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l'homme est-il plus libre en obéissant aux lois de la cité qu'en obéissant a lui seul ?

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« L'homme est-il plus libre en obéissant aux lois de la cité qu'en obéissant à lui seul ? L'homme est un être politique, c'est-à-dire que, au sein du vivre-ensemble, il est contraint d'obéir à des lois.

Or, cette obéissance même à des lois constitue un choix (même s'il est tacite ou implicite) pris par l'individu, au sens où il choisit de lui-même de rester au sein de la cité et de se soumettre à ses lois, même quand celles-ci sont injustes : ainsi, dans le Criton, Socrate préfère obéir à la loi athénienne, qui le condamne à boire la ciguë, plutôt que de s'enfuir.

Or, quel est précisément ce lien entre la liberté individuelle et la contrainte sociale ou politique à laquelle s'astreint cette liberté même autant qu'elle y contribue ? Obéir à la loi de la cité, est-ce renoncer à sa propre liberté, ou bien est-ce épanouir cette liberté dans la modalité spécifique du vivre-ensemble ? La liberté individuelle ne suppose-t-elle pas, en elle-même, d'obéir à des lois, intérieures autant qu'extérieures à sa propre activité ? I.

L'homme atteint sa véritable liberté dans la servitude aux lois de la cité : l'état naturel et l'état social selon Hobbes -L'état naturel est caractérisé par un état de guerre perpétuel : "Homo homini lupus", l'homme est un loup pour l'homme.

Dans cet état, c'est la loi du plus fort qui règne entre les hommes, et de ce fait chaque individu se trouve sur le qui-vive, personne n'est jamais tranquille.

Cet état d'instabilité permanente dessert les intérêts concrets des individus, qui vont décider d'abandonner le droit du plus fort, par simple calcul pragmatique. Il apparaît clairement par là qu'aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tient en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est la guerre de chacun contre chacun... Il existe une certaine similitude entre la situation historique de Jean Bodin (1530-1596) et de Thomas Hobbes (1588-1679), même s'ils ne vivent pas au même siècle et s'ils habitent des pays différents. Bodin vit dans une France déchirée par ces conflits intestins qu'étaient les guerres de Religion.

Hobbes vit dans une Angleterre troublée elle aussi par une guerre civile dont les causes sont à la fois religieuses et politiques.

Dans les deux cas, le principe même de la monarchie est critiqué et le roi atteint dans sa personne.

En France, Henri III est assassiné en 1589 et Henri IV subit le même sort en 1610.

En Angleterre, Charles I' est exécuté en 1649 et Jacques II doit s'enfuir en 1688. Bodin et Hobbes vont s'atteler à une tâche à la fois pratique et théorique.

Il s'agit, pour l'un comme pour l'autre, de soutenir la monarchie au pouvoir ; ce soutien prend la forme d'un ouvrage théorique qui justifie l'autorité quasi absolue du pouvoir en place. Les deux oeuvres sont donc axées sur le concept de souveraineté (autorité politique, puissance de l'État, pouvoir de commander) dont les auteurs affirment qu'elle est indivisible et quasi absolue.

Le parallèle s'arrête là car, pour ce qui est de l'origine de cette souveraineté et ses modalités d'application, les avis de ces deux penseurs politiques diffèrent. Il reste cependant un autre point commun entre les deux hommes.

Leurs idées, fondatrices dans le domaine de la pensée politique, seront utilisées ou réinterprétées pour être mises au service de thèses fort différentes des leurs. Avant d'expliquer ce qui fait la spécificité de la pensée de Hobbes, exprimée principalement dans Léviathan (1651), il est nécessaire de préciser quelques points de vocabulaire. • République (« Common-Wealth » dans la version anglaise et « Civitas » dans la version latine) correspond à ce que nous appelons l'« État ».

Hobbes lui-même donne le mot « State » comme un équivalent. • Souveraineté (ou souverain) est un mot qui, comme chez Bodin, désigne l'âme de la République, en ce sens qu'il exprime l'autorité de l'État, telle qu'elle existe indépendamment des individus.

Le mot « souverain » peut donc, comme le mot « personne » étudié ci-après, se rapporter à plusieurs individus. • Personne est employé dans le sens moderne de « personne morale ».

Cette personne qui détient la souveraineté peut être un individu, une assemblée ou la totalité du peuple.

Quand Hobbes dit que la souveraineté ne peut pas être divisée et doit être détenue par une « personne unique », il envisage ces trois situations (un seul, une assemblée, la totalité du peuple).

Le fait que ses préférences aillent à la monarchie dont le roi détient effectivement le pouvoir (qui s'oppose à la monarchie parlementaire où le parlement détient une part de la souveraineté) ne l'empêche pas de penser que, dans les trois cas, la souveraineté doit être quasi absolue et indivisible. Enfin, dans l'exposé qui précède, nous avons parlé de l'Angleterre, alors qu'en toute rigueur, il aurait fallu parler du Royaume-Uni.

Nous avons suivi en cela, et continuerons à suivre, l'usage populaire.

A strictement parler, le mot Grande-Bretagne convient mieux parce qu'en 1603, Jacques VI Stuart, roi d'Écosse, devient Jacques I" d'Angleterre.

Même s'il faudra attendre 1707 pour qu'ait lieu la fusion des couronnes, on date de 1603 le début du Royaume-Uni. Si l'on devait résumer en une seule phrase l'oeuvre politique de Hobbes, la phrase étudiée ici, qui figure au chapitre 13 de Léviathan, est certainement celle qui conviendrait le mieux : « II apparaît clairement par là qu'aussi longtemps que les hommes vivent sous un pouvoir commun qui les tient. »

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