L'histoire de l'art est-elle finie ?
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«
Introduction :
On entend parfois parler de « la mort de l'art », comme si l'histoire de l'art pouvait être terminée.
L'art est une production humaine, il
est donc engendré par l'homme, et évolue avec lui.
Cependant, si l'histoire humaine évolue, il semble aujourd'hui que l'homme soit
arrivé au stade final de son évolution, et que les nouvelles inventions ne sont qu'un perfectionnement sans grand changement.
Aussi
avons-nous l'impression dans l'art que nous avons parcouru toutes ses possibilités, et que son histoire, faite de recherches, est
achevée.
Aujourd'hui les œuvres d'art sont emprisonnées dans des musées, fixées dans les livres d'histoire, figées dans les
commentaires et descriptions que l'on en fait.
Le terme même « d'histoire de l'art » fait entrer l'art dans un récit, avec un début et une
fin.
L'histoire de l'art est-elle finie ?
1ère partie : L'histoire de l'art progresse toujours.
- L'art est différent d'un moment à l'autre.
L'histoire de l'art nous montre bien les évolutions de l'art à travers les âges et les lieux.
On
peut faire une ontogenèse de l'art, comme pour un être vivant : l'art d'aujourd'hui est le résultat de toutes ses différentes figures qu'il
a pris par le passé.
L'art se construit, s'élabore, en se servant de ce qui l'a précédé.
L'art progresse, grandi, s'enrichi, comme un être
vivant.
Par conséquent, l'histoire de l'art n'est pas finie.
A chaque époque elle est rallongée.
- L'histoire de l'art n'est pas finie, au sens de figée, car elle évolue au fil des réinterprétations.
L'art s'interprète : il y a des
commentateurs, des historiens, des experts, qui analysent l'art sous des angles différents.
L'histoire de l'art n'est pas univoque, mais
plurielle, et donc infinie.
L'interprétation est une certaine lecture, orientée et relative, de l'art.
Par le jeu de la comparaison, de l'étude
historique, l'histoire de l'art prend des directions différentes.
Panofsky, dans un article sur le tableau Sol justiciae du peintre Dürer,
compare ainsi le tableau à l'iconographie islamique et aux représentations astrologiques et en conclu à une influence de la littérature
apocalyptique et de l'astrologie gréco-arabe sur l'imagination de la fin du Moyen-Age.
- Tant qu'il y aura des artistes, et des œuvres d'art, il faut que l'histoire de l'art continue.
Tout artiste qui innove, qui invente un
nouveau « système de formes » le doit à un « conflit » avec un autre style : l'art, selon Malraux, « ne naît de la vie qu'à travers un art
antérieur » (Les voies du silence).
L'art prolonge son histoire de lui-même, et l'histoire de l'art n'est donc pas finie, car elle nourrit son
avancée.
2ème partie : L'histoire de l'art est terminée car l'art se répète désormais.
- Arthur Danto explique dans Philosophie analytique et esthétique que les œuvres d'art conceptuel (comme le ready-made, à l'instar de
L'urinoir, de Duchamp) ne sont pas des œuvres d'art car elles n'ont de valeur que par rapport à un certain contexte, et à la signification
qu'elles offrent à leur époque.
Ces œuvres étaient subversives au moment de leur création mais n'ont plus d'intérêt aujourd'hui.
Danto
regrette la « mort de l'art », parce que l'art n'est plus atemporel et éternel, mais au contraire éphémère, puisqu'il ne peut être compris
que rapporté au projet conceptuel de l'artiste.
L'histoire de l'art est finie lorsque l'art se retourne sur lui-même.
Il se raconte lui-même,
mais n'a pas d'histoire.
L'art conceptuel met fin à l'histoire de l'art.
- L'art est alors figé dans les musées, et dans les discours qu'on porte sur lui.
En instituant une œuvre comme « chef d'œuvre », où en
érigeant un homme au rang d'artiste, on sacralise l'art, qui n'est plus vivant.
L'art acquiert « une dimension cultuelle » selon Walter
Benjamin.
Pour Walter Benjamin l'œuvre d'art possède une « aura » qui fait d'elle un objet sacré, mis sur un piédestal, contemplé avec
respect, dans le silence du musée, du théâtre ou de la salle de concert.
Cette sacralisation fait perdre son caractère vivant à l'art, car
on l'emprisonne, on le réduit à un objet de culte, éternel et immuable.
L'histoire de l'art peut alors être considérée comme finie, si les
œuvres d'art sont ainsi figées dans un sens univoque et éternel.
Les œuvres d'arts seront ainsi toujours dites pareillement, et vues de
manière identique, et l'histoire de l'art sera la même à une époque ou à une autre.
3ème partie : L'histoire de l'art n'est pas terminée car l'art est une éternelle recherche.
- L'histoire de l'art ne peut pas être finie si on considère l'art comme toujours vivant, et en évolution constante.
La vision du peintre
est une naissance continuée », écrit Merleau-Ponty, en faisant allusion à la « création continuée » chez Descartes : il signifie par là que
le peintre réitère continuellement l'expression de sa vision.
Il restitue sans cesse sa vision renouvelée.
Le tableau est alors pensé
comme toujours vivant, dans le présent, à l'instant où je le regarde.
C'est une donation permanente, dans cesse recommencée.
- Pour l'auteur de L'œil et l'esprit, « la peinture n'est jamais tout à fait hors du temps, parce qu'elle est toujours dans le charnel ».
L'artiste s'approprie le monde de façon corporelle, et le restitue de façon corporelle, il éprouve l'entrelacement de son corps avec le
corps du monde, et c'est pourquoi l'art est vivant : il respire avec le monde.
- La peinture ne procède ni par accumulation ni par ruptures épistémologiques, elle est toujours nouvelle, toujours première, totale, et
pourtant toujours à acquérir, selon Merleau-Ponty.
Quand le peintre travaille un problème précis - une texture, par exemple -, en
réalité, c'est tous les autres problèmes qu'il ébranle.
« Même quand elle a l'air partielle sa recherche [du peintre] est toujours totale ».
La résolution d'un problème en peinture n'est qu'une ouverture à d'autres problèmes.
La recherche est par conséquent infinie.
Il ne
peut donc pas y avoir de terme à la peinture, pas de mort de l'art possible, puisque la quête de l'artiste ne connaît pas de limites.
Parce que le monde est inépuisable, la peinture l'est aussi.
Le corps et l'image expriment l'être sans jamais en épuiser sa signification.
Cela explique aussi le fait que les œuvres donnent lieu à des « réinterprétations interminables ».
- Ainsi l'art vit au travers de sa réception.
C'est parce que l'art est interprété de manière différente, reçu de façon particulière dans la
sensibilité de chacun, qu'il vit par le biais du spectateur.
L'histoire de l'art n'est jamais finie car c'est le public qui fait vivre l'art : le
regard le rend l'art actuel.
Conclusion :
L'histoire de l'art n'est pas finie, car l'art ne doit pas être considéré comme figé, immuable, c'est-à-dire mort.
Au contraire, l'histoire de
l'art ne cesse de changer avec les époques, et avec les interprétations.
L'histoire de l'art est équivoque, plurielle, et peut toujours être
complétée davantage.
En fait, non seulement l'histoire de l'art n'est pas finie, mais encore pouvons nous presque dire qu'il n'y a pas
d'histoire de l'art, mais seulement un « présent » de l'art : l'art que nous contemplons à un moment donné, et dont nous n'aurons
jamais épuisé toute la richesse du passé dont il est investit..
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