l'homme, être doué de raison, doit-on le définir par la conscience ?
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Introduction
L'homme semble être le seul être vivant à posséder un langage articulé, ainsi qu'un réseau permanent de signes,
extérieur à lui-même.
Ces caractéristiques viennent de l'exercice de sa conscience, comme perception de soi et de
l'extériorité du monde.
Dès lors, l'unicité de cette conscience ne pourrait-elle justifier une définition essentielle de l'homme
basée sur cet état psychologique ? Et s'il nous faut prendre en compte la dimension pratique d'activité de la conscience,
peut-être pour concevoir une définition à partir d'elle faut-il penser la conscience comme un accomplissement de l'essence
humaine, guidé par sa raison ? A moins qu'un tel accomplissement ne soit qu'une illusion de cette même conscience,
éloignant alors définitivement toute possibilité de définition...
?
I La conscience comme essentielle à l'homme : Descartes et Husserl
- Descartes : le cogito permet à l'homme de découvrir un élément fondant la certitude
de son existence, à savoir la conscience (Discours de la méthode).
Celle-ci apparaît dès
lors non comme un élément marginal de l'existence, mais comme le principe même de
toute existence humaine, celui qui permet à l'homme de trouver sa place dans la
création et de connaître la nature de celle-ci.
Ceci permet à Descartes de définir
l'homme comme substance pensante, ou "consciente" au sens d'une conscience
réflexive.
- Husserl : l'homme se constitue comme humain par la structure de la conscience,
conçue selon la relation de l'intention, qui permet à l'homme d'avoir un accès au
monde extérieur en tant qu'extérieur ( Méditations cartésiennes).
C'est cette structure
qui définit son mode d'existence et de connaissance, et le statut même du monde qui
lui fait face.
L'homme se distingue donc par la conscience, en un sens génétique (la
conscience produit sa propre distinction), du monde qui l'entoure.
II La conscience comme spécification insuffisante ? Leibniz et Kant
- Cependant, le simple fait psychologique de la conscience semble mince pour définir
l'homme, et le distinguer de l'animal.
La conscience serait un degré spécifique de
perception, d'une nature différente de la perception animale.
Leibniz ne pense pas
ainsi l'élément distinctif qui définit l'homme : il ne saurait s'agir pour lui d'une
conscience purement psychologique, mais d'une conscience morale déterminant le bien
et le mal (La Monadologie).
Cette conscience, Leibniz lui donne le nom de responsabilité : ce qui définit l'homme, et le fait
participer au royaume de Dieu, c'est cette responsabilité.
- Kant partage cette conception de la conscience morale comme élément spécifique définissant l'homme.
Mais comme le
fera Husserl pour la conscience psychologique, il recherche une conception génétique de cette "responsabilité", accordée
par Dieu à l'homme selon Leibniz.
Pour Kant, l'homme est susceptible de la produire par l'exercice de sa raison : la
conscience morale consiste d'ailleurs dans cette auto-imposition consciente d'un devoir universel.
Cette "responsabilité"
génétique est ce qui définit la nature humaine (Critique de la raison pratique).
III La conscience ne peut fournir aucune essence, ni en être l'objet : Nietzsche et Bergson
- Nietzsche ne pense pas que l'homme puisse se définir positivement par cette conscience morale, car celle-ci corrompt à
ses yeux la puissance naturelle de l'individu humain.
L'homme se distinguerait ainsi seulement négativement comme étant
le seul être capable de "mauvaise conscience", de culpabilité, ce retournement contre lui-même (La Généalogie de la
morale).
La conscience serait par conséquent incapable de fonder la moindre définition substantielle de l'homme, ne
pouvant témoigner que de ses corruptions.
- Bergson tire les leçons de cette incapacité fondatrice de la conscience : si la conscience
ne peut faire connaître que les négativités humaines, c'est parce qu'elle est elle-même
un instrument sélectif, critique, négatif, inapte à fournir la moindre définition réelle.
La
conscience réflexive rationnelle est ainsi déformation du réel, oubli du devenir irréductible
de la réalité et de son mouvement, pour venir rigidifier et spatialiser ce dernier (La pensée
et le mouvant ).
La conscience ne saurait définir l'homme, car sa nature particulière lui
interdit toute formation de définition.
Conclusion
-L'homme ne peut se définir par la conscience.
-La conscience ne peut pas simplement se confondre avec son état psychologique : elle
est une activité rationnelle comportant en elle-même sa propre exigence, celle de se
fonder comme conscience autonome, visant ainsi une essentialité humaine qui pourrait
servir pour une définition de l'homme.
-Mais cette essentialité est un leurre : le travail critique de la conscience n'a pas de fin.
La conscience n'est tout simplement pas capable de constituer ni de connaître une
essence stable de l'homme : elle est fondamentalement une dénaturation, une activité
culturelle de transformation de sa nature initiale, qui est une oeuvre de la raison, laquelle
ne s'identifie pas à la conscience..
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