l'homme est-il responsable de l'avenir ?
Extrait du document
«
Discussion :
La question posée renvoie en partie à la place de l'homme dans l'histoire, à savoir s'il est un acteur ou alors s'il est
un facteur ?
Dans la mesure où l'homme vit dans le temps et l'espace, sa présence influe sur le cours des choses.
L'homme est
inscrit dans l'histoire, c'est-à-dire dans le passé, comme dans le futur.
Il convient cependant de discuter la
pertinence du mot « responsable » dans une question comme celle-ci.
Suggestion de plan :
I.
Une responsabilité d'homme parmi les hommes
La question posée renvoie directement à la question même de l'homme.
J-P.
Sartre,
l'existentialisme est un
humanisme : « L'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans
l'avenir.
» Pour Sartre, l'homme est à inventer ainsi il n'est jamais au présent ; il est une projection vers l'avenir.
Puisque l'homme doit lui-même décider de ce qu'il doit être, alors, dans un sens, il décide pour les autres puisque la
décision qu'il prend pour lui influe nécessairement sur les autres.
Par conséquent pour Sartre se choisir c'est une
immense responsabilité.
Sartre : "L'homme, étant condamné à être libre, porte le poids du monde entier sur ses épaules : il est responsable
du monde et de lui-même [...] en ce sens, la responsabilité du pour-soi est accablante."
Cette affirmation paradoxale est au centre de la philosophie sartrienne qui s'efforce de concilier deux approches
partielles de la réalité humaine que l'opinion commune juxtapose sans en dégager la portée véritable : conscience de
toutes les déterminations auxquelles il est difficile, voire impossible d'échapper, et affirmation pourtant de la
responsabilité pleine et entière de ce que l'on est.
Il ne faut pas interpréter cette formule dans un sens stoïcien.
Pour le stoïcisme, l'esclave peut être beaucoup plus
libre que le maître ; certes, il ne fait rien de ce qu'il veut, mais il connaît la plénitude de la liberté intérieure ; il est
maître des choses par le jugement qu'il pose sur elles.
Or ce n'est pas ainsi que Sartre pose le problème ; d'abord, il
refuse à l'existence humaine tout fondement métaphysique (Dieu, les Idées, l'Inconditionné) ; il se place d'emblée au
niveau de la conscience dans sa réalité subjective.
Mais il considère que la conscience n'existe pas en soi : « Toute
conscience est conscience de quelque chose » et « l'existence pour l'homme précède l'essence » ; le terme même
d'existence révélant ce mouvement de sortie de soi (de l'intériorité).
Il n'y a pas d'âme, pas d'essence qui tantôt imagine, tantôt veut, tantôt agit, tantôt perçoit : l'homme n'est pas
son âme (sa pensée), il n'est que ce qu'il fait.
Ce n'est pas dans le rapport de l'être et de la volonté que se situe la
liberté humaine, puisque l'être peut se définir comme projet.
Si l'on n'est que ce que l'on veut, ce que l'on projette
d'être, comment ne pas faire ce que l'on veut?
L'esclave, pour Sartre, est libre mais pas du tout au sens où l'entendent les Stoïciens, car il est absurde d'opposer
la liberté intérieure et la liberté de l'action.
L'esclave a dans l'action même, un choix à effectuer : il peut se lancer
dans la révolte, il peut choisir de se donner la mort, tenter l'évasion.
Il peut aussi choisir la servitude.
Pourtant, l'objection paraît évidente ; l'esclave ne choisit pas sa condition d'esclave.
«On ne fait pas ce que l'on
veut».
C'est-à-dire que nous sommes contingents ou que la vie est absurde.
Nous sommes en effet façonnés par un
monde historique que nous ne choisissons pas ; nous sommes nés à une époque donnée dans un contexte social
donné, et nous n'y pouvons rien.
S'il a 20 ans quand la mobilisation générale l'envoie au front combattre l'ennemi,
pèse sur lui une série de contingences : c'est un homme, on ne mobilise pas les femmes dans son pays, il est
citoyen d'un pays en guerre, donc mobilisable et à ce titre, tous ses projets sont suspendus, et il court même le
risque absolu : celui de sa mort.
Si tu avais été juif en 1936 en Allemagne, c'est en tant que juif que tu aurais été, que tu le veuilles ou non,
déterminé au pire sens du terme, objet de menaces, de pressions...
là aussi jusqu'à la mort.
D'une manière plus
profonde, plus insidieuse parce que plus intérieure, je ne me choisis pas : je suis petit ou grand, laid ou beau,
intelligent ou stupide, je ne peux rien changer dans mon hérédité, de mon passé, de mon enfance.
« On ne fait pas ce que l'on veut » signifie simplement que l'on ne choisit ni le monde dans lequel on se trouve jeté,
ni sa propre personne.
C'est ici que s'ouvre le champ de la liberté, la faculté de se choisir non « dans son être» mais
dans «sa manière d'être», c'est-à-dire dans la façon dont « j'assume » mon être.
La liberté n'est pas le privilège de
quelques-uns, ce n'est pas une conquête, on ne peut pas ne pas être libre : on «est condamné à être libre».
Rappelons l'exemple précédent : celui qui a 20 ans quand survient l'ordre de mobilisation est libre de déserter, de se
suicider, donc de proclamer que cette guerre n'est pas la sienne et qu'il ne la veut pas.
C'est «la bonne conscience», le conformisme, la peur de l'engagement personnel qui se masquent sous les mots de
devoir, de légalité et de nécessité.
Dans une guerre, si l'on excepte les enfants, « il n'y a pas de victimes.
»
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