L'homme est-il homo sapiens ou homo faber ?
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«
L'homme est-il homo sapiens ou homo faber ?
Suffit-il, pour situer l'homme, de le placer, simplement, en tête de la lignée des mammifères supérieurs, en lui
accordant cette primauté parce qu'il se trouve doté d'un caractère, d'une « différence spécifique », qui le distingue
de tous les autres membres de cette lignée, proches et lointains : la rationalité ? La fameuse définition que donne
de lui Aristote : l'homme est un animal doué de raison, équivaut sans doute à une réponse affirmative.
Aussi, peuton se demander ce qui définit en propre l'homme, si par exemple, l'homme est un être capable d'utiliser une
technique.
Mais au fond qu'est-ce qu'une technique ?
La technique peut se définir comme « ensemble de procédés bien définis et transmissibles, destinés à produire
certains résultats jugés utiles ».
La technique se distingue donc de la simple habitude : elle n'est pas simplement
une manière d'agir ou un état d'esprit acquis par la répétition fréquente des mêmes actes mais elle implique au
contraire une représentation rationnelle plus ou moins abstraite.
Mais la technique n'est pas pour autant réductible à
la science puisque cette dernière a pour fin de représenter la réalité alors que la technique se propose de la
transformer.
Ce qui est essentiel dans la notion de technique, c'est le rapport de moyens à des fins (des buts) : une
technique est un moyen ou un ensemble de moyens adapté(s) à une (ou parfois plusieurs) fin(s).
Peut-on réduire
l'homme à la maîtrise de ce procédé ? N'est-il pas quelque chose de plus ?
1) L'homme se définit avant tout par la maitrise d'une technique.
La technique est l'ensemble des procédés dont l'homme se sert pour agir sur les choses et les transformer pour les
adapter à ses besoins.
Le premier outil technique, c'est la main.
Aristote affirme, au contraire d'Anaxagore (premier
philosophe athénien), que c'est parce qu'il est intelligent que l'homme a des mains :
« Anaxagore prétend que c'est parce qu'il a des mains que l'homme est le plus intelligent des animaux.
Ce
qui est rationnel, plutôt, c'est de dire qu'il a des mains parce qu'il est le plus intelligent.
Car la main est
un outil ; or la nature attribue toujours, comme le ferait un homme sage, chaque organe à qui est
capable de s'en servir.
[…] En effet, l'être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le
plus grand nombre d'outils : or, la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs.
Car elle est
pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres.
C'est donc à l'être capable d'acquérir le plus grand
nombre de techniques que la nature a donné l'outil de loin le plus utile, la main.
Aussi, ceux qui disent
que l'homme n'est pas bien constitué et qu'il est le moins bien partagé des animaux (parce que, dit-on, il
est sans chaussures, il est nu et il n'a pas d'armes pour combattre) sont dans l'erreur[.
Car les autres
animaux n'ont chacun qu'un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de le changer pour faire
n'importe quoi d'autre, et ne doivent jamais déposer l'armure qu'ils ont autour de leur corps ni changer
l'arme qu'ils ont reçue en partage.
L'homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il
lui est toujours loisible d'en changer et même d'avoir l'arme qu'il veut et quand il le veut.
Car la main
devient griffe, serre, corne, ou lance, ou épée, ou toute autre arme ou outil.
»
Aristote, Parties des animaux
La nature aurait donné l'outil le plus utile, la main, à l'être le plus intelligent et donc le plus capable d'acquérir un
grand nombre de techniques.
L'homme est donc voué à utiliser des outils.
Nous pouvons alors aller jusqu'à affirmer, avec Bergson que l'intelligence humaine est essentiellement pragmatique
(c'est-à-dire tournée principalement vers l'action) :
« Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions
strictement à ce que l'histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de
l'homme et de l'intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens, mais Homo faber.
En définitive,
l'intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des
objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d'en varier indéfiniment la fabrication.
»
H.
Bergson, L'évolution créatrice (1907)
L'homme, en tant que fabricateur d'outil, parvient à mettre la matière inorganique au service de la vie.
Il serait donc
avant tout homo faber, utilisateur et producteur d'outils, et c'est la possibilité d'un tel rapport médiat au monde
(c'est-à-dire non immédiat, mais qui fait intervenir la réflexion puis l'outil) qui lui permettrait de se le représenter
rationnellement et de se l'approprier.
2) L'homme se définit avant tout par la maîtrise du langage..
»
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