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l'homme n'est-il un être moral que parce qu'il vit en société

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« L'homme n'est-il un être moral que parce qu'il vit en société ? I.

— INTRODUCTION. Dire que l'homme « n'est moral que parce qu'il est social », c'est poser le problème de l'origine de la vie morale et admettre que cette dernière résulte des contacts sociaux et non de la manifestation spontanée d'une conscience morale innée dans chaque individu. Pour savoir ce qu'il faut retenir de cette thèse, commençons par définir l'être moral, puis recherchons si ses manifestations sont le fait de la libre volonté, si elles découlent de la claire conscience et des vertus propres de l'individu ou bien si elles trouvent leur source dans l'obligation pour l'homme de vivre en contact étroit et harmonieux avec ses semblables. La question à résoudre se résume à savoir si le moral précède le social ou s'il en est la conséquence. II.

— QU'EST-CE QUE L'ETRE MORAL ? Les hommes ont une tendance générale à régler leur conduite selon des idées de bien, de devoir, de responsabilité, même s'ils mettent très différemment en pratique ces notions.

Par ailleurs, la vie sociale oblige les humains à se conformer à certains préceptes.

L'individu qui observe ces règles, après les avoir reconnues justes et utiles, est tenu pour un être moral. Il présente les caractères suivants : Il se révèle d'abord capable de se diriger spontané-' ment et sans contrainte extérieure vers le bien, c'est-à-dire, d'adopter une conduite indépendante, dans la plénitude de son libre arbitre. Ensuite, il suit les conseils de sa raison, se conforme à eux tout en respectant les règles de conduite qu'impose la vie sociale. Enfin, il organise sa conduite sociale en fonction d'un idéal humain. Une telle conduite est possible parce que le social prime dans l'homme. La société préexiste à l'individu.

Elle est comme une réalité qui s'impose à lui dès sa naissance et le domine toute sa vie.

L'homme totalement isolé ne se conçoit pas.

Il s'en suit que l'individu est constamment requis par les nécessités de la vie en commun ainsi que par les fatalités de la nature.

Il se trouve modelé, à la fois, par le milieu social et.

par le milieu biologique.

L'individu représente le commencement et la fin du social puisque toute vie collective est organisée à partir et en fonction de l'individu. L'influence sociale domine l'individu et le modèle sérieusement. Le milieu social lui confère une éducation spontanée qui se fait par l'imitation, l'exemple du milieu familial et du milieu social.

Il s'initie automatiquement aux coutumes, usages, traditions, rites, sociaux et, religieux, pratiques professionnelles.

Cette initiation se pratique par la presse, la radio, le cinéma, les journaux, les livres, le théâtre, la littérature. Le milieu social organise à l'intention de l'individu une éducation méthodique qui se transmet dans toutes les écoles.

Enfin, des lois et règlements codifient les droits et les devoirs de l'individu dans la société où il vit. Selon la thèse sociologique, la morale serait un produit social.

L'être humain solitaire deviendrait forcément égoïste et n'obéirait qu'à ses seuls besoins. C'est donc la cellule sociale qui transforme l'animal humain en personne humaine. Il est clair que des lois morales, sont indispensables à l'existence de la société.

Une société dont les membres chercheraient à se nuire serait condamnée à disparaître. D'autre part, reflétant la société où elles s'imposent, les lois morales changent avec elle.

Il existe des liens étroits entre la structure sociale, l'état de civilisation plus ou moins avancé et l'échelle des valeurs morales.

Le code moral varie avec les sociétés.

Il change comme la législation.

C'est parce que les idées des peuples sur le bien et le mal, sur le juste et l'injuste ont évolué, que les lois à leur tour, se sont modifiées et améliorées. Ainsi, la société monarchique engendra le respect de l'autorité; l'amour de la tradition, de l'ordre immuable, alors que la démocratique a développé le goût de l'indépendance, de l'initiative, de la tolérance. On va même jusqu'à expliquer les vertus individuelles par la vie sociale.

Jadis, le courage du guerrier était utile au clan et à la tribu.

C'est parce que la tempérance est nécessaire à la conservation de l'espèce que l'intempérance est dénoncée par la morale.

Stuart Mill écrivait même : « Honneur à ceux qui peuvent renoncer pour eux-mêmes aux jouissances de la vie.

afin d'augmenter la somme .

de bonheur de l'humanité ! » III.

— RÔLE DE LA CONSCIENCE MORALE PERSONNELLE. Cependant, la conception d'une morale d'origine purement sociale semble diminuer la valeur même de la nature humaine, d'où la thèse d'une conscience morale innée, conférant à l'homme le sentiment profond de l'existence du bien et 'du mal. - Selon cette dernière, la voix de la conscience se manifesterait, en général, par une inquiétude avant l'action et même après puisque nous nous demandons si nous avons bien ou mal agi et nous ressentons alors satisfaction ou regret. Si la vie sociale oblige l'homme à se conformer à certaines règles de conduite, on ne peut pas prétendre pour autant que l'homme n'est un être moral que parce qu'il obéit à ces consignes morales.

Une action ou une abstention motivée par la crainte des sanctions ou la peur de l'opinion ne caractérise pas la vie morale. Certains devoirs personnels semblent n'avoir d'autres fins qu'eux-mêmes.

C e qu'on a d'abord aimé et voulu comme moyen finit par être érigé en fin.

La pureté a été conçue comme absolue par Saint François d'A ssise et Sainte Thérèse d'A vila.

Si la sincérité est utile du point de vue social parce qu'elle clarifie les relations entre les hommes, pour A.

Gide, elle se justifie surtout par des raisons de dignité personnelle.

La tempérance, elle aussi, apparaît souhaitable pour des raisons de dignité personnelle autant que pour la préservation de la santé sociale.

La valeur intellectuelle, si elle permet le développement économique et social, est aussi recherchée par fierté personnelle.

« C'est donc », dit Jacob, « qu'il existe en fait, une morale individuelle qui ne consent pas à se confondre avec la morale sociale, et qui pose les devoirs qu'elle formule, non comme .des moyens, mais comme des fins.

» A mesure que les facultés humaines se développent, elles donnent à l'homme le sentiment qu'il est un être supérieur, infiniment respectable.

C 'est, sans doute, ce sentiment qui l'a poussé à condamner moralement d'abord, puis, juridiquement, l'esclavage et le servage.

C'est encore lui qui fait que l'homme moderne tolère, mal le salariat et condamne l'exploitation de l'homme par l'homme. On peut, d'ailleurs, dire qu'il s'est produit un renversement des relations entre le moral et le social.

Jacob dit : « D'abord, la société s'imposait à l'individu et avec les besoins collectifs, lui créait des devoirs.

Ensuite, lorsque grandit la conscience individuelle, ce fut elle qui soumit la cité à son idéal.

» L'oeuvre de Gide, depuis les Nourritures Terrestres, se présente comme une révolte contre la morale imposée à la jeunesse par les Sociétés et particulièrement les familles.

- Saint-Exupéry formule une morale utile certes, à la Société, mais surtout indispensable à l'Homme qui veut se grandir et se sauver. IV.

— CONCLUSION. Ainsi, la morale a des origines sociales.

Elle n'est nullement immuable puisqu'elle dépend du degré de civilisation.

autres et de soi-même.

Dans un de ses Propos, Alain écrit : L'individu ne se trouve pas anéanti pour autant devant une société qui aurait sur lui tous les droits car il est à la fois déterminé et déterminant. La morale apparaît comme une conséquence de la vie en société et aussi comme un moyen de se dépasser soi-même.

La collectivité s'impose souvent à l'individu.

Mais au-dessus de tout, nous plaçons notre dignité d'homme.

C'est pourquoi, il vaut mieux conclure à la manière de Jacob : « Puisqu'il existe un idéal humain que la société rend possible, mais qui la dépasse, il existe aussi une morale individuelle, un ensemble de devoirs qui s'impose à chacun de nous à l'égard du Génie que, selon les Stoïciens, chacun de nous porte en soi.

». »

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