L'homme est-il plutôt celui qui existe ou celui qui vit ?
Extrait du document
«
L'insatisfaction est la mère de tous les vices
Ne pas pouvoir se contenter de ce dont on a besoin pour vivre, voilà qui est à l'origine de toutes les misères.
L'ambition des uns conduit à asservir les autres.
Les violences guerrières, les jalousies, les rivalités, les mensonges
découlent de désirs toujours renaissants parce que jamais satisfaits.
Renoncer à ses désirs est le commencement de la sagesse
Le corps, pour Platon, est le tombeau de l'âme.
Il faut apprendre à s'en détacher.
"Tant que nous aurons le corps associé à la raison dans notre recherche et que notre âme sera contaminée
par un tel mal, nous n'atteindrons jamais complètement ce que nous désirons et nous disons que l'objet
de nos désirs, c'est la vérité.
Car le corps nous cause mille difficultés par la nécessité où nous sommes de
le nourrir; qu'avec cela des maladies surviennent, nous voilà entravés dans notre chasse au réel.
Il nous
remplit d'amours, de désirs, de craintes, de chimères de toute sorte, d'innombrables sottises, si bien que,
comme on dit, il nous ôte vraiment et réellement toute possibilité de penser.
Guerres, dissensions,
batailles, c'est le corps seul et ses appétits qui en sont cause; car on ne fait la guerre que pour amasser
des richesses et nous sommes forcés d'en amasser à cause du corps, dont le service nous tient en
esclavage.
La conséquence de tout cela, c'est que nous n'avons pas de loisir à consacrer à la philosophie.
Mais le pire de tout, c'est que, même s'il nous laisse quelque loisir et que nous nous mettions à examiner
quelque chose, il intervient sans cesse dans nos recherches, y jette le trouble et la confusion et nous
paralyse au point qu'il nous rend incapables de discerner la vérité." PLATON
Introduction.
« Le corps est un tombeau » : jouant sur la similitude des deux mots en grec, Platon exprime ainsi le dualisme
profond entre l'âme et le corps.
Exprimé à travers diverses métaphores, l'exil de l'âme dans le corps est ici évoqué
très directement par un violent réquisitoire.
Le corps nous cause bien des soucis, est à l'origine des guerres et nous
empêche de philosopher, ou en tout cas de le faire correctement.
Nous étudierons ces reproches en tâchant à la fois de les rattacher à la pensée de Platon et de nous demander
comment on peut les recevoir aujourd'hui.
Étude ordonnée et intérêt philosophique.
Le texte s'ouvre sur un constat désolant : pas question d'atteindre la vérité proprement dite tant que nous aurons
un corps, donc durant notre vie sur terre.
Notre âme, dit Platon, a contemplé autrefois les Idées du bien, du beau,
du vrai, et doit pour les retrouver faire un effort de réminiscence; mais ce travail est perturbé par le corps, d'emblée
identifié à un « mal ».
La violence du qualificatif ne peut que surprendre un lecteur moderne peu habitué à dénigrer
le corps et surtout habitué à des études neurologiques tendant à ramener l'activité intellectuelle à des processus
corporels.
Pourtant le dualisme de l'âme et du corps est très présent chez Platon et marque fortement toute la
tradition philosophique.
L'objet de nos désirs, dit Platon, c'est la vérité, qu'il nomme un peu plus loin « le réel ».
Deux points doivent ici être
précisés.
Tout d'abord, la vérité évoquée ici est l'Idée de la vérité en soi et pour soi, dont toutes les vérités que nous
pouvons connaître ici bas ne sont que des reflets partiels et dégradés.
La vérité est comme le soleil de l'allégorie de
la caverne alors que la réalité terrestre n'est en fait qu'un jeu d'ombres dont il faut savoir s'éloigner par abstractions
successives.
Ensuite, Platon dit que « nous » recherchons la vérité.
Désigne-t-il par là seulement les philosophes ? Non sans
doute : toutes les âmes ont, plus ou moins enfouis en elles, la nostalgie de l'inconditionné, le désir du beau, du bien
et du vrai.
Mais beaucoup se trompent sur l'objet réel de leur désir.
C'est pourquoi nul n'est méchant volontairement
: ceux qui font le mal ne savent pas vraiment ce qu'ils veulent.
Il n'est pas utile de passer en revue le détail des maux dont nous accable le corps, depuis la nécessité de le nourrir
jusqu'aux passions en passant par la maladie.
La critique de Platon peut nous paraître excessive dans la mesure où
le souci pour le corps peut également réjouir l'âme ; l'amour par exemple peut manifester une union étroite entre le
désir corporel et une communauté spirituelle ou intellectuelle.
Et pourtant l'exemple de la maladie permet de bien comprendre ce que veut dire Platon : la douleur est intolérable
parce qu'elle est en nous comme une présence étrangère.
C'est bien notre corps qui souffre mais par là même il
nous devient en quelque sorte étranger, il ne nous est plus soumis.
Dans les passions comme la peur, nous disons
également que nos jambes se dérobent « malgré nous ».
Enfin, une migraine peut affecter considérablement nos
capacités de réflexion et de discernement.
Ce qui peut choquer c'est que la critique ne soit pas compensée par un
éloge du corps; mais les maux que déplore Platon ne sont pas étrangers à notre propre expérience.
Montaigne.
»
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