L'homme-désir - Le désir est l'essence de l'homme - Spinoza
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L'homme-désir - Le désir est l'essence de l'homme - Spinoza
« le désir est l'essence de l'homme » (III, définition générale des
affects)
Affirmer cela, c'est d'abord reconnaître l'importance et la nécessité du
désir ; irréductible à une imperfection, un manque, il est susceptible
d'exprimer notre nature.
Cela tient à la manière dont Spinoza envisage
l'existence individuelle : chacune est caractérisée par une tendance à
affirmer son être, le conatus, qui chez l'homme est conscient de luimême.
Il naît d'une « affection » de notre essence, qui peut concerner
l'esprit seul — il s'agira d'une volonté — ou l'esprit en même temps que le
corps — on parle alors d'appétit.
L'existence est donc affirmation
dynamique d'une puissance qui s'oriente toujours vers ce qui lui semble
utile, le désir supporte cette affirmation.
Pourtant tout désir n'exprime
pas intégralement, ni adéquatement ma nature.
Parmi les affects, il faut
distinguer les affects qui sont des passions, déterminés par une cause
extérieure, des affects actifs.
De ces derniers seulement procéderont les
désirs qui correspondent à une affirmation de soi.
Prendre la mesure de Dieu, c'est prendre la mesure de la Nature comme
substance infinie, nécessaire et suffisante.
Cela étant, tout est en quelque sorte comme un rapport de forces,
comme s'il y avait plus de force, de puissance dans une idée adéquate que dans une image ou une illusion, plus
de force dans la raison que dans la passion, et comme nous le verrons plus loin, plus de force dans un Etat
démocratique que dans la tyrannie ou l'anarchie.
En effet, tout être, toute chose «veut» — non par vouloir propre, par libre arbitre, mais par nécessité, du fait
même de ses propriétés — persévérer dans son être essentiel, dans sa force, dans sa puissance.
Si bien que
l'homme est essentiellement désir, non un ensemble de facultés ou de capacités..
Chaque chose, selon sa puissance d'être, s'efforce de persévérer dans son être.
J'entends ...
sous le nom de Désir tous les efforts, impulsions, appétits et volitions de l'homme...
Le désir est l'essence même de l'homme, c'est-à-dire l'effort par lequel l'homme s'efforce de persévérer dans
son être.
A telle enseigne que c'est le désir qui est au fondement de nos actes et non l'illusoire jugement moral
(bien/mal) et le libre arbitre.
Il y a là, chez Spinoza, un étonnant renversement de nos raisonnements
habituels.
Tout se passe comme si — ce qui est d'ailleurs vrai — j'« aime» la vie parce que je vis, et non
l'inverse : je vis parce que j'aime la vie.
De même — ce qui est tout aussi vrai mais moins reconnu — j'aime
cette femme parce que je vis avec elle, et non : je vis avec cette femme parce que je l'aime.
Car, c'est la
passion et non la raison qui nous donne l'illusion de choisir.
Nous ne faisons effort vers aucune chose ...
parce que nous jugeons qu'elle est bonne; c'est l'inverse : nous
jugeons qu'une chose est bonne parce que nous faisons effort vers elle, que nous la voulons et tendons vers
elle par appétit ou désir.
Ce désir, inscrit en moi comme essence nécessaire, déborde non seulement ma pensée consciente (de mon
désir, mais ignorante de ses causes — et c'est déjà en quelque sorte toute la psychanalyse!), mais encore les
passions qui en manifestent la force : force croissante de la joie, force décroissante de la tristesse ; l'une, la
joie, culminant dans l'homme raisonnable vainqueur des contraintes extérieures dont il accepte la nécessité au
même titre que sa nature propre, l'autre, la tristesse, culminant dans «l'homme entièrement vaincu par des
causes extérieures qui sont contraires à sa nature propre» et qui, partant, se suicide.
Donc la raison «corrige» la passion, comme le concept corrige l'image, et au lieu de pâtir sous la contrainte
extérieure, nous agissons avec plus de force, d'effet, de productivité en assumant notre essence nécessaire.
Si bien qu'être de désir d'être «un homme libre ne pense à aucune chose moins qu'à la mort ; et sa sagesse est
une méditation non de la mort, mais de la vie», même si «la force, en vertu de laquelle l'homme persévère dans
l'existence, est limitée, et est infiniment surpassée par la puissance des causes extérieures».
SPINOZA (Baruch).
Né à Amsterdam en 1632, mort à La Haye en 1677.
Il apprit l'hébreu, le latin, le français dans les écoles juives et latines, et travailla dans la maison de commerce
familiale.
Accusé d' « effroyables hérésies », Spinoza échappa de peu à un assassinat en 1656, et fut
excommunié de la synagogue la même année.
Il apprit la taille des instruments d'optique, vendit des verres.
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