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l'histoire nous permet-elle de tirer un enseignement moral ?

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« Le thème de cet énoncé concerne la nature de l'enseignement historique.

L'objet de l'histoire est factuel, c'est-à-dire se fonde en l'empiricité des productions et du devenir de l'homme.

Ainsi semble-t-elle s'inscrire à l'origine en contradiction avec le domaine de la morale, pour autant que celui-ci se définit par son appartenance au règne du devoir-être (la nécessité ici opposée à l'empirisme des faits). Dès lors, le problème s'articule autour de la signification du verbe “ tirer ”.

Tirer quelque chose d'autre chose, autrement dit d'une chose dont l'origine diffère du domaine en lequel sera transposé ce qui est extrait (dans le cadre de l'énoncé : passer de l'empirie des faits propres à l'histoire au devoir-être normatif qualifiant la morale), permet de manifester l'apparente conflictualité existant entre les domaines (morale et histoire).

Afin de clarifier cette opposition apparente et, partant, de décider de la possibilité de l'enseignement, il s'agit (et tel est le problème) de comprendre l'ambiguïté du verbe “ tirer ” compris comme extraction en distinguant deux interprétations : la déduction et l'induction. Ladite ambiguïté peut être exemplifiée par la distinction entre le (non-)rapport qu'entretiennent à l'histoire les philosophies kantienne et hégélienne. Formant les enjeux du développement, l'investigation de ces deux élaborations du rapport de la morale à l'histoire structure son déploiement. I.

La rupture kantienne Dans le cadre d'une première acception de l'histoire, celle-ci se définit par sa relation à la factualité du passé.

En tant que concernant le domaine des faits, l'histoire ou le passé de l'homme dans sa généralité se caractérise par sa contextualité, c'est-à-dire par sa relativité : l'histoire comme temporalité (et non l'histoire narrée dans le récit, autrement dit l'histoiriographie) s'inscrit dans en contexte donné en lequel seulement elle prend sens.

En ceci précisément l'histoire se trouve opposée à la conception kantienne de la morale.

Pour Kant, la morale se définit par la nécessité de son devoir-être en tant qu'il est vecteur de l'absolu (le Bien).

A insi, la morale est pensée comme foncièrement anhistorique puisqu'extraite du domaine des faits, ou de l'être, mais participant du devoir-être. Le problème du formalisme de la morale kantienne est qu'elle consacre la rupture des règnes (être de l'histoire et devoir-être de la morale) devenant alors irréconciliables.

L'existence de la morale, comme expression pure de la raison pratique, ne saurait jamais être attestée dans les faits (‘nul ne sait si un juste a même un jour existé'), mais constitue uniquement un principe idéal d'orientation de l'action – une Idée de la raison dont l'actualisation se trouve différée selon l'eschatologie qu'elle suppose, voire exige (le “ règne des fins ” étant le seul lieu où la morale serait attestée). Une telle conception de la signification de la morale rend ainsi impossible tout enseignement à partir de l'histoire, car le verbe “ tirer ” a ici été présupposé comme signifiant induire des faits selon une compilation d'ordre strictement empirique – or la morale est la transcendance (le Bien) extérieur à toute expérience… Mais un tel formalisme peine par son abstraction, et la morale y demeure comme une idée vide.

A fin d'éviter l'accusation de Péguy (voulant avoir les mains propres, la morale kantienne finit par ne pas en avoir), seul l'exemple peut venir en secours ; l'exemple, c'est-àdire l'incarnation historique. II.

La synthèse hégélienne Les apories de la philosophie kantienne trouvent leur possibilité de dépassement dans la dialectique hégélienne.

En rationalisant l'histoire tout autant qu'il historialise la Raison, c'est-à-dire en pensant l'historique comme modalité de déploiement de la rationalité dans le temps, Hegel revêt l'histoire d'un sens et d'un ordre soustrait à toute relativité contextuelle des faits.

Pensée dès lors comme historiographie (pour Hegel, le récit de l'avènement de la rationalité), l'histoire devient l'exemplification empirique – et rationnelle – de l'Esprit ( La Raison dans l'histoire).

A insi en est-il de la figure du “ grand homme ” (Napoléon) qui pour Hegel incarnait l'Esprit en le manifestant et en le réalisant historiquement. La philosophie hégélienne de la rationalité de l'histoire constitue l'enseignement qui s'en peut extraire en une déduction de la rationalité de l'Esprit.

Le contenu de l'enseignement moral qui de l'histoire peut être tiré se laisse anticiper de la détermination de l'Esprit en tant que celui-ci est la condition de validité de celui-là.

L'enseignement n'est donc qu'exemplification, et plutôt que de “ tirer ” (la morale de l'histoire), il s'agit d'appliquer la rationalité à l'histoire qui ainsi seulement peut être riche d'enseignement moral. En conséquence, pouvoir tirer le devoir-être (l'enseignement moral) de l'être (l'histoire) implique chez Hegel de supposer et d'accepter que l'être lui-même soit le devoir-être (autrement dit que l'histoire se définisse dans sa nécessité comme expression de la rationalité), tout autant que le devoir-être soit l'être (c'est-à-dire se caractérisant par la nécessité de son incarnation ou réalisation).

Bref, que “ le réel est le rationnel, et le rationnel réel ” (op.

cit.). Le rationnel et le réel chez HEGEL Tout ce qui est essentiel est vivant.

Tout ce qui est vivant est essentiel.

Le monde, entrevu avec les yeux de la pensée, en est le témoignage.

Si la vie qui se déploie à travers ce monde n'était pas essentielle, il n'existerait pas.

C 'est ce que Hegel a voulu dire quand il a dit que « tout ce qui est rationnel est réel, et tout ce qui est réel est rationnel ». Il n'a pas voulu idéaliser le monde qui est le nôtre en gommant le mal qui s'y trouve, mais insister sur la profondeur du réel comme de la pensée.

Une vraie pensée a toujours un impact sur la réalité.

Les grandes idées qui ont changé l'Histoire en sont la preuve.

À l'inverse, tout ce qui a une véritable réalité est toujours chargé de sens.

L'existence n'est pas muette, ni l'essentiel abstrait.

Au contraire.

Le sens est plein de vie, comme l'existence est pleine de sens. La preuve : c'est ainsi que nous vivons la réalité, comme la pensée, d'ailleurs.

Nos vraies pensées changent toujours notre vie. Conclusion L'extraction d'enseignement moral à partir de l'histoire n'est possible que dans l'acception hégélienne des significations respectives des notions de “ morale ” et d' “ histoire ” ; mais alors on ne tire que ce qu'on doit pouvoir s'attendre à y trouver (en termes kantiens, on déduit de manière analytique). Car penser l'autre branche de l'alternative relative au verbe “ tirer ”, c'est-à-dire le penser comme induction, ne saurait assurer la transition entre domaines hétérogènes (le devoir-être et l'être) – et ce, à moins de s'inscrire dans un cadre strictement empiriste ; mais alors la morale n'est plus morale (transcendance de la verticalité du devoir) mais éthique.

En conséquence, seule l'histoire histoiricisée, ou encore rationalisée dans et par le récit dialectique du déploiement de la Raison, peut être porteuse d'enseignement moral.. »

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