l'histoire enseigne t-elle la relativité des valeurs ?
Extrait du document
«
Ce sujet laisse supposer que la succession des événements passés, à savoir l'histoire, ne serait, sans cesse,
qu'apparition de la nouveauté.
En effet, aucune valeur ne parvient à perdurer dans le cours de l'histoire, c'est que
sans cesse, de nouvelles valeurs viennent s'imposer.
Chaque époque serait donc porteuse de ses propres valeurs,
des valeurs différentes des époques précédentes: chaque époque serait en somme une nouveauté morale.
Mais
alors, nous sommes bien en mal avec une autre notion contenu dans le sujet: celle d'enseignement.
En effet,
qu'est-ce qu'enseigner si ce n'est transmettre un savoir? Or, un savoir, c'est avant tout un corps cohérent de
propositions vraies.
Par exemple, une discipline comme la chimie ne contient pas une addition d'éléments sans
rapport entre eux: chaque proposition est prise dans une chaîne de proposition plus large comme élément d'un
ensemble logiquement tenu.
En ce sens, si l'histoire nous apprend la relativité des valeurs, elle ne nous enseigne
pour ainsi dire rien, puisqu'au lieu d'un savoir organisé, nous n'avons qu'un ensemble incohérent de nouveauté qui se
suivent, une addition d'éléments hétéroclites.
D'un autre côté, si l'histoire nous permet de saisir une relativité des valeurs, cela signifie qu'aucune valeur ne
perdure dans le cours de l'histoire.
Dans cette perspective, s'il est impossible de tirer du joug de l'histoire un
dénominateur commun à toutes les périodes, si aucune valeur n'est capable de dépasser le cours d'une époque,
c'est qu'aucune de ces dites valeurs n'est donc transcendantes.
En d'autres termes, l'histoire nous enseignerait
l'idée que rien ne lui échappe, que tout est soumis, relatif, à l'espace et au temps d'une époque.
En ce sens,
l'histoire serait donc l'endroit où tout se passe, tout se déroule, et à la fois, l'endroit où rien ne se sait, un passé qui
ne peut rien nous enseigner.
Ne voyons-nous donc dans l'histoire qu'un amas de valeurs sans rapport entre elles,
réductibles aux époques où elles ont émergé? En somme, n'y a-t-il de valeur qu'historique?
I.
Platon: quitter l'histoire pour trouver l'en soi
Dans la République, Thrasymaque évoque la légende de l'anneau de Gygès afin de
démontrer à Socrate, qu'au fond, tout homme n'a d'intérêt non pour le juste, mais que
pour ce qui l'arrange, même si cela est d'ailleurs contraire au juste.
Cette légende lui
permet de sonder habilement l'âme humaine, et de retenir que la vertu n'est qu'un
masque que nous nous efforçons de garder sur le visage.
L'homme n'accorde aucune
importance à ce qui est légitime: il a seulement peur de la sanction légale et du
jugement d'autrui.
L'idée est ici effroyable, puisqu'elle signifie que, si nous ne pouvons
pas trouver de valeur morale méta-historique, c'est-à-dire qui dépasse la simple histoire
(son temps et son espace), nous pouvons cependant trouver une constante dans le
comportement humain: soit une proprension à n'être juste que par convention, chaque
homme, et de tous temps, ne souhaitant en vérité en son for intérieur que suivre son
simple plaisir (un plaisir transgresseur).
L'instinct est en ce sens en dehors de l'histoire, il
est le même chez tout homme et à toute époque.
Alors qu'il menait ses bêtes, Gygès, un berger Lydien, vît soudainement la terre s'ouvrire
devant lui dans un bruit effroyable.
Une fois le tonnerre passé, il se précipita dans la
brêche et put y découvrir, entre mille trésors, un anneau délicatement posé sur une des roches souterraines.
Il la
passa au doigt et retrouva la surface ainsi que sa vie quotidienne.
Un jour, alors qu'il participait à une assemblée
entre berger, il fît tourner le châton de sa bague et put alors s'apercevoir que les autres berger parlaient comme s'il
n'était pas là: il était devenu invisible.
Il rentra chez lui, et s'assura de se pouvoir en faisant pivoter à de multiple
reprises l'anneau autours de son doigt: l'effet était confirmé: à chaque tours, il devenait invisible.
Il profita de ce
formidable pouvoir pour accompagner dans le plus parfait anonymat des messagers du roi qui passaient par ses
terres, et put ainsi se rendre au palais.
Sur place, il séduisit la reine, puis assassinat le roi pour enfin prendre le
pouvoir du royaume où il ne vivait auparavant qu'en berger.
Par cette argumentation, Thrasymaque entend montrer que, si l'on donne cet anneau à un homme réputé bon et à
un autre cette fois-ci méchant, les deux poursuivront la même fin, celle qui sert leur intérêt, et non le bien.
Socrate
va confirmer l'idée selon laquelle il n'existe pas d'autres véritablement vertueux, il va lui même rappeler l'impossibilité
de trouver sur cette terre un régime politique qui ne soit pas corrompu.
L'histoire ne nous enseigne que cela.
A cela
s'ajoute le fait que, d'un pays à un autre, d'une civilisation à une autre, les hommes sont incapable de se mettre
d'accord sur une norme du juste.
Ce qui est juste pour les uns, ne l'est guère pour les autres.
Et c'est précisément
la raison pour laquelle tant d'hommes sont injustes: ils sont incapable de se mettre d'accord entre eux sur le juste
parce qu'ils ne le connaissent pas: « Nul homme n'est méchant volontairement » nous dit Platon.
Or, pour Socrate,
c'est précisément parce qu'aucun homme n'est juste, n'est capable d'agir en dehors de son intérêt, n'est capable de
gouverner son tirer le pouvoir à son avantage, qu'il faut aller chercher la norme de la justice, ce qu'elle est en soi,
en dehors de l'expérience sensible qui patauge dans sa corruption.
II.
Montaigne: leçon de conservatisme
Socrate nous demande donc d'aller par-delà l'histoire, chercher dans le monde des Idées, la norme du juste en soi:
c'est là seulement que réside les véritables valeurs.
Notre monde est foncièrement en proie à la corruption: il
change sans cesse de telle sorte que rien de stable ne s'offre à la connaissance.
Ce monde n'est qu'une copie d'un
modèle, le monde des Idées, où résident les essences immuables de chaque choses, seules garantes d'une
connaissance vraie.
Or ce monde ne peut être saisi par l'oeil physique, sensible, organique, mais seulement par l'oeil.
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