l'histoire : une histoire ou des histoire ?
Extrait du document
«
A.
Introduction
En première analyse, c'est comme plurielle et multiple que l'histoire se présente à l'observateur.
En effet, quel que
soit le sens retenu du terme histoire — soit comme étude s'efforçant de connaître le passé humain, l'histoire
subjective, soit comme réalité historique objective — nous remarquons qu'il y a des discours historiques et des
événements singuliers et divers.
L'histoire nous frappe par son morcellement et sa fragmentation.
Néanmoins, le morcellement historique se révèle peu satisfaisant pour l'esprit en quête d'unité et d'intelligibilité,
objets suprêmes de recherche de la raison humaine.
Le problème essentiel soulevé par le sujet est donc le suivant : l'histoire peut-elle échapper au morcellement? Il
s'agit de voir si, au-delà des divers récits historiques et des faisceaux d'événements particuliers, nous laissant dans
l'éparpillement analytique, une histoire globale et unitaire peut être posée et même requise.
B.
Discussion
1.
La multitude éclatée des histoires
Que faut-il entendre par des histoires? Prenons ici le terme en son sens objectif, comme déroulement de faits dans
le temps.
Les suites historiques sont diverses et leurs synthèses se révèlent multiples et variées.
Les formes
historiques, mobiles, se succèdent sans répit aux yeux de l'historien.
C'est donc la multiplicité des tableaux
événementiels qui retient d'abord l'attention.
Nous pouvons prendre l'exemple de l'histoire du Moyen Age qui, de
proche en proche, révèle son caractère pluriel.
Déjà, ce concept de Moyen Age, loin d'être simple, se décompose
lui-même en haut Moyen Age (grosso modo : du Ve au Xe siècles) et une période de renouveau et d'éveil, qui part
du XIe siècle, pour culminer dans l'Europe des cathédrales (1140-1280).
Mais, de plus, que de représentations et de
mouvements divers dans ces Moyen Ages multiples et variés ! Il y a la nuit, de misère et d'angoisse, du Xe siècle,
les lents renouveaux du XIIe siècle, le triomphe d'un certain esprit de raison, mais aussi de complexes poussées
contradictoires.
Ainsi, des histoires du Moyen Age, des périodes médiévales multiples, des « empilements
d'événements » peuvent être construits à l'intérieur d'un concept unique.
Le Moyen Age ne semble pas exister.
Ce qui s'offre, par conséquent, à notre regard, c'est la multitude éclatée des histoires, la poussière et la multiplicité
des faisceaux historiques particuliers.
Des formes et des événements hétérogènes se déploient dans le temps.
Partout, des buts sont à l'oeuvre.
Or, si tout se succède sans discontinuer, la pensée est alors prise dans un trouble
et inconsistant flux historique.
Un principe d'intelligibilité semble donc exigé et requis.
Comment passer du partiel au
global, des récits historiques particuliers à une histoire unitaire ? La solution au problème ne peut être trouvée que si
les différents moments historiques peuvent devenir aspects d'un même principe synthétique et s'y intégrer.
Alors la
pensée réfléchissant sur l'histoire cesserait d'être prise dans un devenir inconsistant et décevant.
Au lieu d'être emporté dans une mêlée bigarrée et incompréhensible, l'esprit, devant une histoire, dépasserait la
confusion et le désordre pour accéder à la paix de l'unité et de la clarté.
Dès lors le devenir aux mille péripéties
pourrait s'ordonner en une histoire.
2.
Une histoire
C'est ce qu'a magnifiquement tenté de réaliser Hegel, lorsqu'il a intégré les
diverses histoires dans le mouvement d'un principe unitaire, celui de l'Esprit.
Voici, avec Hegel, les mille histoires et les mille moments humains ordonnés
dans la dynamique de l'Esprit se faisant et se construisant.
Chaque formation
historique devient alors une phase dans la marche graduelle par laquelle
l'Esprit se fait de plus en plus clair et transparent.
Dans cette perspective, un
principe spirituel suprême, immanent au monde, unifie l'histoire, qui se confond
avec le devenir de l'Esprit universel.
Hegel insiste fortement sur le fait qu'il n'existe qu'un seul thème spirituel
s'exprimant durant chaque période, créant la politique, l'art, la religion, la
moralité.
Toutes les facettes d'une même époque ont un seul caractère qui se
trouve à la base et pénètre partout : en tout moment, l'Esprit est un.
La
cathédrale gothique est une ramification de même nature que la philosophie
scolastique de ce temps, puisque le même principe spirituel s'extériorise à
travers différents aspects d'une même période de l'histoire et les anime.
Non seulement chaque moment est unifié, mais il s'intègre lui-même dans la
marche graduelle de l'Idée (le dynamisme interne des choses) se faisant.
L'Idée et l'Esprit sont d'abord opaques et confus, mais ils se « purifient »
continuellement.
Chaque peuple méritant le nom d'historique marque, par son
existence même, un moment dans la clarification graduelle de l'esprit.
Ô
triomphe de l'Idée dans sa marche ! Ainsi le peuple asiatique correspond-il à
l'enfance de l'humanité.
Le surgissement de la civilisation grecque représente,
lui, un point crucial de l'histoire, un moment privilégié dans le développement de l'Esprit.
L'individu grec s'identifie
avec la cité, où il est libre et heureux.
La période gréco-latine est celle de l'adolescence de la civilisation.
A cette
époque succède l'ère chrétienne.
Ainsi, l'Esprit absolu, se faisant progressivement, atteindra la parfaite clarté au
terme de l'histoire.
L'Absolu est à la fin ce qu'il est en réalité.
Le terme de l'histoire, c'est Dieu ou l'Absolu.
Si l'Esprit organise les mille moments humains, l'histoire devient une, il y a désormais une fin et une rationalité dans
l'histoire.
L'histoire a un sens parce qu'elle est intelligible.
On peut alors parler du Sens de l'histoire, c'est-à-dire de.
»
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