L'histoire résulte-t-elle d'un plan caché de la nature ou d'une ruse de la raison ?
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«
Introduction :
La formulation du sujet porte en lui-même deux présupposés théoriques.
Autrement dit, pour saisir
pleinement l'enjeu du sujet, il faut tout d'abord remarquer que l'alternative qui nous est proposée faire référence à la
philosophie kantienne de l'histoire et celle de Hegel.
En effet, le « plan caché de la nature » est une expression
symptomatique de la philosophie de Kant et plus particulièrement dans son opuscule : l'Idée d'une histoire
universelle d'un point de vue cosmopolitique.
Il nous appartiendra alors de comprendre cette expression et ses
conséquences tant sur le plan théorique que sur le plan pratique ce qui nous amènera à développer la conception
kantienne de l'histoire.
La seconde partie de l'alternative est proprement hégélienne, comme on peut le voir dans La
Raison dans l'histoire, il faut donc effectuer le même travail d'analyse pour celui-ci.
Mais au-delà de ces simples
constatations nous devons approfondir l'analyse du sujet dans sa dynamique même.
En effet, le problème essentiel du sujet est la conception de l'histoire dont la formulation nous incite à faire
un choix entre deux visions de l'histoire.
Dès lors se pose la question du critère du choix ou de sa norme, c'est-àdire de ce qui nous permettra de préférer l'une des solutions plutôt que l'autre et les raisons de ce choix.
Cependant, pour comparer ces deux conceptions de l'histoire il convient de saisir le point commun et les différences
entre les deux.
Or de ce point de vue, il est remarquable de voir que ces deux visions de l'histoire s'inscrivent dans
ce que l'on pourrait appeler le « finalisme historique », c'est-à-dire qu'il y aurait un principe immanent dans l'histoire
qui dicterait et donnerait les directions à suivre du développement historique ; ici la nature ou la raison.
Ce serait
dire alors que l'histoire serait déterminée quoique l'homme fasse.
Il faudrait alors interpréter les évènements
historiques selon le but que se propose la nature ou la raison et c'est à ce point précis que le sujet prend toute son
envergure.
Si effectivement on peut voir dans l'histoire un plan caché de la nature ou une ruse de la raison qu'il s'agira
de déterminer, et éventuellement de déterminer une préférence entre les deux, (1ère & 2nd partie), on pourra
s'interroger sur le bien fondé d'une lecture finaliste de l'histoire, c'est-à-dire non seulement sur le problème
herméneutique que cela suppose mais aussi sur le but que cela fixe a priori dans l'histoire et les raisons théoriques
ou pratiques d'une telle conception[1] ; dès lors, peut-être faudra-t-il révoquer en doute les deux conceptions de
histoire (hégélienne et kantienne), les renvoyer dos à dos, nécessitant alors une redéfinition de l'histoire plus proche
d'une acception scientifique et objective (3ème partie).
I – Le plan caché de la nature kantien
a) C'est bel et bien à Kant que l'on doit l'expression « plan caché de la nature ».
Cette expression apparaît dans le
cadre d'un opuscule de 1784 intitulé Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique.
Le problème
auquel répond Kant dans cet ouvrage est celui de l'histoire, plus exactement, il cherche « si l'on ne peut pas
découvrir dans ce cours absurde des choses humaines un dessein de la nature.
» L'histoire peut nous apparaître en
effet comme décousu, manquant d'unité, c'est-à-dire n'étant qu'une suite d'évènements qui s'enchaînent les uns
aux autres sans raison apparente.
Or comme le propose Kant, développer une philosophie de l'espoir c'est
rechercher un cause permettant de lier le cours de l'histoire et d'en saisir le sens.
Et c'est bien là le point essentiel,
la question sous-jacente est l'histoire a-t-elle un sens ? A cela Kant répond dès le début de l'ouvrage : « Quel que
soit le concept de la liberté du vouloir que l'homme puisse élaborer dans une intention métaphysique, les
manifestations de ce vouloir, telles qu'elles nous apparaissent, les actions humaines, sont déterminées
conformément aux lois universelles de la nature, aussi bien que n'importe quel autre événement de la nature.
L'histoire, qui a pour tâche de relater ces faits tels qu'ils nous apparaissent, à quelque profondeur que puissent être
cachées les causes, laisse cependant espérer, quand on considère en gros le jeu de la liberté du vouloir humain, que
l'on puisse y découvrir un fonctionnement régulier, et cela de telle façon que ce qui saute aux yeux comme
embrouillé et sans règle chez les sujets individuels pourra cependant être reconnu, au niveau de l'espèce entière,
comme un déploiement continu, progressif, quoique lent, des dispositions originelles de cette espèce.
» Il faut
remarquer la clause restrictive que Kant utilise : la philosophie de l'histoire, la possibilité de lui trouver un sens est
fondée sur une espérance, comme sur une croyance qui reste cependant naturelle et rationnelle chez Kant.
b) Ainsi, dès la première proposition de l'Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique, Kant
énonce que « toutes les dispositions naturelles d'une créature sont destinées à se développer un jour complètement
et en raison d'une fin.
» Il s'agit de trouver une fin à l'histoire, à l'histoire de l'homme.
C'est pourquoi Kant poursuivra
dans la huitième proposition : « On peut considérer l'histoire de l'espèce humaine, dans l'ensemble, comme l'exécution d'un plan caché de la nature, pour réaliser, à l'intérieur, et dans ce but, aussi à l'extérieur, une constitution
politique parfaite, car c'est la seule façon pour elle de pouvoir développer complètement en l'humanité toutes ses
dispositions.
» La fin de l'histoire pour l'homme est la culture, comme on le voit dans le Critique de la faculté de
juger, dont le développement d'une constitution est l'achèvement mais aussi le problème le plus difficile à résoudre.
Cependant, si l'histoire suit un plan caché dont l'auteur est la nature, il n'en reste pas moins que c'est l'homme qui
doit être l'auteur de son progrès même si celui-ci est inexorable (on peut y voir le futur développement du « Sapere
aude » kantien, c'est-à-dire un « aide-toi toi même » tel que cela apparaît dans Qu'est-ce que les Lumières ?).
Comment cela fonctionne-t-il ?
c) Comme le notera Eric Weil dans Problèmes kantiens, on peut dire que l'on a affaire à une ruse de la nature (ce
qui montre par anticipation un rapprochement avec la philosophie que développera Hegel).
En effet, pour arriver à
ses fins la nature use d'un stratagème qui est « l'insociable sociabilité » des hommes ; thème que précise Kant à la
proposition quatre de l'Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique : « Le moyen dont se sert la
nature, pour mener à terme le développement de toutes les dispositions humaines est leur antagonisme dans la
société, jusqu'à ce que celui-ci finisse pourtant par devenir la cause d'un ordre conforme à la loi.
[…] J'entends ici.
»
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