seule
rémunération et à l'argent (et n'envisageant pas la personne).
Conseils pratiques
Définissez bien le verbe pouvoir (idée de possibilité, mais aussi de légitimité) ainsi que le terme travailler (extérioriser
des fins dans le monde, pour le transformer).
Le travail en vue du seul gain n'est-il pas médiocre et limité ?
Bibliographie
HEGEL, La phénoménologie de l'esprit, Aubier, tome 1, trad.
Hyppolite, pp.
155 sqq.
NIETZSCHE, Le gai savoir, Idées-Gallimard, pp.
84 sqq.
; Aurore, Idées-Gallimard.
introduction
• Le sujet accédant aux valeurs se bornera-t-il, légitimement - quand il transforme le réel en vue de produire un
résultat utile - à l'unique projet matériel et pécuniaire ? L'intitulé ici présenté nous questionne, on le voit, sur la
légitimité d'une mise en forme du monde et des choses (puisque ainsi se définit le travail) qui vise essentiellement et
uniquement le profit matériel et pécuniaire.
Travailler en vue de quoi ? Par rapport à quelle finalité ? La question
surgit de l'intérieur même de nos sociétés, du fond d'une culture qui pose l'équation travail/argent à partir d'une
vision peut-être à courte vue.
Travailler, c'est coordonner ses activités en vue de produire un résultat utile et pour
entretenir sa force de travail.
Cette coordination d'activité et cette extériorisation de forces sont-elles simplement
des moyens de vivre ? On remarquera que l'intitulé du sujet est d'ailleurs gros de présupposés et d'intentions.
Loin
d'être innocent, il présuppose quelque peu la réponse à la question : « Peut-il se contenter », nous dit-on.
« Se
contenter de » implique l'idée de bornes, de limites, un horizon restreint...
La question nous invite, au fond, à nous
interroger sur le caractère limité d'un travail uniquement lié au profit économique.
• Quel est le problème soulevé par le sujet ? On peut l'appréhender à partir des interrogations qu'il suscite.
Le travail
est-il pour l'individu le moyen de devenir une personne et d'édifier sa liberté ? Désigne-t-il seulement une nécessité
et une contrainte, une fatalité économique qui échoit à l'homme ou bien représente-t-il le sens même de nos destins
et de nous-mêmes ? En fait, constitue-t-il un élément quasi externe de la formation de la personnalité ou bien une
structure constitutive de nous-mêmes ? Un accident ou bien une substance formatrice du sujet humain ?
A.
Travailler en vue du seul gain semble légitime.
L'homme peut-il se contenter de travailler en vue du seul gain ? La toute première réponse à la question posée exige
un retour en arrière, de manière à mieux dégager et expliciter la nature du travail humain.
Qu'est-ce que travailler ?
En quoi consiste ce processus par lequel l'homme humanise la nature et la transforme ? Il y a, dans cette idée de
travail, un élément raisonnable et rationnel.
Quand l'homme travaille, il met à distance l'univers de la satisfaction
immédiate, celui du plaisir, de la fête, de la jouissance, il canalise en quelque sorte toutes les puissances qui sont en
lui pour les soumettre à la forme de la raison.
Oui, travailler s'inscrit au sein d'un projet rationnel et c'est le motif
pour lequel, nous allons le voir, l'homme peut légitimement se contenter de travailler en vue du seul gain, tout au
moins en première analyse.
En effet, travailler, c'est refouler l'univers des désirs immédiats et les soumettre à la
rationalité, maîtriser les pulsions.
Or, on remarquera que, de ce point de vue, l'argent est éminemment formateur.
Il
contribue à mettre à distance les éléments irrationnels de la vie.
Il organise raisonnablement notre existence dans le
monde.
Oui, nous pouvons travailler pour l'argent seul, car ce dernier suppose l'apport d'une forme raisonnable dans
le tissu irrationnel de la vie.
C'est bien ce que montre Georges Bataille, en son analyse du travail.
« Le travail exige
une conduite où le calcul de l'effet, rapporté à l'efficacité productive, est constant.
Il exige une conduite
raisonnable, où les mouvements tumultueux qui se délivrent dans la fête et, généralement, dans le jeu, ne sont pas
de mise.
Si nous ne pouvions réfréner ces mouvements, nous ne serions pas susceptibles de travail, mais le travail
réintroduit justement la raison de les réfréner.
Dès les temps les plus reculés, le travail introduisit une détente, à la
faveur de laquelle l'homme cessait de répondre à l'impulsion immédiate, que commandait la violence du désir.
»
(Georges Bataille, L'Érotisme, Minuit, p.
47).
Pour Bataille, l'homme se définit par un double être de négation : il nie la nature, le donné naturel et se nie luimême.
L'homme n'est pas un animal comme les autres puisqu'il ne se satisfait pas du donné naturel.
Lorsque Bataille
dit qu'il le nie, il signifie qu'il le modifie, le transforme.
En d'autres termes, l'homme est un être qui se construit un
monde.
L'homme est un être de technique qui n'est pas nécessairement adapté au monde qui l'entoure mais qui
adapte ce monde à ses besoins.
Il y a donc une différence radicale entre le monde naturel et le monde culturel
humain.
Mais cette négation ne porte pas simplement sur le monde extérieur, elle porte également sur l'homme luimême puisque tout individu quitte cette naturalité première qui fait de lui simplement un être de besoins.
L'homme
n'est pas qu'un être de besoins, en quoi son éducation fait qu'il ne vit pas seulement selon ses pulsions ; par
exemple, l'éducation consiste à apprendre à vivre ensemble et donc à différer ses désirs.
Bataille montre alors le lien
entre ces deux négations simplement parce que la négation du donné naturel est aussi négation de sa propre.
»
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