L'homme n'est-il qu'une abstraction ?
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— L'homme n'est-il qu'une abstraction ? Les problèmes épisté-mologiques qui viennent d'être évoqués
conduisent à une question méthodologique de fond dont les implications philosophiques sont décisives :
comment aborder la diversité effective des hommes, saisis dans leur existence réelle ? Y a-t-il vraiment une
psychologie, une histoire, une ethnologie ? Si oui, à quel niveau de généralité pourra-t-on en définir les objets
respectifs ? Ces questions sous-tendent et renouvellent les discussions classiques sur l'existence d'une nature
humaine.
Lorsque Marx et Engels reprochent à la philosophie classique allemande de parler de « l'homme en
général » et signalent qu'il n'existe en fait que des hommes, historiquement déterminés et vivant dans des
conditions particulières (cf.
L'idéologie allemande, première partie), ils ne font pas autre chose que souligner les
difficultés épistémologiques des sciences humaines, saisies au niveau de la définition même de leur objet.
Lorsque Malinovsky reproche à Freud d'avoir fait du complexe d'oedipe une structure universelle, il met en
relief le même type de difficulté.
Aristote affirmait : « Il n'y a de science que du général ».
On peut se demander,
à la limite, si les sciences humaines peuvent être constituées dans le cadre d'une telle définition.
L'enjeu d'une
telle question montre la nécessité d'une élucidation rigoureuse des présupposés, des conceptions préalables qui
animent toute démarche à prétention explicative.
Le propos de l'étude scientifique de la réalité humaine est-il de
ramener une diversité de fait à l'universalité d'une explication obtenue par « réduction des différences », ou bien
de prendre cette diversité comme une donnée fondamentale et irréductible ? Ces deux démarches peuvent-elles
être conciliées dans une entreprise théorique qui comporterait à la fois des concepts généraux (valable pour
toute réalité humaine) et des concepts spécifiques (c'est-à-dire propres à des phénomènes particuliers et
irréductibles) ?
— Il ne faut pas se masquer la difficulté de telles questions, dont les enjeux politiques et idéologiques sont par
ailleurs très importants.
Le temps n'est pas si loin où la différence des cultures, thématisée comme hiérarchie
alimentait la justification du colonialisme ou du néocolonialisme.
La façon dont une classe sociale peut «
reconstituer », travestir ou malmener l'histoire réelle lorsqu'elle y a intérêt nous renseigne assez sur les difficultés — et les enjeux — d'une élucidation historique objective des événements.
L'histoire
s'écrit autant au présent qu'au passé.
La vigueur des données idéologiques qui l'investissent consciemment ou
non ne la disqualifie pas comme science ; elle doit bien plutôt être un argument de plus pour le maintien (ou la
formation) de l'esprit critique.
L'historien peut-il faire l'économie d'une réflexion sur les représentations qui le
conditionnent et sur les implications de sa démarche ? Peut-il même espérer résoudre les questions
méthodologiques propres à sa discipline sans les resituer dans un tel contexte ? Cela semble bien difficile..
»
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