L'homme est-il condamné à être libre ?
Extrait du document
«
Chaque homme possède une expérience sinon un désir de liberté.
Le mot est en effet employé couramment dans
notre société : liberté d'expression, d'opinion.
Pourtant le concept est difficile à définir précisément justement peutêtre parce qu'il concerne des domaines et des champs divers et variés : la liberté politique, morale, d'action… A son
origine, le terme venait du latin liber qui dans son sens usuel désigne l'absence de contrainte.
Or, le sujet qui nous
est proposé ici semble paradoxal.
Si la liberté se définit par la possibilité de ne pas être contraint, existe-t-elle
encore si elle est issue d'une condamnation.
En effet, condamner quelqu'un, c'est le déclarer coupable mais aussi
l'obliger à quelque chose.
Ici cela voudrait dire que l'homme ne pourrait pas choisir la liberté et donc ne serait pas
libre.
Pourtant, cette expression, employée originellement par Sartre, ne signifie qu'un autre être condamne l'homme
mais plutôt que ce dernier est toujours et irrémédiablement libre.
Mais la liberté est-elle vraiment une donnée
première ? L'homme ne peut-il pas être aliéné sans en avoir conscience ? Ne peut-il pas renoncer à sa liberté ? La
liberté n'est pas plutôt une conquête ?
La liberté n'est pas une obligation extérieure
- Comme nous l'avons dit, il y a une contradiction dans l'énoncé même de l'expression « condamné à être libre ».
En
effet, l'expérience simple d'un comportement libre enseigne qu'il n'est soumis à aucun empêchement : être libre c'est
faire ce que l'on veut.
On retrouve là une signification première du terme, qui dans l'Antiquité, désigne bien le statut
du citoyen, par opposition à l'esclave.
La définition la plus commune et la plus évidente est la suivante : être libre,
c'est ne pas être esclave, ne pas être prisonnier, ne pas être dépendant, ne pas être contraint.
En résumé, c'est pouvoir choisir, comme bon me semble, entre plusieurs possibilités qui s'offrent à moi, à tel ou tel
moment de ma vie.
- Or, le terme « condamner » renvoie à la situation d'un prisonnier, d'un homme reconnu coupable auquel on oblige
d'effectuer une certaine peine.
La condamnation semble venir d'une tierce personne, reconnue apte à juger.
Or, si la
liberté est une sanction à laquelle on ne peut pas échapper, il semble alors que l'on ne peut pas choisir d'être libre
ou de ne pas l'être.
La liberté serait à sa base une obligation et ne serait plus alors une liberté sans contrainte, en
tant que possibilité que j'ai de choisir.
La liberté me serait imposée mais alors elle ne serait pas première dans
l'existence de l'homme.
- Enfin, il n'est pas sûr que la liberté est une donnée première pour l'homme.
Le sujet, ici, sous-entend que l'homme
ne peut pas ne pas être libre et que la liberté est une donnée première, fondamentale de l'individu.
Or, cette
prétendue présence de la liberté n'est-elle pas une illusion, une ignorance.
Spinoza déjà s'élever contre cette idée.
Il affirmait dans Ethique que « « Les hommes se trompent en ce qu'ils se croient libres ; et cette opinion consiste en
cela seul qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés.
» Kant,
dans Qu'est-ce que les lumières, voit dans l'enfance, une minorité, c'est-àdire une incapacité à se servir de son entendement, c'est pour cela que
l'éducateur doit faire preuve d'autorité, décider à la place de l'enfant qui ne
peut pas encore faire son plan de conduite, seul.
Or, pour le philosophe, cet
état se prolonge au-delà de l'enfance proprement dite parce que les hommes
ont peur de devenir libre.
« La paresse et la lâcheté sont les causes qui
expliquent qu'un si grand nombre d'hommes[…], restent cependant volontiers,
leur vie durant, mineurs, et qu'il soit si facile à d'autres de se poser en
tuteurs des premiers.
» L'état premier de l'homme ne serait alors que
l'obéissance à d'autres, à des tuteurs.
Dostoïevski « il n'y a qu'une chose que
les hommes préfèrent à la liberté, c'est l'esclavage.
»La liberté ne serait pas
une obligation fondamentale mais le résultat d'un combat et d'un
apprentissage de l'homme.
Pour se libérer de quelque chose, il faut avoir la possibilité de choisir de
se libérer et donc être libre préalablement
- Pourtant, si la liberté ne semble ni imposée ni donnée, elle semble être
toujours présente comme possibilité de choisir.
Ainsi, le texte de Kant par
exemple, suppose que les hommes aient la possibilité de vaincre leur paresse
et leur lâcheté et qu'ils puissent décider de devenir libre.
Or pour décider de
se libérer de quelque chose, il faut pouvoir préalablement avoir la possibilité
de choisir entre deux actions : se libérer ou rester esclave.
On peut effectivement dire que quelqu'un nous a obligé
à faire quelque chose, mais le choix reste toujours présent.
L'ultime choix est en effet de choisir la mort plutôt que
la contrainte, l'obligation.
Pour Sartre, ainsi, la liberté est présente dans toutes les situations comme possibilité de
dire « oui » ou « non ».
De même, pour Hegel, la liberté est la possibilité de nier quelque chose, de dire « non ».
Dès
lors, même l'enfant sait dire « non » quand il ne veut pas faire quelque chose..
»
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