L'histoire est-elle un concept universellement partagé ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
UNIVERSEL:
a) Qui s'étend à l'univers, qui concerne l'univers.
b) Qui ne souffre pas d'exception.
c) Qui est valable pour tous les hommes, en tous temps et en tous lieux.
HISTOIRE: Ce mot désigne soit le devenir, l'évolution des individus et des sociétés (allemand Geschichte), soit
l'étude scientifique de ce devenir (allemand Historie).
Du grec historia, « enquête ».
Ce mot recouvre principalement deux significations, que la langue allemande distingue
: le devenir historique lui-même, comme ensemble d'événements (Geschichte), et la connaissance du passé que
l'historien essaie de constituer (Historie).
La première signification pose le problème du sens et de la finalité de l'histoire ; la seconde, celui de la scientificité
de la discipline de l'historien.
Concept
Du latin conceptus, « reçu, saisi ».
Produit de la faculté d'abstraction, un concept est une catégorie générale qui
désigne un caractère commun à un ensemble d'individus.
Les concepts, auxquels renvoient les signes du langage, permettent d'organiser et de classer notre saisie du réel.
A.
Histoire cumulative et temps linéaire
• C'est donc dans le temps que l'homme a une dimension historique.
Il laisse des traces comme les monuments, les
documents.
Ce temps mémorisé détermine une histoire cumulative, c'est-à-dire une histoire en marche.
On a
longtemps pensé que ce sont les cultures de l'écrit qui avaient donné naissance à l'histoire, ce qui sous-entendait
que les sociétés sans écriture étaient des sociétés sans histoire.
Mais cette idée exprime l'ethnocentrisme des
sociétés industrielles.
Certes, il est incontestable que l'histoire, en tant que discipline, est liée à l'écrit.
Cependant,
puisque le temps passe pour tous, aucune société n'échappe au changement.
Ainsi, toute société a une histoire et
la connaît.
• Dans les trois grandes religions monothéistes — judaïsme, christianisme, islam — Dieu donne sens à l'histoire.
Nous
vivons dans un temps linéaire qui a un début : chassés du paradis, d'une vie anhistorique, Adam et Eve apprennent
la tragique condition de l'humanité condamnée à mourir.
Dans le jardin d'Eden, le temps n'existait pas.
Adam et Eve
ne connaissaient ni les ravages ni les vicissitudes de la temporalité, comme la vieillesse et la mort.
Jeté dans le
temps, l'homme devient un être mortel dont la mission sur terre est d'assurer son salut.
Toute l'humanité vit entre la
chute et la rédemption.
La fin de l'histoire sera le Jugement dernier et la venue du royaume de Dieu sur terre.
L'histoire n'a de sens que liée à la notion de progrès : il existe un début et une fin.
B.
Histoire stationnaire et éternel retour
• Mais la pensée grecque ignore la notion d'histoire cumulative.
Cela signifie-t-il qu'elle ignore l'histoire ? Le progrès
n'est pas, dans la société grecque, une valeur positive.
Tout ce qui change se corrompt.
D'ailleurs, Platon n'assigne
de valeur qu'au monde intelligible, immuable.
Pour les Grecs, le temps est cyclique.
Tout recommence toujours,
éternellement identique.
Il y aura de nouveau un Socrate buvant la ciguë, disaient les stoïciens.
Dans cette
conception cyclique, la notion de progrès ne peut pas exister.
Il n'y a ni début, ni fin, mais un éternel
recommencement du même.
• Le monde recommence après un temps.
L'histoire cyclique du monde raconte qu'au bout d'une certaine période, la
« Grande Année », a lieu une conflagration universelle.
Le monde retourne à son point de départ, et un nouveau
cycle recommence, identique au précédent dans ses moindres détails.
On pourra se référer à la thèse nietzschéenne
de l'Eternel Retour du Même:
Le poids le plus lourd.
— Et si, un jour ou une nuit, un démon venait se glisser dans ta
suprême solitude et te disait : « Cette existence, telle que tu la mènes, et l'as menée
jusqu'ici, il te faudra la recommencer et la recommencer sans cesse ; sans rien de
nouveau ; tout au contraire ! La moindre douleur, le moindre plaisir, la moindre pensée,
le moindre soupir, tout de ta vie reviendra encore, tout ce qu'il y a en elle
d'indiciblement grand et d'indiciblement petit, tout reviendra, et reviendra dans le même
ordre, suivant la même impitoyable succession,...
cette araignée reviendra aussi, ce
clair de lune entre les arbres, et cet instant, et moi aussi !
L'éternel sablier de la vie sera retourné sans répit, et toi avec, poussière infime des
poussières ! »...
Ne te jetterais-tu pas à terre, grinçant des dents et maudissant ce
démon ? A moins que tu n'aies déjà vécu un instant prodigieux où tu lui répondrais :
« Tu es un dieu ; je n'ai jamais ouï nulle parole aussi divine ! » Si cette pensée prenait
barre sur toi, elle te transformerait peut-être, et peut-être t'anéantirait ; tu te
demanderais à propos de tout : « Veux-tu cela ? le reveux-tu ? une fois ? toujours ? à
l'infini ? » et cette question pèserait sur toi d'un poids décisif et terrible ! Ou alors, ah !
comme il faudrait que tu t'aimes toi-même et que tu aimes la vie pour ne plus désirer
autre chose que cette suprême et éternelle confirmation ! NIETZSCHE
Pendant l'été 1881 NIETZSCHE séjourne en Haute-Engadine dans le petit village de Sils-Maria.
C'est là qu'au cours.
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