l'homme ne désire-t-il que ce dont il a besoin ?
Extrait du document
«
J'ai soif, j'éprouve le besoin de boire, mon corps me dicte cette nécessité impérieuse.
En revanche, pour étancher
cette soif, si je commande une bière plutôt qu'un jus d'orange (ou l'inverse !...), ce choix ne m'a pas été dicté par
mon corps, car l'eau aurait pu tout aussi bien faire l'affaire.
Boire lorsqu'on a soif répond à un besoin, mais boire
quelque chose d'agréable qu'on préfère à tout autre chose répond à un désir.
La distinction entre le besoin et le
désir est d'abord celle de la nécessité et de la contingence.
[Le désir est une manière idéalisée d'appeler les instincts.
Le besoin ne se réduit pas aux besoins
naturels, mais recouvre
tout ce qui nous est nécessaire pour être heureux.
En ce sens, nous ne désirons que ce dont nous avons
besoin.]
Le désir est un besoin caché
Le désir est un instinct qui ne dépend pas de notre volonté.
Or, le propre de l'instinct, c'est de suivre les lois
de la vie et de la nature.
Ainsi, sans en être conscient, je désire ce qui est nécessaire à ma conservation,
donc ce dont j'ai besoin.
La Nature n'a d'autre sens que sa perpétuation, ce qui se traduit chez les espèces
animales par le mécanisme de la reproduction.
Belle raison de vivre pour la belle âme humaine ! Si l'on savait la
vérité, l'espèce humaine s'éteindrait en peu de temps.
La volonté de la Nature est donc que l'individu soit la
due de l'espèce.
D'où les illusions : le noble sentiment amoureux n'est qu'une ruse de l'instinct de
reproduction, selon Schopenhauer : « Ainsi chaque amant se trouve-t-il leurré après l'achèvement du grandoeuvre, car le mirage a disparu, qui faisait de l'individu la dupe de l'espèce.
» La recherche du bonheur est
l'illusion suprême qui résume toutes les autres : l'individu s'imagine être une fin en soi, alors qu'il n'est qu'un
moyen de l'espèce.
Et le même auteur d'ajouter : « Il n'y a qu'une erreur innée : celle qui consiste à croire
que nous existons pour être heureux.
» Toute notre activité est soumise à cette illusion et, à travers elle, à
cette volonté rusée qui anime souterrainement notre vie consciente.
Être heureux est un besoin
Le besoin est ce qui est nécessaire à notre existence, à notre conservation et à notre épanouissement.
Les
besoins humains ne se limitent pas aux besoins physiologiques tels que respirer, manger, copuler.
Ce sont
aussi des besoins sociaux (parler, s'intégrer à un groupe), culturels (défendre des valeurs), psychologiques
(avoir son propre style de vie), spirituels, etc.
L'homme ne désire donc, au sens large, que ce dont il sent
avoir besoin pour être heureux.
Pour Aristote, le bonheur est la fin suprême, au-delà de laquelle on ne saurait
penser d'autres fins.
Il a donc une valeur de bien en soi.
Mais il ne
réside ni dans la recherche effrénée de plaisirs, ni dans la bonne fortune
(la chance), mais dans l'activité raisonnable et maîtrisée qui prend
comme fin l'accomplissement plénier de soi-même en accord avec la
vertu.
La plupart des hommes ne pouvant mener une vie conforme à la
vertu intellectuelle de la sagesse et atteindre ainsi dans la vie
contemplative le Souverain Bien, doivent agir selon la vertu de
prudence (« phronésis »), en évitant les deux extrêmes de la démesure
et de l'inertie.
Il s'agit donc de discerner dans chaque situation où est
le juste milieu (médiété) de manière à combiner harmonieusement le
souhaitable et le possible.
Le juste milieu doit se rechercher aussi bien
pour les états affectifs ou passions (ainsi le courage est le juste milieu
de la témérité et de la peur) que pour les actions (ainsi la libéralité est
le juste milieu de la prodigalité et de la parcimonie).
Une telle sagesse pratique unit étroitement l'aspiration au bonheur et la
vertu.
Prendre comme fin suprême une amélioration de soi, viser des
actions les meilleures possibles, n'exige pas le renoncement à tous les
plaisirs.
Le désir varie selon les besoins
Le désir est différent en chaque individu.
Tel, pour être satisfait, doit rester célibataire, tel autre doit être
marié et avoir de nombreux enfants.
On ne désire donc pas ce que les autres désirent, mais ce qui nous
contente personnellement, c'est-à-dire ce dont on a besoin pour être heureux selon sa propre nature.
En
effet, si tous les hommes s'entend sur le mot, ils s'entendent fort peu sur la chose: tous appellent bonheur ce
qu'ils désirent mais tous ne désirent pas les mêmes choses..
Comment le pourraient-ils si le bonheur ne
désigne que la chose manquante à leur désir..
»
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