L'Homme est-il réductible à sa culture ?
Extrait du document
«
Que ce passe-t-il si l'on réduit l'homme à sa culture? Entendons le mot culture dans ses deux sens.
On peut partir
d'un fait simple: la culture de la terre.
Il y a, à la base, quelque chose de naturelle, de donné, qui est la terre.
Puis
l'homme en extrait les potentialités par une pratique qui lui est propre.
Ainsi, l'agriculture exploite des ressources
naturelles en vue d'en acquérir un produit propre, allant parfois jusqu'à réinventer ces ressources qui lui sont
données au tout départ.
Peut-être pouvons-nous voir l'homme de la même manière: il y a un substrat humain à la
base: l'homme est un être naturel, il appartient à l'ensemble des êtres vivants qui vivent sur terre.
Mais il développe
à partir de ce substrat, des facultés, des capacités qui lui sont propres, il développe des potentialités qui ne sont
sont qu'en puissance en lui (comme le langage, l'art...).
En ce sens, la culture est un processus commun à tout
homme.
Mais d'un autre côté, l'homme exploite ou réinvente sa nature de manières différentes à travers la surface
du globe.
Un rapide coup d'oeil sur notre planète nous entraîne rapidement à apprécier une multiplicité de cultures
qui parfois peuvent même entrer en conflit, comme si au fond sommeillées en elles des différences irréductibles.
On
se pose donc la question de savoir si ce vecteur d'actualisation de facultés qu'est la culture est l'essence même de
l'homme, à savoir ce qui le différencie également de toute autre espèce? Mais puisque ce vecteur d'actualisation se
différencie selon sa localisation spatio-temporelle (on apprend pas le même langage, la même tradition d'un bout à
l'autre de la planète), on peut se demander également si l'homme avant d'être un individu n'est pas un pur produit
de ce vecteur, une pure construction de sa culture propre.
Mais y a-t-il encore un sujet si le sujet est justement
égal à la somme des influences de son milieu? Entendons: suis-je encore un individu propre si je me réduis à ce que
sont tous les autres, si je peut être défini par le fait d'être chrétien, musulman ou hédoniste? N'y a-t-il pas le risque
ici de perdre l'individu et la liberté que cette posture singulière, particulière implique?
I.
Kant: Le moi nouménal
Dans sa Critique de la raison pure, Kant se pose l'une des questions
suivantes, qui selon lui définit en propre la philosophie: « Que puis-je
savoir? ».
En effet, tout ce que l'homme voit, perçoit, il le perçoit à
travers l'espace et le temps, il ne peut sortir de cette posture.
Cet arbre
au bout du chemin, cette fille au pas léger dans la rue, ce chien qui
jacte derrière les barreaux du portail: je les vois toujours dans l'espace
et le temps.
Et c'est cela que l'on nomme phénomène: ce qu'on saisit à
travers ces filtres de la perception, ces formes a priori de la sensibilité
que sont l'espace et le temps.
Mais que devient cet arbre au bout du
chemin une fois que je m'en éloigne? Qu'est-il en dehors de l'espace et
le temps? Car si je le vois à travers ces formes a priori de la sensibilité,
qu'est-il réellement en soi, et non cette fois-ci pour-moi?
Ce qu'est une chose en soi, indépendamment de ma perception, c'est ce
que Kant nomme une noumène.
Or de connaissance nouménale, nous
n'avons pas.
Cependant, il faut retourner le raisonnement: en effet,
lorsque j'ai conscience de moi, j'en ai toujours conscience au moins à
travers le temps.
Lorsque je me retourne sur moi-même, j'ai conscience
de ce flux de pensées qui passe en moi, d'un déroulement d'états de pensées passant les uns dans les autres: le
temps est donc impliqué dans ce passage d'un état d'esprit à un autre.
Il y a ainsi une part de moi qui n'est pas
phénoménale mais bien nouménale, une part que je ne perçois pas et qui subsiste en dehors du temps.
Admettons que je me retrouve devant un distributeur de boisson: j'insère une pièce parce que cette canette en
vitrine me donne envie; elle me donne envie parce que j'ai soif; j'ai soif parce que j'ai couru il y a vingt minutes pour
attraper mon bus; j'ai couru car mon réveil ce matin n'a pas sonné...
Quoique je fasse, je peux toujours remonter la
séries des causes et des effets, et ce, à l'infini.
Tant est si bien que, me retrouvant face à un criminel, je peux dire
qu'il a eu ce geste en raison d'un certain trouble psychologique; qu'il a ce trouble de part sa mère qui le battait; elle
le battait parce que...
On l'a compris, tous mes gestes peuvent s'expliquer par la séries des causes efficientes qui le
précèdent.
Je suis ce que je suis, fais ce que je fais en raison de causes qui agissent sur moi.
Tant et si bien que je
ne suis que le pantin des causes phénoménales qui me traversent de part en part et qui agissent sur moi.
Je me
réduis à ce qu'elles me « commandent » de faire.
Mais il y a pourtant une part de moi selon Kant qui échappe à tout
cela: le moi nouménal, inatteignable par ce qui n'est que de l'ordre du phénomène.
Cette partie de moi peut donc
instiguer dans le monde une série de mouvement, de comportement, qui ne sont pas déterminés en amont par des
causes.
Je suis la première cause de cette série d'action que je génère dans le monde et qui échappe à toute
emprise.
La liberté née précisément en l'homme à partir du fait même qu'une part de lui est transcendante.
Son
milieu peut le conditionner, sa culture le déterminer, une part de lui est ailleurs, hors de la sphère de
« contamination ».
II.
Quine: une histoire de lapin
Dans son ouvrage Le mot et la chose, le philosophe américain Quine utilise l'exemple d'un linguiste en terrain
étranger pour illustrer sa thèse sur l'indétermination de la traduction.
En compagnie d'un autochtone qui ne parle.
»
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