L'homme a-t-il besoin d'illusions ?
Extrait du document
«
Nous condamnons généralement l'illusion parce qu'elle nous détourne de la réalité, parce qu'elle nous fait « prendre
nos désirs pour la réalité ».
Néanmoins, si nous la condamnons, c'est aussi parce que nous aimons bien souvent
nous faire « bercer d'illusions » qui nous paraissent souvent plus douces que le réel.
Est-ce simplement par
méconnaissance ou par ignorance que nous tombons dans l'illusion ou l'illusion peut-elle correspondre à un besoin ?
Ici, vous pouvez vous demander si les illusions ne nous permettent pas parfois de mieux supporter le quotidien qui
serait pesant ou même la vérité.
Vous pouvez alors penser aux analyses de Nietzsche lorsqu'il montre que nous
avons besoin d'illusions pour ne pas mourir de la vérité.
Vous pouvez également vous reporter aux analyses de Marx
à propos de l'illusion religieuse : il montre alors que la religion est un moyen pour l'homme de supporter une réalité
pénible.
Dès lors, les illusions naissent de conditions sociales insupportables.
Il s'attache à montrer en quoi un
changement des conditions sociales conduirait à faire disparaître les illusions.
Ce sont donc des conditions pénibles
qui font que l'homme a besoin d'illusions sans que l'on puisse affirmer que l'homme a essentiellement besoin
d'illusions.
Vous pouvez également vous reporter aux analyses de Spinoza, en particulier dans l'appendice du Livre 1
de l'Ethique.
Il montre ainsi que les illusions viennent de notre ignorance.
Nous tombons alors dans l'illusion parce
que parce que nous ne cherchons pas à connaître la nature et le monde qui nous entoure.
Il s'agirait alors encore
de montrer que le besoin de se faire des illusions naît de conditions particulières.
Dans ces conditions, demandezvous ce qui définit ce besoin.
Vous pouvez alors plus précisément analyser cette notion.
Parler de besoin semble
renvoyer à une nécessité.
Le désir produit l'illusion
Pour Freud, l'illusion est un produit du désir.
Nous sommes amoureux de telle personne, alors nous la parons de
toutes les vertus et de tous les charmes.
Notre vie nous paraît médiocre, alors nous compensons en rêvant d'une
destinée héroïque, de richesses, de pouvoir.
Les illusions font prévaloir le principe de plaisir sur le principe de réalité,
le rêve sur le quotidien.
L'illusion religieuse à une fonction consolatrice
Marx le rejoint en partie lorsqu'il dit que la religion est l'opium du peuple, c'est-à-dire une illusion nécessaire pour ne
pas sombrer dans le désespoir.
Si Marx reconnaît avec Feuerbach que la critique de la religion est la présupposition de toute critique, il
reproche toutefois à ce dernier sa conception abstraite de l'homme.
Feuerbach manque la réalité de l'homme
concret.
L'homme doit être conçu dans son existence réelle.
L4homme pour Marx, n'est pas « une essence
abstraite, blottie hors du mode ».
L'homme , c'est avant tout « le monde des hommes », « l'Etat », « la
société » : « Feuerbach résout l'essence religieuse en essence humaine.
Mais l'essence de l'homme n'est pas
une abstraction inhérente à l'individu isolé.
Dans sa réalité, elle est l'ensemble des rapports sociaux » (« Thèse
VI sur Feuerbach »).
C'est pourquoi Feuerbach « ne voit pas que l'esprit religieux est lui-même un produit
social ».
Dans la « Critique de la philosophie du droit de Hegel », Marx montre que la religion est « la conscience
inversée du monde », parce que le monde de l'homme, l'Etat, la société sont eux-mêmes « un monde à
l'envers ».
Si la religion est « la réalisation fantastique de l'être humain », c'est parce que « l'être humain ne
possède pas de vraie réalité ».
Autrement dit, l'aliénation religieuse est le produit de la pauvreté effective de
l'homme : « La détresse religieuse est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la
protestation contre la détresse réelle.
La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans
coeur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu.
Elle est l'opium du peuple ».
Aliéné
économiquement, exploité socialement, l'homme réalise de manière fantastique son essence dans un monde
imaginaire.
C'est pourquoi lutter contre la religion, c'est « indirectement lutter contre ce monde-là dont la
religion est l'arôme spirituel ».
Ainsi, à travers la critique de la religion, la critique doit atteindre la situation réelle
de l'homme : « L'abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l'exigence que formule son
bonheur réel.
Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situation, c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a
besoin d'illusions.
La critique de la religion est donc en germe la critique de cette vallée de larmes dont la religion
est l'auréole.
»
Supprimer l'illusion religieuse, c'est donc exiger le bonheur réel.
Dépouiller « les chaînes des fleurs imaginaires »,
c'est du même coup inviter l'homme à rejeter « les chaînes » et cueillir « les fleurs vivantes ».
Plus
fondamentalement, détruire les illusions de l'homme c'est le rendre à sa vraie réalité « pour qu'il pense, agisse,
façonne sa réalité comme un homme sans illusions parvenu à l'âge de raison, pour qu'il gravite autour de lui-.
»
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