L'histoire comme connaissance scientifique ?
Extrait du document
«
La notion d'histoire prend des sens multiples et elle est donc ambiguë.
Mais cette ambiguïté n'est pas forcément un défaut
: elle révèle l'ambiguïté de l'histoire elle-même.
En effet, le terme histoire désigne tout à la fois le devenir historique et la
connaissance qu'on en prend.
Le mot histoire vient du grec historia qui a le sens d'enquête et de histôr qui désigne le
témoin.
C'est ce premier sens d'enquête que retient Hérodote pour présenter son oeuvre : "voici l'exposé de l'enquête
entreprise par Hérodote pour empêcher que les actions accomplies par les hommes ne s'effacent avec le temps".
Ce terme
d'enquête laisse entendre une méthode rigoureuse qui se rattache à l'objectivité de la science.
Et cependant l'histoire,
c'est aussi un récit sur ce qui n'est plus et qui n'est plus vérifiable.
La connaissance historique ne fait-elle pas appel à une
subjectivité absente a priori de toute science? Mais l'histoire peut-elle se réduire à une narration imaginaire? Le terme de
"science" ne s'applique-t-il qu'aux sciences de la nature?
1.
L'histoire a une méthode scientifique
L'histoire consiste, comme toute science, à constater des faits, à les analyser, à établir entre eux des rapports et à
dégager des lois.
L'histoire se veut en effet une explication rationnelle du passé.
La nature, par exemple, objet des
sciences dites classiques telles que la physique ou la chimie, n'est pas rationnelle, mais elle est susceptible d'être
rationnellement expliquée.
Il en est de même pour l'histoire qui, à ce titre, est la conceptualisation scientifique du temps
social.
L'historien essaie aussi donc d'établir des lois en histoire.
Pourtant ce concept appliqué au domaine historique pose
problème : en effet, l'événement étudié par l'historien n'est pas le cas particulier d'une loi générale.
Mais cependant il peut
y a avoir un certain type de loi historique qui n'est pas forcément étrangère aux lois de type scientifique.
L'histoire propose
des explications à partir de lois d'ordre sociologique et économique et il est bien évident qu'on ne peut méconnaître
l'importance des mouvements sociaux et de la vie économique dans la genèse des faits historiques.
2.
L'histoire ne peut subir aucune vérification et se juge à l'aune de la mentalité d'une époque
L'observation directe est impossible en histoire car le passé n'est plus et ne sera plus jamais.
Il n'y a donc pas de lois qui
puissent être soumises à l'expérience.
Nous ne disposons ainsi d'aucun moyen pour juger de la vérité du discours de
l'historien, parce qu'il n'est possible de juger les autres époques qu'à travers un présent qui trouble notre connaissance.
Dans la masse des faits du passé, l'historien est obligé de faire des choix et il est obligé de reconstruire une histoire
continue à travers un matériau divers et fragmentaire.
C'est pour cela qu'Anatole France affirme que "l'histoire n'est pas
une science, mais un art.
On n'y réussit que par l'imagination."
De plus, le déterminisme scientifique implique que les mêmes causes produisent le mêmes effets.
Or ceci ne peut
absolument pas être établi en histoire.
La causalité suppose des rapports constants et les faits historiques sont uniques.
De plus, pour que l'historien soit objectif, il faudrait, selon Fénelon, qu'il ne soit d'aucun temps, ni d'aucun pays.
Or, toute
conscience de l'histoire est une conscience dans l'histoire.
Les historiens de métier transcendent l'actualité dans laquelle ils
vivent et qui "traitent le plus reculé comme actuel en esprit." Cela pose en effet un problème, l'auteur appartient à une
culture déterminée différente de celle des époques dont il traite.
Il semble que tout fait historique échappe à la vérité
objective puisque sa vérité dépend de la mentalité qui la reçoit.
3.
L'histoire n'est pas seulement un récit imaginaire
On ne peut cependant pas dire que l'histoire n'est qu'une activité littéraire, qui ait seulement avoir avec l'imagination et le
talent d'écrivain de l'historien.
Le caractère personnel et relativement arbitraire des choix et donc de la production des faits
historiques n'enlève toutefois pas à l'histoire sa nature scientifique.
Certes, le savoir historique ne vise pas une objectivité
comparable à celle des sciences de la nature, et l'historien ne s'efface jamais totalement derrière les documents.
Toutefois,
l'établissement des faits historiques s'appuie sur des règles de recherche très strictes telles que la critique des documents,
la multiplicité concordante des témoignages, qui font de l'histoire une connaissance vraie et valide.
L'orientation des recherches dépendent des vues personnelles de l'historien.
En définitive, subjectivité et objectivité sont,
en histoire, dans un rapport étroit.
Mais il interroge le document et le force à parler.
L'histoire ne doit pas en être
disqualifiée comme science : "L'apparente servitude de l'historien de n'être jamais devant un objet passé, mais devant sa
trace ne disqualifie nullement l'histoire en tant que science"( Ricoeur, Histoire et vérité)
De plus, l'échec relatif de l'histoire de se constituer sur le modèle des sciences de la nature n'est pas à déplorer.
Cela
signifie en effet que l'histoire n'est pas un éternel recommencement dont on pourrait par des lois, prévoir le déroulement.
Ce qui laisse la possibilité de concevoir pour l'homme, l'histoire comme un champs de possibilité et d'actions.
Les historiens du XIXème siècle rêvaient de faire de l'histoire une science objective.
Il apparaît néanmoins aujourd'hui que
ce but est inaccessible.
En effet, la subjectivité de l'historien intervient à plusieurs niveaux notamment dans
l'établissement des critères qui président au choix des événements.
Mais aussi parce que l'histoire se penche sur des faits
qui ne se caractérisent par leur singularité.
L'historien ne peut donc ni établir des lois, ni prévoir l'avenir.
Mais seulement
n'empêche par qu'il puisse établir les faits de manière rigoureuse et chercher à enchaîner les événements, en mettant au
jour les causes singulières de la succession.
L'histoire est donc une science originale qui noue objectivité et subjectivité
pour approcher une réalité qui a cessé d'être.
Approfondissement de ce corrigé: http://www.devoir-de-philosophie.com/passup-corriges-5910b.html.
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