L'histoire est-elle le règne du hasard ?
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«
Introduction
Le terme « histoire » est synonyme d'information, d'enquête.
L'histoire désigne à la fois le récit des évènements passés (l'histoire du M oyen-Â ge, de la
Renaissance) et l'ensemble de ces évènements (le cours de l'histoire).
A insi comment déterminer ce cours de l'histoire, a-t-il un ordre, une orientation ?
C ette question est légitime quand on voit l'apparent désordre des évènements qui jalonnent le monde des hommes.
L'his torien tente de déterminer les
causes qui sont à l'origine des événements, et ce afin d'éclairer la rationalité de leurs enchaînements.
La question de l'objec tivité déc oule de cette mise en
lumière historique.
M ais il apparaît que des événements accidentels peuvent être à l'origine d'un récit his torique importants.
A ussi, étant donné que de plus
en plus l'événement est noyé au milieu d'une infinité d'autres événements, c omment peut-on réfléchir sur une logique de l'histoire qui ne soit pas que pur
chaos ?
I.
« le théâtre du monde »
a.
L'histoire a été traitée déjà dans l'A ntiquité.
A la différence des mythes et des légendes qui sont des discours sans auteurs et sans dimension c ritique,
l'histoire s'est vue être l'objet d'une sc ience.
A insi Hérodote et Thucydide (V e siècle avt.
J-C ) ont donné de nombreuses informations sur les mœurs, la vie
quotidienne et les institutions de certaines époques.
T hucydide sera celui qui s'est véritablement employé à chercher une forme intelligible à travers une
masse informe d'informations.
A vec lui commence le travail propre de l'historien, celui d'établir une objectivité (cf.
L'Histoire de la guerre du Péloponnèse).
b.
Etudier le passé et lui conférer une objectivité, c'est là la tâche du récit historique.
Le récit doit se conformer aux évènements eux-mêmes, sans y
ajouter de regard subjectif.
L'objectivité consiste ainsi en la mise en ordre méthodologique des évènements afin de leur donner une rationalité.
Le multiple
doit élaborer la pensée historique.
M ais l'histoire n'est pas une collection de faits : « L a c onnaissance historique n'a pas pour objet une collection,
arbitrairement composée, de faits seuls réels, mais des ensembles articulés, intelligibles » (R.
A ron, Dimensions de la conscience historique).
L'intelligibilité
historique excède le particulier et donne valeur à un ensemble déterminé et organisé.
c.
C omment d'évènements multiples ou hasardeux surgit une logique historique ? Il n'y a pas de c auses premières d'où découlent tous les évènements.
A insi selon Tocqueville, ce sont les circonstances accidentelles qui produisent les faits historiques : « le hasard ou plutôt cet enchevêtrement de causes
secondes […] entrent pour beaucoup dans tout c e que nous voyons sur le théâtre du monde » (Souvenirs).
Les causes ne sont souvent que l'ordre instauré
par l'historien.
II.
l'histoire a-t-elle un sens ?
a.
C omment expliquer le désordre apparent des évènements , et l'ordre pourtant qui semble se détacher de l'ensemble ? On pourrait évoquer le thème du
destin, l'idée qu'une force non humaine détermine à l'avance le cours des évènements, et contre laquelle l'homme est impuissant.
C 'est la conception de
l'A ntiquité, où l'homme n'est que le jouet d'une histoire qui le dépasse.
Par ailleurs, la tradition judéo-chrétienne évoque la providence divine, selon laquelle
une puiss ance personnelle oriente l'histoire humaine vers le progrès et lui donne signification.
M ais on voit que l'histoire offre un spectacle désolant à
travers les hommes qui ne cessent de poursuivre aveuglément leurs intérêts propres.
b.
C 'est à la lumière de toute cette absurdité que Hegel tente de comprendre le sens de l'histoire.
A insi, selon cet idéaliste allemand, toutes c es guerres,
ces sacrifices, permettent l'avancée de la raison.
C ette théorie paradoxale affirme que les peuples sont les instruments inconscients de l'Esprit du monde,
tout comme les grands hommes à travers lesquels s'instaure une nouvelle forme de rationalité.
La Rais on à l'œuvre dans l'histoire se sert des passions
individuelles pour triompher, et en cela elle est bien « rusée ».
Pour Hegel, « tout doit c ontribuer à une œuvre.
A la base de cet immens e sacrifice de l'Esprit
doit se trouver une fin ultime.
La question est de savoir s i, sous le tumulte qui règne à la surface, ne s'accomplit pas une œuvre et secrète dans laquelle
sera conservée toute la force des phénomènes » (La Raison dans l'histoire).
c.
A près Hegel, Marx montrera qu'il n'y a pas de marche secrète opérant le dessein historique.
En effet, selon lui, ce sont les conditions matérielles des
hommes qui déterminent l'histoire.
L'histoire est le règne d'une lutte entre c eux qui travaillent et ceux qui profitent du produit de ceux qui travaillent.
C e
sont les hommes qui font l'histoire, et qui doivent prendre conscience que ce sont leurs actions qui définis sent réellement un récit historique.
III.
l'histoire, totale ou partielle ?
a.
A près la seconde guerre mondiale s'impose une histoire plus approfondie qui s'appuie sur une revue, Les Annales.
Il s'agit ainsi de « comprendre », en
excluant tout finalis me, et en reconsidérant la question de la caus alité et de la temporalité his torique.
F.
Braudel fera une décomposition de l'histoire en
plans étagés, en se fondant sur une étude des différents types de rythmes his toriques : il oppose le temps géographique au temps social et individuel.
A insi
cet auteur a le désir d'une his toire totale.
Mais il apparaît que la question de l'événement a repris un regain d'intérêt suite à cette tentative.
b.
L'histoire sans historien est typique de nos sociétés contemporaines.
Elle se déroule immédiatement devant c hacun de nous.
On parle ainsi de
l'actualité, à laquelle chacun y prend part sans en être surpris.
L'événement est toujours une catastrophe, mais il ne paraît plus jamais imprévisible.
Il y a
dans nos sociétés une « sur-information perpétuelle » en même temps qu'une « sous-information chronique » (P .
Nora, « Le retour de l'événement » in Faire
de l'histoire ).
A vouloir tout montrer, on ne voit plus rien.
Il n'y a plus de surprise, et la quotidienneté de certains peuples semble se soumettre à un
enchaînement d'évènements sans en considérer les véritables tenants et aboutissants.
La réflexion sur les évènements est étouffée sous la rapidité de
l'actualité.
Et le présent, imbibé d'images fragmentées, semble être un émiettement dépourvu de toute épaisseur intelligible.
Conclusion
L'histoire est ainsi au départ le désir d'assembler des informations permettant de former une totalité intelligible.
Il est important d'établir des connexions
entre événements afin d e n e p a s l e s laisser pour hasardeux, ou accidentels.
C 'est l'information médiatique de nos jours qui contribue à laisser des
événements subsis ter par eux-mêmes , sans considération de la manière dont ils sont advenus.
En ce sens le désir d'information ruine la rationalité à
l'œuvre dans le monde.
M ais faut-il renoncer pour autant à la quête d'une trame secrète du tiss u événementiel ? Le hasard pour nous ne serait-il pas, pour
reprendre l'idée hégélienne, la trace même de la nécessité rationnelle en acte ?.
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