l'homme aime-t-il la justice pour elle-même ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
Le sujet pose comme thèse que l'homme aime la justice.
En effet, comment pourrait-il en être autrement ? La
justice est un principe qui fonde l'égalité entre tous, or il est moral de considérer son prochain comme soi-même.
Ce
pendant, ne serait-il pas hypocrite d'affirmer que c'est pour cette raison que l'homme aime la justice ? N'est-ce pas
plutôt parce que la justice le protège lui-même ? En effet, l'homme est égoïste et son propre sort l'intéresse bien
davantage que celui de son prochain.
Néanmoins, la justice reste universelle, et s'applique à tous, et on demeure
outré lorsque sont bafoués des principes élémentaires de justice.
A ce titre, nous pouvons nous demander si nous
aimons la justice pour elle-même, en tant qu'idée, concept, ou bien si ce que nous aimons, ce sont ses applications
pratiques.
Enfin, il faudra faire attention à distinguer la justice comme concept de la justice que nous connaissons dans la réel,
et qui s'exprime dans la loi.
Proposition de plan :
I ] L'homme n'aime pas la justice pour elle-même mais parce que, appliquée dans les lois, elle le protège :
L'état de nature ne peut pas être un état de justice
Calliclès : « La justice consiste en ce que le meilleur ait plus que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort.
Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, chez toutes les espèces animales, chez toutes les races
humaines et dans toutes les cités ! » Platon, Gorgias, Ive s.
av.
J.-C.
En règle générale, la loi et la nature se contredisent.
D'un point de vue naturel, le plus grand des maux est de subir
l'injustice et non pas de la commettre.
Pour la loi, il ne faut pas commettre l'injustice.
Les lois sont ainsi établies par
les faibles - et pour eux - en vue de se protéger des débordements de force des plus puissants.
C'est du point de
vue des faibles que la loi décrète ce qui est digne d'éloge ou au contraire blâmable.
La notion d'égalité dans la
justice obéit au même principe : la même loi pour tous, en établissant une égalité par le bas.
Quiconque n'agit pas
comme le fait et le veut la multitude est puni par la loi.
Au contraire, la nature montre qu'il est juste que le supérieur
l'emporte sur l'inférieur, et le plus capable sur le moins capable.
La nature est le siège d'une lutte de forces, où la
plus puissante est destinée à l'emporter et à dominer.
Les bâtisseurs d'Empires n'ont pas autrement agi, en pillant,
massacrant, pour s'approprier et dominer.
La soumission à la justice égalitaire est donc le fait des faibles, qui
craignent les puissants et sont incapables de dominer.
On ne peut pas être d'accord avec Calliclès car la loi du plus fort est un état instable (le plus fort est dominant
jusqu'à ce qu'il soit en position de faiblesse (maladie, sommeil...)), or, nous avons besoin, pour vivre sereinement en
collectivité, de sûreté et d'égalité.
Nous vivons en société, avec les autres, nous aimons la justice car elle est l'application pratique d'un sentiment
spontané (celui que l'autre vaut comme moi-même, est libre autant que moi, et qu'il y a une certaine équité entre
les hommes dès que l'on sort de l'état de nature).
C'est une idée qui implique l'égalité virtuelle des êtres humains (égalité des personnes).
"La justice est une disposition constante de l'âme à attribuer à chacun ce qui d'après le Droit civil lui revient."
Spinoza, Traité théologico-politique.
Nous aimons la justice car elle nous protège, pas parce qu'elle protège autrui :
« Ce n'est pas parce qu'on craint de la commettre, mais c'est parce qu'on craint de la subir que l'on blâme
l'injustice ».
Platon
« L'amour de la justice n'est, en la plupart des hommes, que la crainte de souffrir l'injustice.
» La Rochefoucauld,
Maximes, 78.
II ] Mais la justice des hommes n'est pas la justice universelle que chacun porte en soi :
Une justice sociale varie d'un lieu à un autre, comment pourrait-elle alors avoir une valeur en elle-même ?
" Plaisante justice qu'une rivière borne ! Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà " Blaise Pascal, Pensées
Cette Pensée pascalienne joue sur l'ironie d'une justice qui se veut universelle alors qu'elle change d'un état à un
autre et même, d'une berge à une autre !
Nous avons en nous un sentiment de justice inné
"Il existe une justice et une injustice dont tous les hommes ont comme une divination et dont le sentiment leur est
naturel et commun, même quand il n'existe entre eux aucune communauté ni contrat." Aristote, Réthorique, 1373 b..
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