L'explication scientifique des conduites humaines est-elle compatible avec l'affirmation de la liberté ?
Extrait du document
«
En expliquant les conduites humaines par des raisons scientifiques, remet-on en cause la liberté humaine ? Cela
voudrait dire que notre volonté n'est que la manifestation de besoins, d'une réaction purement physique.
Où est
notre volonté si ce sont nos gènes, nos hormones et nos nerfs qui nous commandent ? Est-il possible de connaître
tel ou tel individu à partir de son génome par exemple ? Est-il possible de prévoir ses réactions devant telle ou telle
situation ? Qu'est-ce que ce genre d'hypothèses a d'inquiétant ? On peut se demander si toute conduite humaine
peut faire l'objet d'une explication scientifique.
La liberté peut-elle faire partie de ces conduites qui échappent à un
déterminisme scientifique ? D'autre part, qu'entend-on par l'affirmation de la liberté ? En affirmant quelque chose,
l'homme pose volontairement, positivement, quelque chose.
L'homme réagit-il toujours par rapport à un mécanisme
naturel, ou agit-il par sa propre détermination ? Est-ce que la détermination scientifique peut être indépendante de
la question de la liberté ? Références utiles : Spinoza, Leibniz, Sartre.
La chimie explique les comportements amoureux.
Les neurosciences permettent de créer des médicaments (Prozac,
Ritaline, etc.) permettant d'influer sur l'humeur et sur les comportements humains.
La science a pris possession de l'homme, non plus seulement de son corps mais aussi de ses conduites.
Il semble
que tout peut avoir une explication rationnelle, que rien n'est dû au hasard et encore mois à la liberté.
Vouloir
expliquer les comportements humains de manière scientifique semble enfermer une fois pour toutes l'homme dans un
déterminisme et le ramener à son statut d'être naturel.
Avec la science, l'homme n'est plus cet être libre qui se
détermine lui-même mais redevient un être naturel, soumis aux lois de la nature.
Sommes-nous prêts à accepter ceci ? Quelles sont les conséquences de la rationalisation des conduites humaines
sur la vision que l'homme a de lui-même ? Doit-on accepter une rationalisation toujours plus importante du réel si
celle-ci entraîne une perte de la liberté humaine ?
I) Incompatibilité entre le désir de rationalisation du monde et le besoin de liberté.
A) La besoin de rationalisation des comportements humains fait partie du projet d'une maîtrise de la nature et
donc du réel.
Cf.
Descartes : « [...] et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.
»
Discours de la méthode.
Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un
projet dont nous sommes les héritiers.
Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la
science, de la technique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs
de la nature ».
Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du
machinisme, de la domination technicienne du monde.
Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il
rompt de façon radicale et essentielle avec sa compréhension antérieure.
Dans le « Discours de la
méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : la
scolastique, que l'on peut définir comme une réappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote.
Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie
spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».
La philosophie
spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur
l'agir.
Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée,
n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.
La vie active est conçue
comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux.
Descartes subvertit la tradition.
D'une part, il cherche des « connaissances qui soient
fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature,
mais construit des objets de connaissance.
Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise
s'introduit au cœur même de l'activité de connaître.
La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».
« Ce qui n'est
pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les
commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé […] »
La nature ne se contemple plus, elle se domine.
Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et
s'en rende « comme maître & possesseur ».
Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.
Si la science
peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peut s'appliquer dans une technique.
La technique n'est plus un art, un
savoir-faire, une routine, elle devient une science appliquée.
D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».
Puis « de les
employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».
Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la
connaissance.
On connaît comme on agit ou on transforme, et dans un même but.
La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à.
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