l'homme a-t-il une place privilégiée dans la nature ?
Extrait du document
«
[Seul être vivant doué de raison, l'homme est le maître et le centre de la nature.
L'homme est le seul être
vivant doué de raison et d'une conscience libre.
Seul il constitue une culture et seul il cherche à
comprendre le monde et à le transformer.
Tout concourt à démontrer qu'il occupe une place privilégie
dans la nature.]
L'homme est le seul être politique et raisonnable
C'est au second chapitre du premier livre de la « Politique » que l'on
retrouve en substance la formule d'Aristote.
On traduit souvent mal en
disant : l'homme est un « animal social », se méprenant sur le sens du
mot « politique », qui désigne l'appartenance de l'individu à la « polis »,
la cité, qui est une forme spécifique de la vie politique, particulière au
monde grec.
En disant de l'homme qu'il est l'animal politique au suprême degré, et en
justifiant sa position, Aristote, à la fois se fait l'écho de la tradition
grecque, reprend la conception classique de la « cité » et se démarque
des thèses de son maître Platon.
Aristote veut montrer que la cité, la « polis », est le lieu spécifiquement
humain, celui où seul peut s'accomplir la véritable nature de l'homme :
la « polis » permet non seulement de vivre mais de « bien vivre ».
Il
affirme de même que la cité est une réalité naturelle antérieure à
l'individu : thèse extrêmement surprenante pour un moderne, et que
Hobbes & Rousseau voudront réfuter, puisqu'elle signifie que l'individu
n'a pas d'existence autonome et indépendante, mais appartient
naturellement à une communauté politique qui lui est « supérieure ».
Enfin Aristote tente de différencier les rapports d'autorité qui se font
jour dans la famille, le village, l'Etat, et enfin la cité proprement dite.
La cité est la communauté politique au suprême degré et comme elle
est spécifiquement humaine, « L'homme est animal politique au suprême degré ».
En effet la communauté
originaire est la famille : c'est l'association minimale qui permet la simple survie, la reproduction « biologique »
de l'individu et de l'espèce.
Composée du père, de la mère, des enfants et des esclaves, elle répond à des
impératifs vitaux minimaux, à une sphère « économique » comme disent les Grecs.
« D'autre part, la première
communauté formée en vue de la satisfaction de besoins qui ne sont pas purement quotidiens est le village.
»
Il faut comprendre que famille et village sont régis par le besoin, par la nécessité naturelle de la vie, et ne
sont pas propres à l'humanité.
Le cas de la « polis » est différent.
« Ainsi, formée au début pour satisfaire les besoins vitaux, elle existe pour
permettre de bien vivre.
» Dans la « polis » se réalise tout autre chose que la simple satisfaction des besoins :
sa fonction initiale (satisfaire les besoins vitaux) découvre autre chose de beaucoup plus important : non plus
le vivre mais le bien vivre.
Non plus la simple vie biologique mais l'accès à la vie proprement humaine, qui
dépasse la sphère économique pour atteindre la sphère morale.
« Car c'est le caractère propre de l'homme par rapport aux autres animaux d'être le seul à avoir le sentiment
du bien et du mal, du juste et de l'injuste, et des autres notions morales, et c'est la communauté de ces
sentiments qui engendre famille et cité.
»
Seule la cité, la « polis », transcende les simples nécessités vitales et animales et permet à l'homme d'accéder
à sa pleine humanité.
Elle naît de la mise en commun de ce qui est spécifiquement humain : la raison et les
sentiments moraux.
Ainsi les modernes ont-ils tort de parler « d'animal social » : ce qu'Aristote désigne est
moins l'appartenance à une communauté quelconque, ou encore régie par des intérêts « économiques », que
l'accès à une sphère autre, seulement politique, et qui permet à l'homme de s'épanouir en tant qu'homme, de
viser le bonheur, d'entretenir avec les autres hommes des liens libres, libérés de tout enjeu vital.
Plus étranges peuvent paraître les deux autres thèses, liées, d'Aristote, affirmant que la cité est une réalité
naturelle, et surtout, qu'elle est antérieure par nature à l'individu.
Cela signifie que l'homme n'est pas
autosuffisant : il n'est qu'une partie d'un tout : la cité, comme la mai est partie du corps.
Pas plus que la main
n'existe réellement sans le corps, l'individu humain n'existe sans la cité.
C'est d'elle qu'il reçoit son humanité,
son développement, son statut moral.
« Mais l'homme qui est dans l'incapacité d'être membre d'une communauté, ou qui n'en éprouve nullement le
besoin, parce qu'il se suffit à lui-même, ne fait en rien partie de la cité et par conséquent est ou une brute,
ou un dieu »
Ne pas appartenir à la « polis », lei d'humanité, c'est être soit infra-humain, soit supra-humain..
»
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